top of page

Les deux-soeurs-fraises
Odaymin (fruit du cœur) Ndawema (ma sœur)

— Suite —

Lorsqu’elle revient au même endroit, peu de temps après, elle remarque que deux petites fleurs blanches entourées de feuilles vertes poussent exactement là où les os s’y trouvent.

 

Quelque chose d’étrange est en train de se produire, songe-t-elle.

 

À chacune de ses visites, elle demande ainsi pardon et un jour, elle aperçoit deux petits fruits rouges ayant la forme d’un cœur. Un des fruits l’interpelle :

 

- Ma sœur, vois, en priant tu as ouvert ton cœur à moi et je te pardonne pour ta faute. Mange un de ces fruits afin que nos cœurs soient réconciliés à nouveau.

 

Depuis, pendant les rituels de la tente de sudation, les femmes nourrissent les esprits des pierres — ces Grands-Pères affamés qui nous aident à purifier nos sentiments et à nous guider durant les cercles de guérison — avec des fraises en guise d’offrande, que nous appelons aussi : « Les Fruits de la Réconciliation ».

Note : Une version masculine existe aussi, il s’agit de jumeaux, Les Deux-Frères-Fraises. Le même rituel existe aussi dans les tentes de sudation où les hommes offrent aussi des fraises aux Grand-Pères Roches. Cela vaut aussi pour les rituels mixtes homme-femme.

 

 

Épilogue

 

J’ai entendu cette histoire pour la première fois, durant une hutte de sudation dirigée par l’Aînée Lillian Pitawanakwat, (Ojibway/Potawatomi) à Dreamers Rock sur l’île Manitoulin. Née à Whitefish River, en Ontario en 1944, elle est décédée depuis en 2011. Elle nous a légué de nombreux enseignements spirituels qui ont été une source d’inspiration pour moi. Je ne sais pas si j’ai réussi à me souvenir de tous les détails de cette histoire, mais j’espère vous en avoir transmis l’essentiel de ce que j’ai retenu. Voici deux liens (en anglais), l’un qui lui rend un dernier hommage en rapportant ses paroles et l’autre, sur un de ses enseignements sur les fraises.

lien 01.jpg
lien 02.jpg

Témoignage

 

J’ai par la suite été invitée comme artiste en arts visuels à participer à une exposition collective. L’œuvre accompagnée d’un texte sous forme de livre en tissu que j’avais fabriqué moi-même, raconte le récit des Deux-Sœurs-Fraises avec des témoignages de femmes autochtones. 

Odaymin Ndawima.livre.jpg

Cette installation a été présentée dans le cadre de l’événement Commémoration du 6 décembre au Musée d'art de Joliette sur le thème de la violence, rendant hommage aux quatorze femmes victimes lors de la tuerie de l'École polytechnique de Montréal, qui a eu lieu en 1989.

J’ai utilisé ce récit sous sa forme féminine, tout comme Lillian l’avait fait, lorsque je travaillais avec des femmes victimes de violence conjugale.

 

Dans les communautés autochtones, c’est devenu un fait banalisé. Durant les années 80, peu nombreuses étaient les femmes de ma génération qui dénonçaient ces faits et qui trouvaient le moyen de s’en sortir. J’ai fait partie de celles qui ont tenté de briser le cycle de la violence par la guérison spirituelle et émotionnelle.

 

J’ai recueilli des paroles, des témoignages de femmes autochtones, qui sont intégrés dans mon œuvre, dont on peut lire également dans le texte-livre :

 

« Mon oncle a abusé de moi », affirme une jeune fille.

 

« Mon mari avait l’habitude de me battre, ma fille a été battue et maintenant, je vois ma petite-fille revenir vers moi, son corps meurtri de coups », me confie une grand-mère.

 

« Je suis mère et je veux élever mes filles en toute liberté », espère une mère.

 

« La violence laisse des traces... Bientôt, les femmes se lèveront avec force et courage contre cette injustice perpétrée contre elles-mêmes et leurs enfants », me dis-je.

 

C’est ce qui semble se produire en ce moment et ce n’est que le début. Or, la violence semble être partout, omniprésente, envers les hommes, les femmes et les enfants. Peut-on dire qu’elle fait partie de la vie, du Cercle de Vie, de la mort et de la renaissance? Et tout comme dans le récit, peut-on se réconcilier?

Liste de tous les articles.jpg
bottom of page