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Diagnostic

Certains aspects de ma condition, comme l’incapacité de décoder les émotions ou les contextes, peuvent faire croire à un manque d’empathie ou même à un manque d’intérêt. Dans le monde du travail, ce qui compte ce n’est pas uniquement de faire son travail, il faut avoir des habiletés sociales et si l’on n’arrive pas à décoder l’humeur de ses supérieurs, et de ses collègues, ou à comprendre tacitement qu’il faut faire des heures supplémentaires pour terminer un travail, ça finit par être mal vu. On m’a gentiment remercié de mon poste d’informaticien en me disant qu’il manquait de fonds pour me payer.

Je me retrouve donc, au début des années 90, à travailler comme messager à vélo, un emploi où mon contact le plus difficile se limitait aux intempéries. C’est un boulot où j’ai fini par connaître tous les genres d’ascenseurs de tous les gratte-ciels de Montréal. Je n’ai pas lâché l’informatique pour autant, en adoptant un petit ordinateur de poche PSION LZ64, avec un incroyable 64 KO de stockage pour programmes et agendas. Il ressemble à un scanneur pour faire l’inventaire, avec son clavier « ABC », plutôt que « QUERTY », et son pavé numérique jumelé au pavé alpha. Un de mes programmes fait le compte à rebours des secondes qu’il reste chaque week‑end.

Ce rituel attire l’attention d’un collègue messager, qui me dit que je dois être autiste. Un simple quidam qui me pose un diagnostic. Si ce n’était pas de mon frère Antoine, j’aurais peut-être dit : « Il se prend pour qui de me dire ça! ». Mais il précise mes rituels et mes champs d’intérêt, comme s’il avait lu sur le sujet. Me remémorant mes difficultés antérieures, je commence à lire sur le sujet de l’autisme dans les bibliothèques universitaires. Le livre le plus convaincant, et que j’aie lu d’un bout à l’autre, c’est L’énigme de l’autisme de l’auteure Uta Frith. Des habitudes qui dérangent les autres et qui m’ont souvent valu un sermon de la part de ma mère, y sont énumérées : poser des questions sur des sujets pointus durant mon enfance, ne pas m’intéresser aux autres, passer mon temps à lire sur les transports, l’architecture moderne et autres sujets spécialisés.
 

En 1994, par un heureux hasard, lors d’une rencontre de parents chez Autisme Montréal, je rencontre un professeur de l’UQAM qui a un fils autiste. Il me prend sous son aile pour m’aider à acquérir des habiletés sociales, tout en m’impliquant aussi dans une cause qui me tient à cœur, celle de sortir les autistes du réseau psychiatrique, afin de leur donner une vie plus épanouissante au lieu de les bourrer de pilules.

En compagnie du professeur Peter Zwack, je suis invité dans des CLSC, des cégeps et des écoles pour sensibiliser les gens sur ce que c’est d’être autiste. Je me découvre un talent inconnu, celui d’orateur. Ma première conférence a lieu au Camp Emergo en 1995, devant des moniteurs et monitrices. J’y parle de mon vécu et des stratégies que j’ai développées pour naviguer dans un monde neurotypique. Cela augmente ma confiance en moi et m’aide à me faire un nouveau cercle d’amis parmi les gens qui partagent mes difficultés, et ceux dont les enfants sont dans des situations d’internement psychiatrique.

Conférence dans une colonie de vacances, à Lanaudière.

Ce n’est qu’à la fin des années 90, que mon frère Antoine est placé en centre de réadaptation, après avoir passé 15 ans dans un institut psychiatrique. Il lui faut un plan d’intervention avec un programme structuré pour qu’il puisse avoir un minimum d’habiletés pour être capable de vivre dans un appartement supervisé. Sa qualité de vie a changé, même s’il aura besoin de soins tout au long de sa vie.

En 1997, je lâche la messagerie à vélo pour de bon, pour retourner dans l’informatique, en tant que technicien au Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère. J’y fais du soutien informatique et de menues réparations d’ordinateur pour des étudiants, professeurs et employés de soutien. Les années 90 ont été un grand tournant dans ma vie.

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