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Cohabitation

Certains me voient comme un peu naïf et fleur bleue. Après avoir vécu seul pendant un an, je décide d’essayer la cohabitation, qui me semble avantageuse pour réduire les coûts du loyer. Mon premier colocataire est un joyeux luron qui s’intéresse aux choses ésotériques, comme les écrits de Carlos Castaneda, un chamane en vogue en ce début de l’ère Nouvel Âge qui supplantait les mouvements hippies des années 60-70. La musique électronique devient en vogue et un jour je trouve un disque dont le texte sur la pochette est « Ce disque doit être écouté NU ».

 

Avec mon colocataire, nous partageons de bons repas et avons de bonnes discussions philosophiques. Tant qu’on en reste là, tout marche bien... Jusqu’au jour où il me demande d’embarquer dans sa dernière lubie de ventes pyramidales et d’aller faire du porte à porte pour vendre une tisane de l’immortalité pour la prospérité. Le conflit entre moi et mon coloc vient du fait que je vis l’ésotérisme comme on parle d’un roman ou d’un film. J’ai mon emploi d’informaticien pour subvenir aux besoins matériels et il juge que je ne suis pas assez impliqué dans sa cause. Il me dit « involutif » plutôt qu’« évolutif ». La phase de parler pour parler est finie, selon lui, et c’est le temps d’agir.

 

C’est éventuellement la fin d’une amitié, et un autre ami excentrique m’invite à cohabiter. C’est un homme aux cheveux longs, passionné de gadgets et de vélo. Ses dadas sont les tandems et l’écologie. Il fait partie des premiers à vouloir recycler, mais les programmes de recyclage n’étant pas encore en place en 1984, il accumule des journaux et des boîtes d’œufs dans un salon double, du plancher au plafond. Par conséquent, il fut verbalisé par un représentant de la ville à ce sujet.

 

La relation entre colocs est bonne, et nous avons mis en place un système pour rendre les corvées de maison équitables, comme laver la salle de bain, la vaisselle et sortir les ordures. Un premier système utile pour une personne autiste, pour être sûr de ne pas oublier ses tâches. Il y a des points à droite et à gauche d’un cercle libellé pour chacune des tâches à faire. Si je fais la vaisselle, je déplace une épingle d’un point à droite. Si mon coloc oublie son tour de faire la vaisselle, j’avance d’un point à droite. Si mon coloc lave la vaisselle, l’épingle est déplacée vers la gauche. Si l’épingle est au milieu, alors nous sommes quittes, sinon, il faut accomplir la tâche indiquée jusqu’à l’équité.

 

 

 

Dans cet exemple, j’ai fait la vaisselle, alors c’est au tour de mon coloc de la faire, et il a sorti les vidanges, alors c’est à mon tour de les sortir.

 

Ce deuxième coloc était structuré dans sa vie domestique, et cela ne plaisait pas à tout le monde qui le fréquentait, ces derniers jugeant que cela enlevait de la spontanéité dans la vie. Sur le Plateau-Mont-Royal des années 80, l’excentricité était davantage la norme.

 

Les années 80 furent mes années folles au cours desquelles j’ai assisté à des festivals plutôt marginaux, comme les « Rainbow », et où le code vestimentaire rendait les vêtements optionnels. Ce fut aussi la chance de rencontrer mes premiers amours, car je ne me sentais pas jugé par les gens de la contreculture des années
70-80. Je trouvais ce monde très coloré, très ouvert d’esprit. Certains de mes goûts pouvaient choquer la gent de la contreculture, dont ma passion pour les ordinateurs, et surtout les montres. J’ai eu mon premier agenda électronique, et mon premier ordinateur de poche. J’avais fait un programme qui comptait les heures et les minutes durant le dans un week-end, car tout ce se qui touchait les dates et les heures me passionnait. Ma montre devait avoir un chrono et une minuterie. J’avais un rituel où ou je démarrais un compte à rebours de 6 heures, de 10 heures, etc. sur ma montre, et je me disais que dans ce laps de temps tout allait bien se passer. C’était une façon de vivre le moment dans le temps présent. Cependant, certains gens n’appréciaient guère une sonnerie de montre en temps inopportun. C’était une plaie dans les cinémas, longtemps avant les sonneries de cellulaires.

Au cours de mes études, j’apprends la coopération. Mes aptitudes en programmation, un domaine tout nouveau, alliées avec les talents de documentation de mes collègues étudiants, résulte en un vrai travail d’équipe dans les cours d’informatique. Mon talent compense mon manque d’habiletés sociales. Le département d’informatique étant petit, les rapports avec les autres y sont plus étroits et on y développe une certaine entre-aide.

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