
Blandine Legal Dornez s’est engagée à raconter aux lecteurs du Nénuphar,
ses souvenirs de jeunesse à Sainte-Geneviève, son village natal.
La journée des noces arrivait à grands pas. Maman a dû faire beaucoup de tartes que l’on devait garder entre deux portes, car c’était avant l’arrivée de l’électricité.

Chaque famille distillait son « eau-de-vie » pour passer les fêtes. Début janvier, mon père a donc « mis à tremper » comme on disait. Et durant quelques jours, et même la nuit, il nous fallait chauffer la fournaise au maximum pour faire ce whiskey. En me levant un matin, j’ai cru voir un peu de fumée sortir d’entre les briques de la cheminée de la maison. Je pars pour traire les vaches et je le mentionne à papa, mais il ne me croit pas. Ma mère, qui était aussi
dans l’étable, me demande d’aller vérifier après la traite. En approchant de la maison, je vois que la fumée sortait de la cheminée près du mur extérieur. Je cours donc l’annoncer à papa et LÀ, il m’a crue. Nous avons tout lâché et nous sommes partis à la maison avec chacun une chaudière d’eau. Mes frères, mon futur mari et son frère qui étaient à distiller dans la cave sont vite montés. On fit donc un trou dans le mur avec une hache et les flammes se sont mises à sortir. Grâce à l’eau et à la neige, nous avons réussi à éteindre le feu assez rapidement.
Le dîner de noces étant chez nous, nous avons donc fêté avec ce gros trou dans le mur de la cuisine. Pas le temps de réparer le dégât avant le mariage. L’eau-de-vie était bien réussie et tous ont pu prendre un p’tit coup qu’on servait dans un petit verre, le même pour chaque invité. Papa préparait le whiskey avec de la cassonade brûlée et ça donnait une belle couleur et un bon goût.
C’était gratuit pour tous. Papa avait vendu une bonne vache à un voisin pour 300 $ afin de payer le coût des noces. La salle n’a rien coûté, car papa était concierge. Je ne voulais pas de grosses noces ni aucune fille d’honneur.
Comme invités, nos frères et sœurs et quelques bons amis de mes parents. La soirée a commencé vers 19 h et s’est terminée à 7 h le lendemain matin. Les musiciens étaient des amis et n’ont rien facturé. Le souper fut chez mes beaux-parents. Tout le monde est revenu chez mon père pour finir la dinde et le dessert. Maman, qui n’était pas venue à l’église, a donc été debout pendant plus de 24 heures. Pauvre elle, elle devait être très fatiguée.

10 janvier 1950