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Un récit de Grand-Mère-Araignée

 

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Toute reproduction interdite

Asibikaashi, Grand-Mère-Araignée tisse la toile de l'univers, encre, Docomig, 2007

Au commencement, qui n'a pas de commencement, il n'y avait pas de lumière. C'était l'obscurité. Les animaux se cognaient tous les uns contre les autres dans le noir, et tout le monde se plaignait. Ils se réunirent en conseil pour prendre une décision. On se réunit tant bien que mal dans l'obscurité.

Le pic-bois à crête rouge prit la parole le premier : - « J'ai entendu dire que de l'autre côté du monde vivent des peuples qui possèdent la lumière. Peut-être que si nous y allions, ils nous donneraient de la lumière », proposa le pivert. Tout le monde approuva.

 

- « S'ils gardent toute la lumière du monde pour eux, ces gens-là doivent être avares. Ils ne nous donneront rien du tout. Il vaut mieux leur voler la lumière », ajouta le renard.

 

- « Qui se chargera de ça? », s'écria-t-on de toute part. Et les délibérations commencèrent pour savoir qui était le plus habile, le plus fort, qui courait le plus vite ou qui était le plus qualifié pour dérober la lumière.

 

L'opossum affirma qu'il pourrait camoufler la lumière dans sa queue touffue. Il se mit alors en route. Il atteignit la lumière, mais le soleil lui brûla les yeux et, aujourd'hui encore, l'opossum ne sort plus que la nuit. Il mit un fragment de soleil dans sa queue et prit le chemin du retour. Mais sa queue prit feu et il revint les mains vides. De nos jours, la queue de l'opossum est toujours démunie de poils.

 

Puis le busard essaya. Il s'empara de la lumière qu'il transporta dans son bec. Mais il se brûla et perdit les plumes de sa tête. C'est pour cela que le busard est toujours chauve.

 

- « Qu'allons-nous faire? », criait-on de toute part. « Nos frères ont fait de leur mieux, mais ils ont échoué. Qu'allons-nous faire pour obtenir la lumière? »

 

On entendit alors dans le noir une petite voix : - « Ils ont fait de leur mieux, mais peut-être qu'une grand-mère réussirait… »

 

- « Qui es-tu? Quelle est cette petite voix cachée dans l'herbe? »

 

- « Je suis votre Grand-Mère l'Araignée », répondit la voix. « Peut-être est-ce mon destin de vous apporter la lumière. Je vais essayer.»

 

Grand-Mère‑Araignée se mit dans le noir en quête d'argile. Elle pétrit l'argile dans ses mains et façonna un petit pot. Puis elle prit la route de l'est, laissant traîner un fil derrière elle, afin de retrouver son chemin. Elle arriva au pays des possesseurs de la lumière. Elle était si petite, si frêle et si silencieuse, que nul ne la remarqua. Elle atteignit le soleil et, délicatement, doucement, s'empara d'un morceau de lumière, qu'elle enferma dans son pot. Elle s'en revint en suivant le fil qu'elle avait tissé.

 

- « Nous te remercions Grand-Mère‑Araignée. Nous n'oublierons jamais ce que tu as fait et te rendrons toujours hommage. »

 

Depuis ce jour-là, chez les Cherokees, la poterie est un art réservé aux femmes. Les pots doivent sécher lentement, à l'ombre, avant d'être exposés à la chaleur du four brûlant. De la même manière que le pot de Grand-Mère-Araignée sécha d'abord lentement entre ses mains, dans l'obscurité, avant qu'elle n'atteigne le pays brûlant de la lumière.

 

 

                       Dolorès Contré

(Incluant les images de mes œuvres d’art produites et identifiées sous l’acronyme Docomig)

GRAND-MÈRE‑ARAIGNÉE TISSE LA TOILE est mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'utilisation commerciale - Pas de modification 4.0 International.

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