
À l’aube de 2007, année des 18 ans d’Élianne, la vie est belle. On peut dire d'Élianne qu’elle est privilégiée. Pas du privilège des bien nantis, des gens haut placés, non, celui qu’on tient pour acquis jusqu’à ce qu’on le perde : le privilège tout naturel d’un être jeune, en santé, doté d’une famille aimante et qui sait que tout effort mènera au succès. L'effort dans les études mènera à un bon emploi, l'effort dans les sports mènera à une place de choix parmi l’élite sportive... Bref, un talent inné, une situation économique confortable et le soutien de son entourage font d’Élianne un être à qui la vie sourit. Elle étudie en bio-écologie et se dirige en biologie marine. Elle est athlète en vélo de montagne, a un amoureux et part pour le Mali visiter son frère et sa famille... Élianne est heureuse. Jusqu’à la journée fatidique où sa vie bascule.
La veille de son anniversaire, en route pour aller célébrer en compagnie de ses amies, la voiture dans laquelle Élianne prend place est emboutie par une personne en état d'ébriété. La vie d'Élianne est en suspens durant de longs mois au cours desquels sa maman tient les membres de sa famille et les amis proches au courant de l'évolution de la situation en les implorant de prier pour que sa fille revienne dans le monde des vivants. Ce récit est tiré des écrits de Jocelyne, la maman d'Élianne.
Les textes de cette chronique proviennent d'extraits de courriels envoyés à la famille par Jocelyne, sa maman. L’histoire d’Élianne m’a bouleversée et je voulais vous donner la chance de la lire. Pour vous faire connaître Élianne, nous débutons par son voyage au Mali avec Jocelyne.
TABLE DES MATIÈRES
Première grande sortie... pour une TDM
C'est dur de la voir souffrir!
Jusqu'où peut-elle s'améliorer?
Cette année, c'est Élianne le miracle!
Premier week-end à la maison pour Élianne!!!
Premières règles, nouveau courriel
Du temps pour mesurer les pertes
Congé du centre de réadaptation pour les Fêtes
« Merci de m'avoir sauvé la vie »
La mémoire est longue à revenir
Élianne prend conscience de ses pertes
Les voyages, une excellente thérapie
Élianne prend de l'assurance avec sa canne
On ne peut sortir le vélo de la fille
ÉLIANNE
(Écrits d'Élianne elle-même.)





Voyage au Mali
2 janvier 2007
Élianne et moi partons lundi pour le Mali rejoindre Yves et Charlotte qui sont installés là pour un an avec les enfants : Samuel qui a 6 ans et Fabiola, la filleule d’Élianne, 18 mois. Nous nous installerons chez eux à Bamako pour 3 semaines et, à partir de là, nous rayonnerons tout autour. Nous avons bien hâte de visiter ce pays. En plus, nous aurons la chance de visiter le pays Dogon avec Issa, un guide local et le gardien de la maison, lui-même Dogon.
7 janvier
Le plancher de ma chambre est plein de choses à mettre dans les valises demain matin, j'espère que tout va entrer là-dedans. J'ai fait de gros efforts de « rationnalisation »! La section « premiers soins » déborde. Nous sommes parées à toute éventualité ou presque.
10 janvier
J’essaie de vous écrire pendant qu’un vilain moustique infecté de malaria me tourne autour. Il a vite repéré la chair fraîche! Après un périple de 30 heures porte à porte... (NOTE : JE VIENS DE TUER LE FAMEUX MOUSTIQUE), nous sommes bien arrivées.
Élianne a vécu sa première journée en Afrique en allant au petit marché avec Charlotte.
11 janvier
Je vous écris pendant qu'Élianne et Charlotte sont allées prendre le thé avec le gardien sur le trottoir. Élianne avait une grande envie de JASER avec du monde de la place.
Ce matin, nous sommes parties les 3 filles ensemble, et nous sommes allées au grand marché de Bamako acheter du tissu pour les boubous, Charlotte a dealé pour moi. Comme nous sommes allées tôt le matin, c'était pas pire et pas encore trop chaud.
J'ai eu mes 2 premières piqûres de moustiques ce soir. C'est pas pire. Vive la vitamine B1! Ça semble fonctionner. Élianne va se faire masser demain et nous irons peut-être au musée de Bamako. J’apprends chaque jour de nouveaux mots de bambara. Alors je vous dis : kambé (au revoir) et i ka kéné (comment allez-vous?). Ça veut dire : « Donnez-moi des nouvelles ».
12 janvier
Voici, nous avons été baptisées de nos noms maliens :
Élianne : Kadija Sy (Kadija voudrait dire née plus tôt que prévu, ce qui lui convient.)
Jocelyne : Fatoumata Sidabé
Élianne a reçu son nom d’un groupe de femmes de la rue ici, et moi, mon prénom m’a été donné par Mohamed de la boutique de chemises, et mon nom par Salif, le chauffeur de Yves.
Nous avons acheté nos billets pour Sévaré. Nous partirons lundi et de là, nous irons à Bandiagara en pays Dogon.
14 janvier
Au Mali, la devise doit être « y a pas de problème », car c'est ce que les gens répondent toujours! Ils sont souriants et aimables.
Nous perfectionnons notre bambara, quelques nouveaux mots se sont ajoutés à notre répertoire. Ce qui est difficile, ce sont les chiffres, car ils en ont peu et utilisent des multiples. Les fractions n'existent pas en bambara, nous ne pouvons demander un demi-kilo, la notion de fraction leur étant totalement inconnue. Il faut demander 500 g.
Hier, je suis allée au marché de légumes avec Charlotte . En fait, nous avons acheté seulement des légumes au marché car personne n'aurait voulu acheter la viande ou le poisson qui s'y trouvait (inutile de vous décrire avec précision l'odeur). Après, nous avons apporté nos tissus chez le tailleur pour la confection des boubous. C'est sûr que les 3 gars étaient bien contents de prendre les mesures d'Élianne!
Nous partons demain matin à 7 h, en bus, pour Bandiagara, en pays Dogon. Nous arriverons à Sévaré à 16 h 30, puis nous prendrons un autre bus jusqu'à Bandiagara.
Alors : nébéfé, kanata, kaneto (signifiant je t'aime, ne pars pas sans moi), tiré d'une chanson d'Amadou et Maryam.
20 janvier
J'en ai pas mal long à vous raconter. Tout d'abord, nous sommes parties comme prévu lundi en bus local pour Sévaré, puis nous avons changé de bus pour Bandiagara en pays Dogon. Le voyage s'est bien passé, mais sans notre guide, nous aurions été beaucoup plus « achalées » par les vendeurs et autres types de cet acabit.
En parlant de vente, j'aurais pu moi-même réaliser une opération fort lucrative en vendant... MA FILLE! J'ai eu deux offres dont la dernière plutôt sérieuse : 20 chameaux et de l'or. Dire que j'aurais pu finir de payer mon hypothèque!
Mardi après-midi, nous sommes parties visiter deux villages Dogon, le premier étant un village de la plaine. Nous devions payer une cote au chef et prendre un guide du village. Nous étions suivies par une nuée d'enfants, surtout Élianne qui en avait 5 à chaque main... fascinés par ses piercings. Par la suite, nous nous sommes rendues plus loin, dans un autre village où nous avons mangé un bon couscous de légumes, puis nous sommes montées dans la falaise voir les maisons « jouquées » tout en haut. J'ai rassuré notre guide qui s'inquiétait pour Élianne. Il avait peur qu'elle tombe, mais je lui ai dit qu'elle était comme une chèvre et grimpait depuis son enfance.
Le soir, nous avons mangé au resto du bel hôtel (le Kambary), même si nous avons dû changer d'hôtel, faute de place. Il y avait un groupe de musique local et Élianne et Charlotte ont dansé avec les filles de la place (serveuses et autres employées).
Mercredi matin, départ pour Tabitongo, situé dans la plaine, par un petit chemin très peu praticable. En fait, nous roulions sur le rocher et je crois que Cheik, notre chauffeur engagé depuis la veille, était un peu découragé des conséquences pour sa TRÈS vieille Toyota. Nous avons fait 5 km sur cette route, puis Élianne est descendue faire un petit jogging devant la voiture, histoire de se dégourdir. Nous ne pouvions pas la suivre! Cheik et Issa étaient inquiets qu'elle se fatigue... et assez impressionnés de la voir aller!
Bien sûr, nous avons été reçues comme des reines. On a déployé les nattes par terre pour que nous puissions nous asseoir à l'ombre de la maison. Nous avons fait le tour du village avec Issa et d'autres, plus la nuée d'enfants fascinés par les toubabs. Au début, ils avaient peur (ce n'est pas une place touristique et ils n'ont pas l'habitude de voir des blancs), mais ils se sont dégênés à la vue des bonbons de Charlotte.
Nous avons visité les champs d'oignons, spécialité de la région. Élianne s'est même mise pieds nus pour « piler » les oignons avec eux! La femme d'Issa a cuisiné pour nous : du riz aux tomates, du poisson avec des aubergines et des piments. C'était très bon et servi à l'africaine dans un grand plat commun. Il y avait cependant des cuillères pour les toubabs. Nous avons rencontré le plus vieil homme du village. C'était assez fascinant d'assister aux salutations d'usage quand les gens se rencontrent : en gros c'est « comment allez-vous? comment va la famille? », etc. et les réponses appropriées, un peu comme une récitation.
Nous avons quitté Issa, sa famille et son village avec plein de belles images dans la tête et... un petit quelque chose dans notre système digestif!
Nous avons été pas mal malades, toute la nuit et la journée du lendemain. Nous avons dû changer nos plans et renoncer à aller à Mopti. Nous n'étions pas en état et cela impliquait de voyager dans des transports sans toilettes, chose essentielle à ce moment-là pour notre survie! Nous avons fait capoter la fille de l'hôtel avec nos demandes de papier-cul. Charlotte a dû leur expliquer qu'elle avait deux malades sur les bras. Tout Bandiagra a fini par savoir que nous étions malades, car une bande de jeunes hommes bien intéressés par Élianne espéraient l'amener à sortir au spectacle le soir, et ils ont été bien déçus qu'elle en soit incapable. (Inutile de vous dire que Charlotte devait l'accompagner afin de réfréner les ardeurs de ces messieurs.) Jeudi soir, je me suis résignée à donner des Immodium à Élianne, afin qu'elle puisse supporter le trajet du lendemain.
Nous avons passé la semaine à nous promener autour et à visiter le musée de Bamako. Nous avons aussi vu Ségou sur le chemin du retour de Bandiagara. Nous irons sûrement au marché acheter des souvenirs et nous reposer. Ce matin, nous devons aller chercher nos boubous. J'ai hâte de voir çà.
Mon bambara s'améliore. Nous connaissons maintenant une vingtaine de mots et un peu de dogon aussi : agayamo (bonjour) dolopo (merci) et dagao (c'est très bon).
ALLAH KAN NOKOYA (que Dieu vous donne la santé)!





24 janvier 2007
Je profite qu'Élianne et Charlotte (Safiatou) soient à l'équitation ce matin pour réquisitionner l'ordi et vous transmettre, en vrac, quelques impressions. J'ai préféré me dispenser de monter à cheval. C'est avec une selle anglaise (donc sans pommeau) et ma dernière expérience, à Cuba, fut désastreuse pour mon c....
LES RUES DE BAMAKO : Bamako est une très, très grande ville, très étendue, des deux côtés du Niger (le fleuve). La plupart des rues sont en terre et les plus grandes sont asphaltées. Ici on appelle les rues asphaltées « le goudron ». La circulation est infernale. Tous les moteurs sont au diésel, ce qui signifie que l'odeur est un mélange de diésel, d'huile et de terre rouge. (On est en saison sèche. Il n'a pas plu depuis septembre. C'est donc très, très poussiéreux). Il y a un grand réseau de transport en commun les SOTROMA. Ce sont des mini-bus (plutôt genre éconoline tout décrépit, sans portes ni fenêtres et tout rouillés) dans lesquels s'entassent littéralement les gens mais qui leur permet de se déplacer à relativement bon compte. Ce réseau est très, très achalandé. Je ne suis pas encore assez Malienne pour l'utiliser . Je m'en tiens à Salif ou aux taxis qui sont ici très nombreux mais en aussi mauvais état que les sotroma. Les sotroma sont verts et les taxis généralement jaunes. Il y a énormément de motos, tout plein, full, partout, partout. Je serais bien incapable de conduire au milieu de tout cela. Yves le fait, mais pas Charlotte. Partout, partout... des vendeurs... entre les voies, sur les trottoirs, dans les caniveaux (je vous passe le détail de l'état des caniveaux et c'est pas si pire puisqu'ils sont à sec), devant chaque devanture, dans les rues. Ils vendent de TOUT, des kleenex, des souliers, des cartes de téléphone, des cigarettes, etc. Ils se faufilent entre les voitures et vous proposent leurs marchandises pendant qu'elles sont arrêtées et elles le sont souvent! Toutefois, ils ne sont pas trop insistants et s'en vont quand nous disons AÏ (non) akagni (c'est bon). Depuis quelques jours, les vendeurs de casques de motos sont apparus, le gouvernement ayant décrété que le port du casque serait obligatoire. (Bonne chance pour faire respecter cela!) Naturellement, il paraît que le prix des casques a bondi!
LA CORRUPTION : Je sais qu'elle existe partout, à tous les niveaux de fonctionnaires et de direction car on m'en a beaucoup parlé. Ce que j’ai vu : sur les routes du Mali (comme entre Bamako et Bandiagara), il y a partout des « contrôles » policiers. La route est fermée par des barils et tous les véhicules (sauf les voitures de toubabs et les Mercedes), autobus, mini-bus, sotroma, taxis, voitures privées doivent s'arrêter et les occupants doivent montrer leurs papiers.
C'est une façon de s'assurer que les documents d'identité et du véhicule sont en règle, mais surtout une occasion de toucher un « pourboire » pour les forces policières. À chacun de ces contrôles, et il y en a eu au moins 10 sur notre route, j'ai remarqué une Mercedes garée. C'était bien sûr celle du chef de police qui ne l'a certainement pas payée avec son misérable salaire! Ces arrêts sont une occasion pour tous les gens des alentours de venir vendre leurs marchandises : petits gâteaux, eau, jus, thé, fruits de toutes sortes, kleenex. C'est une bonne façon de s'approvisionner si on a oublié son lunch, mais ils sont plus insistants qu'à Bamako. Heureusement, le prochain véhicule qui s'arrêtera aura lui aussi droit à leur assaut. Ça soulage! Quand nous sommes arrêtés, nous souhaitons que ça ne dure pas trop longtemps, car il fait chaud (le soleil plombe alors sur le véhicule sans climatisation) et ça pue!
Autrement, je continue ma « job de matante ». J'ai montré à Fabiola (18 mois) à répondre à mes questions : « Elle est où maman? Elle est où Jojo? Elle est où Élianne? » par « ELLE EST LÀ », ce qu'elle est toute fière d'avoir compris. Là j'essaie le chaud et le froid, car tout ce qui présente un écart de température est CHAUD pour elle! Nous verrons si elle pourra dire FROID d'ici mon départ. En passant, quand je sors une bière du frigo pour lui faire sentir le froid en la collant sur son épaule, elle la montre en disant « papa ». C'est quand même intelligent ces petites bêtes-là!
À bientôt, nous revenons dimanche soir. J'ai quand même hâte de faire de la raquette.







27 janvier 2007
DÉJÀ FINI... snif, snif!
Et oui, toute bonne chose a une fin comme on dit, et ce matin est la journée du départ. Nous avons quand même le temps de profiter de la journée puisque le vol est à 23 h 20. Nous irons souper avec Yves et Charlotte et leurs amis au resto du Centre culturel français où ils resteront (LES CHANCEUX) pour voir le spectacle de Salif Keita. Nous manquons ça de justesse!
Le temps se réchauffe. Je ne dis pas qu'il faisait froid avant, mais depuis cette semaine, il fait probablement autour de 37°C, heureusement qu'il y a la piscine. C'est la fin de la saison froide (décembre-janvier) et le temps va se réchauffer jusqu'à 46°C en mars-avril-mai. Pas de pluie attendue avant juin. Trop chaud pour mes hormones de quarantaine avancée!
Nous avons passé notre dernière semaine à nous reposer et à visiter les alentours. Nous avons vu le Musée National du Mali où il y a de belles expositions d'arts rituels (masques, etc.), de textiles (bogolan, bazin, tissages divers) et de découvertes archéologiques. (À noter que la majorité des sites ont été pillés). Nous avons fait le marché des antiquaires. C'est toute une aventure les marchés ici, mais nous avons choisi celui-là car il paraît que les commerçants y sont moins insistants. C'était pas si pire et nous avons trouvé quelques petites choses à notre goût. J'ai même reçu ma première proposition : Mamadou, marchand, m'a dit que je devais aussi avoir un mari au Mali! Les Maliens ont souvent un bon sens de l'humour et nous pouvons faire des blagues avec eux facilement. Cela aide à refuser les propositions sans offusquer personne. Nous avons aussi dîné deux fois avec Yves à de bons restos pour toubabs (et prix en conséquence).
Le quartier où travaille Yves est au centre de Bamako, le quartier du fleuve. Avec le quartier de l'hippodrome, ce sont les beaux quartiers de Bamako.

Veille de l'anniversaire des 18 ans d'Élianne
Jeudi 17 mai 2007, 5 h 25 (heure de Montréal)
LA CHANSON DES AURORES SERA DÉDIÉE À MON BÉBÉ QUI AURA 18 ANS, ET... AU MALI!
Ceux qui sont loin peuvent l'écouter en direct par Internet. Je ne connais pas l'adresse pour y aller directement, mais c'est sur le site de Radio-Canada, puis on clique sur Radio, puis sur Première chaîne, puis sur Émissions, puis sur C'est bien meilleur le matin.
Aussi, nous pourrons la réécouter pendant la journée si nous l'avons manquée. Il faut écouter la première heure, du moins on pouvait le faire l'an dernier, mais je n'ai pas vérifié pour cette année.
C'est une invitation spéciale à mes amis « maliens », ainsi qu'à toute la « famille » d’Yves et de Charlotte.
Donnez-moi des nouvelles,
Jocelyne
Message de Charlotte
21 mai, 5 h 54
Ma nièce Élianne est dans le coma depuis samedi soir. Son cerveau est enflé, il faut qu'il désenfle!
SVP unissez vos pensées, envoyez-lui du courage et la force de combattre, et encouragez-la!
Merci de tout coeur.
Charlotte

L'accident
Le mardi 22 mai 2007
Premièrement, pour ceux et celles qui ne le savent pas encore, Élianne a eu un grave accident d'auto samedi soir dernier (le 19 mai). Elle était allée fêter son anniversaire avec trois copines au Bourbon à Sainte-Adèle. Au moment de tourner pour entrer dans le stationnement du bar, leur voiture a été emboutie à l'arrière par une dame en état d'ébriété. On sait que c'est une récidiviste de l'alcool au volant. Les trois autres filles n'ont presque rien eu. Élianne a eu un grave traumatisme crânien, car elle était assise à l'arrière, du côté de l'impact. Elle avait bouclé sa ceinture. Son cerveau a rebondi dans sa boîte crânienne. Elle était déjà inconsciente à l'arrivée des ambulanciers.
Elle est depuis ce temps à l'Hôpital Sacré-Coeur où elle lutte pour sa vie. Elle est dans un coma profond, et les médecins la gardent dans le coma avec des médicaments très puissants (barbituriques), afin de mettre son cerveau au repos complet. Le principal problème pour les prochains jours c'est que le cerveau enfle et enfle. Les médecins doivent d'abord arrêter l'enflure. Comme c'est surtout le côté droit qui enfle, ils savent que le « pic » de l'enflure peut être vers 3 ou 4 jours après l'impact.
Hier, elle a eu un épisode de très haute pression intra-crânienne. (Elle a un drain dans la tête qui mesure cette pression.) Les médecins sont intervenus et au bout de quelques heures, la pression est revenue à la normale. Ils continuent d'intervenir avec des médicaments pour l'instant, afin de mettre fin à l' enflure. Le docteur Verdant qui la suit est super bon, paraît-il, en plus d'être gentil. Je lui ai dit que je l'aimais! Il fait tout, il veut tout faire. Il dit qu'elle a un « hestie » de bon coeur, un coeur extraordinaire, un coeur à son goût pour les interventions qu'il veut tenter. Avec ce coeur a-t-il dit, « je peux faire tout ce que je veux, lui donner beaucoup, elle peut le prendre ». Ça veut dire qu'ils maintiennent par médication sa pression artérielle (générale, pas dans la tête) haute, afin que le coeur pompe le sang nécessaire à l'irrigation du cerveau malgré l'enflure. Il dit que son cerveau est présentement mieux irrigué de sang que le nôtre!
Ce matin, 5 h, l'infirmière m'a dit que la pression intracrânienne a tendance à monter depuis hier, mais toutes les 3 heures, quand ça remonte, ils lui donnent du mannitol et elle répond bien : la pression recommence à descendre. Je suis à la maison pour me faire un petit bagage, car je m'en vais à Montréal pour plusieurs jours. Je dormirai à l'hôtellerie des Soeurs de la Providence tout à côté. Je passerai tout mon temps à l'hôpital. Mon cellulaire sera bien sûr fermé, mais je prends mes messages régulièrement. Si ma boîte vocale est pleine, réessayez plus tard.
Je ne rappelle pas tout le monde, car je veux passer le plus de temps possible avec elle. Vous vous donnerez des nouvelles entre vous quand j'en enverrai. Si quelqu'un veut venir me voir, je serai à l'Hôpital Sacré-Coeur pendant les heures de visite. Vous ne pourrez pas voir Élianne, mais vous pourrez me tenir compagnie.
Et ça, c'est déjà beaucoup, car le temps est très long. Je peux être à son chevet quelques instants à chaque heure. Le reste du temps se passe dans un corridor sur de petites chaises très inconfortables. Le soir, j'y serai environ jusqu'à 21 h. Nico, son amoureux, assume le « quart du soir ». Il reste plus tard. Elle est aux soins intensifs. Si je ne suis pas dans le corridor, c'est que je suis dans sa chambre pour quelques minutes, ou à la cafétéria ou partie dîner chez mes petites soeurs de la Providence.
ALORS VOS PENSÉES DES PROCHAINS JOURS DOIVENT ÊTRE CENTRÉES SUR CE CERVEAU QUI CHERCHE À PRENDRE DE L'EXPANSION. C'EST LE DÉFI DU MOMENT, ET C'EST SUR CELA QUE VOUS DEVEZ VOUS CONCENTRER QUAND VOUS PENSEZ À ELLE.
Pour la suite, c'est un mystère total, TOUT peut arriver.
Je n'écrirai sans doute pas avant le prochain week-end, si je viens à la maison. MERCI À VOUS TOUS DE PENSER À ELLE.


Entre la vie et la mort
23 mai 2007 au matin
Bonjour, c'est Renaud, voici des nouvelles de ma sœur Élianne. (C'est ma mère qui parle.)
Grâce à vos pensées positives et vos prières, l'enflure du cerveau s'est maintenue à un niveau acceptable. Mais d'autres complications surgissent et c'est vers cela qu'il faudra diriger toutes vos bonnes ondes et énergie aujourd'hui (sans oublier le cerveau naturellement). Les reins ont lâché et Élianne est présentement en insuffisance rénale transitoire, et sous dialyse. Elle a de l'eau dans les poumons. Le cœur capote! Le bon docteur Verdant veille et essaie de compenser toutes ces défaillances.
Dans sa chambre, j'ai mis des photos d'elle, pour l'aider à s'accrocher, pour qu'elle y flotte quelque part et pour que tous ceux qui la soignent voient quelle fille extraordinaire elle est. J'ai mis aussi une médaille de vélo pour lui rappeler qu'elle est notre championne.
Élianne est le « gros cas » de l'Hôpital Sacré-Coeur, 1 à 3 infirmières plus 1 ou 2 médecins sont à son chevet presque en permanence. Elle reçoit des doses maximales d'un tas de médicaments et son cœur court le marathon depuis plus de trois jours maintenant.
L'équipe médicale et infirmière est merveilleuse, compétente et humaine. De vraies abeilles!
DONC, ON CONTINUE! DE PARTOUT NE CESSEZ PAS DE LUI ENVOYER VOS PRIÈRES ET DE PENSER À ÉLIANNE. LA LÉGENDE DE TABITONGO EST TOUJOURS VIVANTE ET A BIEN BESOIN DE SES AMIS MALIENS.
Je vous embrasse tous et vous remercie pour le grand soutien et l'aide que vous nous apportez.
24 mai
STABLE DANS L'INSTABILITÉ
Hier soir, Gilbert, Renaud, Nico et moi avons rencontré le docteur Verdant. Élianne lutte maintenant, en plus, contre une pneumonie et une septicémie. Elle est la plus malade de tout l'hôpital, ils font tout et ils feront tout, car jusqu'ici il n'y a pas de signe de déficit neurologique. Elle traverse un moment critique. Chaque heure gagnée est un miracle en soi. On se croise les doigts, on prie en pensant à elle.
Merci encore de tous vos messages de soutien, mon frère arrive de Bamako ce soir, sa présence sera bienvenue.
Je vous embrasse fort XXX
26 mai
Juste un petit mot rapide pour vous dire que :
- l'infection est sous contrôle avec la batterie d'antibiotiques : staphylocoque doré dans les poumons et entéro quelque chose dans le sang, de grosses bibittes méchantes paraît-il.
- hier soir, la pression intra-crânienne était toujours assez
variable mais relativement bien stabilisée.
- le médecin a dû administrer une nouvelle dose de barbiturique car ses signes neurologiques se sont améliorés (pupilles plus réactives), ce qui veut probablement dire que l’œdème s'est arrêté et a peut-être même commencé à régresser. Ils veulent encore la garder au repos total.
Tout cela m'encourage pas mal. Notre bon docteur Verdant a fini sa semaine hier. J'ai bien hâte de voir qui sera le grand boss lundi, mais il me dit qu'ils sont tous aussi bon que lui! Peut-être, mais sûrement pas aussi fins!
Je n'en ajoute pas plus, je prépare mes bagages pour passer une nuit à la maison. C'est bien certain que je fatigue en ta... mais il le faut, et j'ai organisé les tours de garde auprès d'Élianne, mon petit bébé qui lutte fort, fort. Elle est pas mal bonne.
De Charlotte
Ce matin, René Omier-Roy a lu mon courriel au sujet d'Élianne demandant à tout le monde de penser à elle... Vous pouvez écouter l'extrait sur le site radio de Radio-Canada, sous l'émission C'est bien meilleur le matin, partie 1. Mais il a compris qu'Élianne est à Bamako (alors que c'est moi qui y suis)...
Voici le courriel envoyé :
Bonjour,
Le 17 mai dernier, vous avez dédié la chanson Les dimanches à Bamako à une jeune fille qui avait ce jour-là 18 ans, Élianne. Or, dans la nuit de samedi à dimanche, elle a été victime d'un grave accident de voiture. Elle est depuis dans un coma profond et son état est critique. Je vous demande aujourd'hui non pas une chanson, mais bien un appel à tous : de demander aux fidèles auditeurs de votre émission (dont moi et sa mère faisons partie) de penser très fort à Élianne, afin que son cerveau désenfle et qu'elle passe à travers cette épreuve terrible. Je suis moi-même à Bamako mais présente en pensée à chaque instant, ainsi que tous les autres amis maliens qu'Élianne s'est fait ici lors de son séjour parmi nous. Nous prions et pensons à elle.
Merci,
Charlotte
Les montagnes russes

Je ne sais pas de quoi la journée d'aujourd'hui sera faite... Je ne sais pas si tout peut rentrer dans l'ordre. Je verrai ce que dira le docteur aujourd'hui.
Moi, je suis crevée, angoissée, bouleversée, mais je veux continuer d'y croire tant qu'elle s'accroche!
Je vous envoie une photo d'Élianne, qui date de 2 ans, pour ceux qui ne se souviennent pas d'elle ou qui ont besoin de son image pour la visualiser comme elle est : belle, intense, VIVANTE! (mais une très tanante de fille!)
28 mai
UNE SEMAINE APRÈS L’ACCIDENT
J'ai finalement pu quitter le centre hospitalier pour quelques heures et venir chez moi me retrouver un peu dans mes affaires, et surtout faire quelques (!) ou plutôt un millier de petites choses laissées en attente. Je ferai bien sûr le minimum, car j'ai hâte de retourner auprès de ma poupoune.
Elle a passé une bonne journée hier, une bonne soirée et une bonne nuit.
27 mai 2007
La journée d’hier a été la pire de toutes, et j'espère qu'elle le restera! L'ENFER!
Et non, je ne suis pas retournée chez moi comme prévu, j'ai l'impression que plus rien n'est prévisible dans ma vie. Ma petite poupoune nous en a fait voir de toutes les couleurs. Elle a été dans un état très instable pendant plusieurs heures, en raison d'une autre maudite complication : « syndrome de détresse respiratoire aigu », c'est une complication pulmonaire qui fait que ses poumons ne fonctionnent plus normalement et qu'elle ne peut donc s'oxygéner. Malgré la nouvelle machine respiratoire installée (une autre!), son taux d'oxygène du sang ne parvenait pas à saturation. Ils ont dû entreprendre une manœuvre spéciale, c'est-à-dire la mettre sur le ventre (méchant contrat avec tout l'attirail auquel elle est branchée) dans un lit spécial commandé spécialement. EN TOUT CAS, VOUS SAVEZ OÙ VA UNE PARTIE DE L'ARGENT DE VOS TAXES! Depuis environ 22 h 30 hier soir, elle a des paramètres plus intéressants et son taux de gaz artériels (dans le sang) s'améliore.
J'en suis là, d'heure en heure avec peu de certitudes quant aux heures à venir. Johanne, notre ange des soins intensifs m'a bien fait comprendre que dans ce service, on prend toujours « un instant à la fois », ne sachant jamais ce qui nous pend au bout du nez.
Le syndrome de détresse respiratoire semble s'estomper. Je sais au moins que la saturation en oxygène est bonne, de même que les résultats des gaz artériels, et que la pression intracrânienne a diminué (bon signe). Hier, ils l'ont remise sur le dos et elle a conservé de bonnes valeurs de saturation.
La machine à hémodialyse est de nouveau arrêtée, ils ont bien des problèmes avec leurs tuyaux. Ils vont peut-être la repartir plus tard. On n'a pas reçu les résultats de la dernière radiographie des poumons. Je les demanderai au docteur aujourd'hui.
29 mai
ACCALMIE
Mon emploi du temps est pas mal bouleversé ces jours-ci. Je pense que je ne sais même pas moi-même OÙ je suis!
Nous avons eu une journée plus calme hier, la boule d'angoisse demeure, mais certaines choses reviennent à la normale pour Élianne : elle ne reçoit plus de médicament pour maintenir sa tension artérielle; elle ne reçoit plus rien depuis hier soir pour la maintenir endormie (propofol). Par contre, ils lui ont administré deux fois du versed, un genre de relaxant. Je suppose donc qu'elle a manifesté quelques signes d'activité et qu'ils veulent éviter qu'elle lutte contre son respirateur. J'en saurai plus lors de ma visite, car cela est arrivé seulement cette nuit et au téléphone il est difficile d'en savoir plus. L'hémodialyse est cessée depuis plus de 24 heures et cela semble ne semble pas être un problème. Elle urine et réussit à maintenir un certain équilibre électrolytique. Ils ont aussi enlevé quelques cathéters. Cela nous permet de mieux nous approcher d'Élianne et nous laisse plus de place pour lui donner des bisous. Aussi, elle a beaucoup désenflé (son corps), mis à part les jambes. Elle trouverait certainement encore qu'elle a les cuisses trop grosses! Sa pression intracrânienne est acceptable, un peu haute, mais pas trop, et sa saturation en oxygène est bonne. Ils ont baissé la machine oscillatrice de 100 à 55 hier soir et son état se maintient. (Ne me demandez pas ce que signifient ces chiffres, mais il paraît que c'est encourageant.) Ils pourront sans doute l'arrêter complètement aujourd'hui ou demain.
30 mai
L'accalmie se poursuit. J'ai l'impression d'avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête, en attente de la prochaine tuile qui nous tombera dessus. Je profite aussi bien sûr de cette accalmie et je me détends un peu. Je suis très consciente qu'Élianne a gagné quelques batailles, mais que d'autres l'attendent sans doute, sans parler de la plus importante : la réadaptation.



Ma vie de sœur pendant plus de trois mois, ma petite chambre.


Ma retraite
J’avais apporté la photo et les cendres de Claire, ma maman, support moral de l’au-delà... et installé la photo d’Élianne au Mali avec un petit ange que quelqu’un m’avait offert. Toutes sortes de rituels m’aidaient à tenir le coup. J’ai réalisé qu’il me fallait quitter cet endroit quand la réceptionniste a fait un lapsus et m’a appelée « sœur Parent »! Mais j’y ai trouvé pendant ces longs mois exactement ce dont j’avais besoin, un petit nid tout à côté de ma fille. Ma chambre était directement située derrière la sienne quand elle a été transférée aux soins intermédiaires. Seulement quelques bâtiments bas et un stationnement nous séparaient. Chaque soir, je me tournais sur le côté gauche et je la serrais littéralement dans mes bras... Je le jure, je ressentais sa présence physiquement.
30 mai
Pendant que je me ressource dans le calme chez mes bonnes sœurs, Gilbert s’active comme un fou pour assurer la survie de la maison et de l’entreprise. La plupart des clients sont compréhensifs compte tenu des délais supplémentaires imposés par la situation, mais d’autres non.
Je continue d’apprécier tous vos encouragements et vos petites attentions, il m’est encore impossible de remercier personnellement tous nos anges gardiens, mais ce n’est pas faute de reconnaissance, plutôt de temps et de capacité de penser. J’ai aussi pas mal de paperasse à remplir pour la SAAQ et pour la cause judiciaire « La Reine contre Sandra Diotte » qui doit comparaître demain pour son plaidoyer de culpabilité. On verra après pour le procès, je vous en reparlerai.
31 mai
Je sais que plusieurs me trouvent très généreuse de vous écrire ainsi chaque jour et de vous tenir au courant. Soyez assurés que je le fais par très grand égoïsme, car cela me permet avant tout de faire le point et de savoir que vous continuez de diriger vos pensées vers celle qui en a tellement besoin.
Mardi, j’avais passé la journée et surtout la soirée à ressentir un malaise indéfinissable, un grand inconfort impossible à nommer. Hier, mercredi, je l’ai passé avec une boule d’angoisse perpétuelle, ayant la grande intuition que quelque chose n’allait pas. Comme je l’ai dit à ma sœur Chantale, j’avais l’impression qu’une grosse bibitte méchante rôdait aux alentours.
J’appréhendais beaucoup la rencontre avec le médecin.
Nous avons eu de bien mauvaises nouvelles lors de notre rencontre avec le Dʳ Bernard concernant l’état d’Élianne. Comme il s’interrogeait sur le pourquoi de son instabilité perpétuelle et sur son peu de récupération des épisodes précédents, il lui a fait des tests pour évaluer sa fonction cardiaque, et a trouvé une malformation congénitale très rare. C’est ce qui explique, je ne sais pas pourquoi, qu’elle se retrouve en ce moment depuis plusieurs jours avec plein de petits caillots sanguins partout en circulation. Il y en a vraiment partout, son pancréas est atteint, son foie, ses muscles et probablement son cerveau. D’après le médecin, ces caillots risquent d’avoir causé des dégâts qui n’étaient pas là au départ. Il réserve donc son pronostic quant à la récupération possible. De plus, une valve de son cœur semble épaissie, il ne sait pas si c’est aussi à cause des caillots ou à cause d’une endocardite, ce qui serait très grave. Il nous a dit aussi que c’est peut-être aussi son cerveau qui est trop atteint et ne contrôle plus rien. Il a commencé un traitement à l’héparine pour dissoudre les caillots. Cela comporte cependant un certain risque de saignements, car ses plaquettes (coagulation) sont basses. Il se donne 24 à 48 heures pour évaluer tout cela.
Hier soir, auprès d’elle, je la sentais très très fatiguée. Je pense maintenant que c’est à elle de voir où elle s’en va.
ALORS, AUJOURD’HUI, IL FAUT VISUALISER TOUS CES PETITS CAILLOTS EN TRAIN DE SE DÉFAIRE UN À UN POUR LAISSER SA CIRCULATION IRRIGUER TOUS SES ORGANES.
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Élianne, avant et après l'accident
Première grande sortie... pour une TDM
1 juin 2007
Hier, une autre journée riche en émotions. Élianne a fait un épisode de pression intracrânienne très, très élevée suite à une manœuvre pour ses poumons. C’était pas mal paniquant. Finalement, elle avait trop de sécrétions et le médecin est allé en chercher très loin dans ses poumons. Une fois que ses échanges gazeux sont redevenus normaux, sa pression intracrânienne est redevenue normale. La bonne nouvelle, c’est qu’il y a du mouvement dans ses intestins depuis hier. On appelle ça le péristaltisme. Elle a même fait des selles après avoir reçu un médicament pour abaisser son taux de potassium et qui a cet effet.
Il reste plein d’affaires tout croche, on ne sait pas d’une minute à l’autre ce qui nous attend, mais on continue.
MERCI ENCORE DE TOUTES VOS ATTENTIONS, VOS PENSÉES, VOS VISITES,
2 juin
Je serai très brève, elle est très forte, elle continue. Ses poumons ont bien de la misère. Elle a encore absolument besoin de l’oscillateur pour recevoir assez d’oxygène, mais cela commence à irriter l’intérieur de ses poumons et il faut faire de plus fréquentes bronchoscopies (aller dans les poumons) pour les nettoyer. Pour le reste, je crois que c’est pareil, plusieurs analyses sanguines avec toutes sortes d’affaires bizarres. C’est plutôt difficile pour elle, mais hier soir c’était calme quand je suis partie.
3 juin
On s’encourage avec de petites choses, hier le Dʳ Bernard était content, il m’a dit « c’est la première journée où tout va un peu mieux ». Il demeure préoccupé.
Il y a maintenant deux semaines que notre Poune nous fait vivre de grandes émotions. Sans votre présence et votre support, autant pratiques que moraux, nous ne pourrions pas tenir aussi bien. Vous faites tous partie de notre grande chaîne de guérison pour Élianne.
J’espère qu’elle a fini de nous faire des montagnes russes et qu’elle continuera sa petite bonne femme de chemin tranquillement. Ça ménagerait un peu mes nerfs malmenés!!!
5 juin
Grosse, grosse journée hier! Tout d’abord, en avant-midi il y a eu un petit moment (qui m’a semblé ben long) où je croyais qu’elle allait plus mal, car sa pression intracrânienne montait pas mal et que l’autre docteur (Bellemare) m’avait dit qu’il y avait une détérioration de la fonction pulmonaire. Finalement, ils ont fait une bronchoscopie et enlevé de gros mottons de sécrétions qui bouchaient ses voies respiratoires et tout est rentré dans l’ordre.
Après ça, le party a commencé, car mon bon docteur Verdant est venu m’annoncer, comme ça, à froid, que comme elle n’avait jamais été aussi bien, ils se préparaient pour une TDM (tomodensitométrie – CT scan). Il avait son air de « petit tannant, joueur de tours ». Il devait vraiment être un petit monstre hyperactif dans son enfance! Il m’a vraiment pris les culottes baissées, je n’étais pas vraiment prête à cela psychologiquement. Pour moi c’était une autre étape à venir et à laquelle je ne voulais pas trop penser. En tout cas, je n’ai pas eu le temps d’angoisser là-dessus pendant plusieurs jours, car 20 minutes plus tard, après avoir fait ce qu’il appelle des « tests de transport » pour voir si elle tiendrait le coup, ils l’ont amené subir la TDM! Sa première grande sortie, et toute une, avec 10 ou 12 personnes pour déplacer le tout et la ventiler pendant le déplacement aller-retour entre le cinquième et le premier étage. Comme toujours, mon bon docteur avait raison, tout s’est bien passé et elle, comme une grande, toujours aussi forte, a bien supporté toutes ces manœuvres.
Dès la fin de la TDM, le, Dʳ Bernard qui voulait être présent est venu rejoindre son collègue (ils ont son cas bien à cœur). Il m’a dit « à première vue, cela ne semble pas si pire! » Quel baume sur mon cœur. Curieusement, cependant, je n’étais pas du tout anxieuse quant aux résultats de la TDM cérébrale (ils ont examiné aussi des clichés thoraciques et abdominaux). J’étais plutôt sereine en fait. Je me suis étonnée moi-même. Après cette petite phrase du Dʳ Bernard, j’avais surtout le goût de la savourer et d’en rester là.
C’était sans compter le Dʳ Verdant qui a profité d’un moment où il était prêt pour une autre bronchoscopie en soirée (tout ganté, masqué et blousé selon la technique stérile) et attendait l’appareil à broncho, car l’autre était défectueux. J’étais avec lui à côté d’Élianne et il m’a tout déballé les résultats : beaucoup d’œdème cérébral encore, surtout en frontal droit, par contre, amélioration par rapport à celui du 23 mai, meilleure différenciation selon lui entre la matière blanche et la matière grise, aucun signe d’AVC ni de saignements. On peut rester optimiste de ce côté même si d’autres tests sont à venir qui pourraient révéler autre chose. Grosse atteinte pulmonaire, peut-être quelques abcès à la base du poumon gauche. Pour l’instant son idée est de la sevrer de l’oscillateur pulmonaire qui irrite beaucoup la muqueuse, de la remettre sur le respirateur conventionnel afin de pouvoir l’hépariner de nouveau, car elle a une thrombose veineuse iliaque droite.
J’étais donc bien encouragée finalement et j’imaginais déjà hier ma Poune en train de faire la folle en fauteuil roulant dans le grand corridor avec son Nico. Ce matin, l’infirmier de nuit m’a dit qu’elle avait passé une bonne nuit : tension normale, pression intracrânienne normale, etc. De plus, depuis hier soir, ils ont arrêté l’oscillateur (quel soulagement de la voir respirer avec juste le rythme normal d’un respirateur ordinaire) et ils ont repris l’admministration d’héparine. Le Dʳ Verdant fera des tests aujourd’hui pour son bras gauche qui est très enflé et bleu, et il la fera voir par l’ergothérapeute afin de mieux positionner ses membres.
ON GARDE LE CAP, IL FAUT LA VOIR DEBOUT, AVEC SON SOURIRE ET SES BEAUX YEUX!
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Lutte contre les microbes
6 juin 2007
Déjà 18 jours que notre vie a basculé, que tout est en suspens, ici à Sacré-Cœur. Au début, tout cela m’apparaissait comme un cauchemar duquel j’allais me réveiller. En montant le grand escalier central de l’hôpital, je me disais encore il y quelques jours : « ça ne se peut pas ». Maintenant, je sais que tout cela est bien réel. Dans mon corridor d’attente, j’apprends à mesurer le temps qui passe, parfois dans l’angoisse et le désespoir, parfois dans l’inquiétude, mais quand même souvent avec la conviction qu’elle va s’en sortir, qu’elle nous reviendra, changée certes, mais toujours mon bébé.
Hier, première journée sans la machine oscillatrice pour ses poumons. Elle était plus instable côté pression intracrânienne, tout cela à cause de réglages à faire sur le respirateur ordinaire afin de lui permettre de bien s’oxygéner et de bien éliminer le CO₂. Tout s’est replacé assez bien en soirée. Sa température est stable. On augmente progressivement les doses d’héparine pour éclaircir son sang, de manière à atteindre le résultat souhaité, soit finir de détruire tous les petits caillots et, surtout, le plus gros dans sa cuisse. Ils ont fait une radio de son bras gauche qui demeure très très enflé. Il y a plein de liquide dans son bras et son coude, mais il n’y a pas de fracture. Ils ne savent donc pas pourquoi c’est ainsi. Il y a peut-être un autre caillot que détruira aussi l’héparine. Ses poumons demeurent très fragiles, mais il y aurait un peu d’amélioration d’après le doc.
Son état général demeure instable. Elle demande encore beaucoup de surveillance. Aussi, côté infection, ils ont changé ses antibiotiques, car ils craignaient l’apparition de bactéries résistantes. Elle reçoit trois antibiotiques différents et un antifongique, tout cela par voie intraveineuse. Ils ont commencé à la nourrir par un tube dans l’estomac et j’ai demandé à ce qu’ils ajoutent un probiotique dans son gavage (nourriture liquide) afin de prévenir, peut-être, d’autres problèmes comme une infection au C difficile, que l’antibiothérapie risque d’entraîner, ce qu’ils ont accepté.
8 juin
Presque tout était stable hier, sauf la température qui est montée jusqu’à 38 °C. Mais le bon travail de Natalie, l’infirmière de soir (serviettes glacées et vaporisation) a contribué à la faire descendre et, ce matin, elle est à 36,3 °C. C’est un peu inquiétant, car non seulement ils veulent la maintenir en légère hypothermie pour ralentir son métabolisme, mais sa hausse de température peut indiquer que le processus infectieux n’est pas encore bien maîtrisé.
Aujourd’hui, ils referont une échographie de son cœur, pour voir ce qui se passe avec la petite valve qui était épaissie l’autre jour. Je sais qu’ils souhaitent qu’elle ne montre pas de signe d’infection, car dans ce cas, ils ne sauraient trop quoi faire. Elle reçoit déjà des antibiotiques et il est hors de question pour l’instant de faire une chirurgie cardiaque, car son état ne le permettrait pas.
Alors, IL FAUT ESPÉRER QUE SA PETITE VALVE SOIT REDEVENUE NORMALE.
Le docteur Verdant m’a expliqué ce qui attend Élianne d’ici 7 à 10 jours (pas tout de suite, car elle ne le supporterait pas) : salle d’opération pour réparer sa mandibule, pratiquer une trachéotomie pour son respirateur et une gastrostomie pour installer son tube de gavage directement dans l’ estomac. Comme il me dit, il ne sait pas comment les choses évolueront pour ce qui est du cerveau. La seule chose qu’il sait, c’est que ce sera long.
Élianne a reçu hier la visite de son ostéopathe préféré, Laurier-Pierre, qui lui a fait un traitement. Je suis certaine qu’elle en tirera des bienfaits, et c’était bon de voir quelqu’un qui la connaît, qui a déjà manipulé son corps à plusieurs reprises, la TOUCHER!
9 juin
L’état d’Élianne est un peu plus stable. Le docteur Verdant n’ose même plus le dire devant elle de peur qu’elle l’entende et qu’elle décide de lui faire encore du trouble. La pression intracrânienne est plus stable, et la bonne nouvelle, c’est que la petite valve cardiaque qui était épaissie la semaine dernière paraît mieux, moins épaisse, même s’il reste un petit quelque chose. Le docteur Verdant m’a bien dit qu’il était aussi soulagé par cette nouvelle, car il n’y aurait pas eu grand-chose à faire si ça n’avait pas été le cas. Le processus infectieux n’est pas encore parfaitement maîtrisé, et ça reste quand même un peu angoissant tous ces microbes qui s’attaquent à son corps.
Bonjour,
Je prends la liberté de vous envoyer une photo d’Élianne prise au Mali en compagnie de sa cousine et filleule Fabiola. C’est sans aucun doute la meilleure marraine au monde! On pense à elle très fort, tous les jours.
– Charlotte

10 juin
Je serai brève ce matin, l’état d’Élianne demeure instable, mais quand même plus stable depuis 2 ou 3 jours. Son bras gauche est épouvantablement bleu et enflé. Ils ont fait des tests hier, mais je n’en sais pas plus. Son médecin aimerait qu’elle lui fasse une grimace quand il lui fait mal, mais non, elle est toujours profondément dans le coma.
11 juin
Hier, dimanche, j’ai pu profiter de ma fille. J’étais seule avec elle toute la journée et j’en ai profité pour passer beaucoup de temps avec elle. Je me suis vraiment rassasiée, je l’ai positionné, je lui ai fait bouger les jambes, je lui ai mis de la crème hydratante, j’ai entrepris de la refroidir, elle est passée de 37,3° à 35,8°, température qu’elle a maintenue en soirée et ce matin. Il y a juste une mère qui n’a que ça à faire pour y parvenir. Je l’ai beaucoup touchée, j’ai passé de longs moments à la masser doucement derrière l’épaule. De plus, l’ophtalmologiste qui l’a examiné m’a permis de vivre un grand bonheur : voir les yeux de ma fille grands ouverts. En effet, il doit y mettre des gouttes pour faire dilater les pupilles, puis attendre quelques heures avant de pouvoir examiner le fond de l’œil. Pendant ce temps, elle est restée longtemps les yeux grands ouverts et j’en ai profité pour la regarder. L’examen de l’œil était normal.
De façon générale, son état se stabilise. Les poumons sont toujours infectés, mais les médecins diminuent tranquillement la concentration d’oxygène administrée, ce qui est bon signe. La pression intracrânienne se rapproche de plus en plus de la normale, avec moins de montées soudaines. Son bras est toujours épouvantable à voir, mais en le la main a beaucoup désenflé depuis qu’on le maintient en position élevée, et on espère que le reste suivra.
De grandes épreuves attendent encore Élianne. Elle se repose en attendant, toujours aussi belle, toujours aussi forte. Elle est admirable. Continuez de lui envoyer toutes vos belles énergies qui l’aident à se garder vivante et à nous revenir. Nous, sa famille, et Nico, son amoureux, nous ne lâchons pas.
Elle revient!
12 juin 2007
Juste écrire la date du jour me permet de m’orienter un peu plus dans le temps. J’en perds pas mal le fil ces jours-ci.
C’est le docteur Marsolais qui a pris la relève pour la semaine. Comme je le connais déjà un peu, cela me soulage. Il est très inquiet du bras gauche d’Élianne qui est très, très induré. Il dit qu’ils devront peut-être ouvrir pour relâcher les pressions à l’intérieur.
Je passe beaucoup de temps avec elle, parfois je la sens très, très loin, parfois beaucoup moins. Je ne sais pas ce qui fait la différence, juste une impression. Peut-être les clignements d’œil en sont-ils la cause, même si le doc a dit que c’était un réflexe. Parfois elle ouvre ses yeux très grands, c’est une impression étrange, mais apaisante, comme si elle me disait qu’elle est LÀ.
Ces deux derniers jours, je suis souvent passée par l’entrée de l’urgence pour monter la voir. Le corridor interminable, placardé de pancartes jaunes « URGENCE », m’a ramené aux premiers instants de notre arrivée la nuit du 20 mai. Je nous revois angoissant, capotant en fait, dans l’attente de la voir et souffrant par la suite de constater son état. Quelles ont été longues ces heures passées dans la salle de trauma, des moments dont on voudrait vraiment qu’ils soient juste un cauchemar vite oublié le matin.
Je vous présente ma partenaire de raquette. Cette photo a été prise au parc du mont Mégantic sur le sommet du mont St-Joseph, en mars dernier. Qu’est-ce qu’elle est belle!
– Francine

13 juin
Pas trop de nouveau à vous dire ce matin, elle se maintient. Hier, ils ont essayé de baisser le gaz NO, mais finalement ils ont dû le remettre en soirée, car sa pression intracrânienne montait à cause des mauvais échanges gazeux. Donc, ses poumons ne sont pas prêts à se passer de cela. Je lui faisais des blagues en lui disant qu’elle devient une droguée au NO. Il semble que le sevrage sera plus long.
Elle cligne pas mal des yeux. Parfois, quand ils sont ouverts on a l’impression qu'elle est un peu là, d’autres fois, non. Elle fait aussi quelques mouvements contre son respirateur, je l’ai vu bouger le menton à plusieurs reprises, comme si elle avait des hauts-le-coeur et l'inhalo m'a dit qu’il lui arrive de mordre son tube. Je vais demander une rencontre formelle aujourd’hui ou vendredi avec Dʳ Marsolais pour savoir plus ce qu’il en pense.
14 juin
Élianne a été en salle d’opération en soirée hier, pour une chirurgie exploratoire de son bras, car il y avait de grands dangers d’infection et de destruction musculaire. Finalement, il n’y avait qu’un très gros hématome, ils ont installé un drain et tout devrait guérir facilement d’après le chirurgien.
D’après le docteur Marsolais, ses poumons demeurent la grosse problématique. Il dit que c’est comme une grosse plaie à vif à l’intérieur et que quand ses échanges gazeux (oxygène et gaz carbonique) sont perturbés, cela affecte sa pression intracrânienne. Sinon, le reste n'est pas pire. Il dit que c’est toujours vrai qu’au niveau cérébral tout est possible, le pire et le mieux, qu’eux continuent de travailler dans le sens de L’ESPOIR. Il dit qu’elle ne réagit toujours pas à la douleur, par contre, il a remarqué qu’elle ouvre ses yeux plus souvent de façon spontanée ou en réaction à des stimuli, il dit aussi qu’il a parfois l’impression qu’il y a QUELQU'UN derrière! Chose certaine, elle a beaucoup réagi aux voix hier soir, à celles de Jessica et Josiane, ses amies qui étaient avec elle lors de l'accident, les filles étaient ben contentes, et à celle de Gilbert, juste avant l’opération il lui a parlé et elle a ouvert très, très grand ses yeux.
Aussi, je lui ai mis une goutte de lavande sous le nez et elle a bien réagi.
On sait qu’elle mord parfois son tube d'intubation, donc il y a quelques petits mouvements, je m'encourage avec ça.
Quand je suis avec elle, je lui parle souvent, je lui dis ce qui est arrivé, ce qui va bien, ce qui doit guérir. Je lui dis aussi qu’elle est toujours aussi belle au cas où elle serait inquiète de son apparence. Bien sûr, je lui dis aussi que je l’aime, qu’on l’aime tous, qu’on est toujours là et qu’on l’attend avec l'aide de tous nos amis.
15 juin
OUI, OUI, OUI!
Ma sœur Francine est revenue tout émue hier de sa visite à Élianne. Pour la première fois à notre connaissance, Élianne aurait réellement cligné de façon franche et évidente deux fois des yeux à la demande de l’infirmière. Les autres infirmières, l’inhalothérapeute et ma sœur sont convaincues que c’était une vraie réponse et non un réflexe!!!
De façon évidence, elle semble plus « présente » par moments. Elle ouvre beaucoup les yeux, elle réagit à ce qu’on lui dit. Tout ce qu’elle bouge pour l’instant, ce sont ses yeux et sa langue (c'est nouveau ça aussi). Elle m’a presque fait une grimace hier à ma demande. Son infirmier de nuit me dit qu’elle réagit à son nom!!! avec ses yeux. Il m’a dit qu’à 6 h ce matin, ils vont cesser un des calmants qu’elle reçoit.
Finalement, j’étais bien heureuse hier soir, toutes ces petites victoires me comblent. Petit à petit, j’en suis certaine, elle nous reviendra, ma belle poupoune.
JE VOUS EMBRASSE TOUS ET TOUTES, gardez en vous cet espoir qui nous habite et continuez de lui envoyer toutes vos belles énergies.
16 juin
ELLE EST REVENUE!
Après la belle surprise de jeudi soir, cela se poursuit. Hier matin à mon arrivée sur l’unité, tout le monde était en émoi : Élianne a répondu aux commandes verbales de son infirmière, elle a bougé deux doigts et son pied droit. La réponse est lente, très lente, mais véritable et j’ai assisté aussi à un moment où elle a bougé son index à la demande. C’est très très long pour elle d'amorcer un mouvement, elle en tremble. Elle bouge beaucoup ses yeux et sa bouche, quand je lui ai mis du baume sur les lèvres, elle est littéralement venue le chercher avec sa langue. Elle nous regarde et je crois qu’elle essaie de nous dire quelque chose avec ses yeux. Elle a aussi commencé à grimacer à la douleur et même fait une amorce de mouvement de retrait à la douleur, ce qui est bon signe.
On voit que tout le personnel est bien attaché à elle, c’était la conversation du jour sur l’unité et toutes les infirmières qui la connaissent venaient me parler.
Donc, hier soir, la consigne était repos, elle était de plus en plus endormie avec son calmant et on lui disait de faire un beau dodo pour être en forme aujourd'hui. Elle ouvre quand même les yeux quand on lui parle, elle semble bien LÀ, et ce matin, j’essaierai d’avoir une petite conversation avec elle.
Sainte-Anne, 16 juin 2007
Chère Jocelyne,
Je ne t'ai pas écrit avant... mais je prie beaucoup. Et je vais continuer à le faire, parce que même si on pourrait croire et avec bonheur, que le pire est passé, je sais que le plus difficile reste à faire.
Jusqu'à présent tu as dû rouler à l'adrénaline et j'imagine combien tu dois être épuisée. Et pourtant, c'est dans les semaines et les mois à venir que tu devras puiser dans tes réserves de force, de patience et d'endurance.
Il y aura maintenant la douleur et les nombreuses frustrations d'Élianne. La réadaptation et... la réintégration et... tout ce que j’ai dû vivre moi-même. Bref, je vais continuer à vous envoyer des ondes bénéfiques.
Je sais que les revenus ont été très perturbés chez vous et je me disais... avec tout ce que tu écris depuis le début, il y a de quoi faire un livre et renflouer vos caisses. Pas maintenant bien sûr, mais... c'est peut-être un projet qui vous permettra un jour de faire le point sur cette expérience de vie hors du commun.
Je t'embrasse,
Jacinthe
Ce n'est que partie remise
17 juin 2007
Bonjour tout le monde,
Petit moment de découragement ce matin, condition pulmonaire assez instable, il semble y avoir pas mal de sécrétions qui bouchent son tube, ils ne sont pas capables d'aller les chercher. Ils ont fait deux bronchoscopies hier pourtant. En soirée hier, sa pression intracrânienne est montée pas mal; le résident avait l'air de savoir quoi faire et après qu'il lui ait donné des bolus de versed (calmant) et une perfusion riche en sodium, tout est rentré dans l'ordre, mais d'après l'infirmier de nuit, ils ont eu les mêmes problèmes cette nuit et ils ont de la difficulté à bien la ventiler. Elle ne supporte pas bien les manœuvres qu'ils essaient de faire pour ses poumons.
Donc, depuis avant-hier soir, elle a continué à recevoir des doses plus élevées de calmants, ce qui fait que le peu de communication que l'on a pu avoir avec elle l'autre jour n'est pas possible pour l'instant. Je sais que cette nuit ils ont augmenté encore ses calmants, donc elle n'est pas prête pour cette étape, elle nous a fait signe et doit maintenant guérir ses poumons.
J'aurais bien aimé continuer sur un bon air d'aller, je dois réduire mes attentes et essayer de ne pas trop m'inquiéter, ce n'est pas facile je vous avoue. J'aimerais qu'ils se décident à lui faire sa trachéo, ce serait peut-être plus facile de la ventiler ainsi.
IL FAUT CONTINUER À PENSER À ELLE, À SES POUMONS SURTOUT, GROSSE, GROSSE AFFAIRE À RÉGLER AVANT DE PASSER AU RÉVEIL. ELLE NOUS A FAIT SIGNE, IL FAUT CONTINUER.
18 juin
J’ai eu une belle conversation avec Dʳ Bellemare. Il est pneumologue et il a pu m'expliquer des choses concernant les poumons d'Élianne dont je m'inquiétais. Il m'a d'abord expliqué qu'en changeant un cathéter central (sous-clavière) ils ont percé son poumon, il y a une petite fuite et ils ont dû remettre un drain thoracique (elle en a eu un au début). Ce sont les risques d'installation de sous-clavière chez les patients ventilés mécaniquement et ce n'est pas trop grave. De plus, il m'a expliqué que, contrairement à ce que je croyais, la condition pulmonaire d'Élianne s'est améliorée et que tout devrait s'arranger, c’est une question de temps. La trachéo suivra cette semaine, il dit qu'elle serait en mesure de la supporter.
19 juin
Bonne nouvelle : il semble que le sevrage du gaz NO se fasse finalement cette fois-ci après plusieurs essais infructueux la semaine dernière, ce qui confirme ce que me disait Dʳ Bellemare, sa condition pulmonaire s'améliore. Je me prépare mentalement pour la trachéo bientôt.
Élianne était pas mal droguée hier soir avec de bonnes doses de calmants. Petite anecdote : le nouvel infirmier qui s'occupe d'elle l'a appelé Madame Parent et elle ne réagissait pas. Elle a réagi en ouvrant ses yeux quand il l'a appelé Élianne. Finalement, elle ne se reconnait pas encore en « madame ».
20 juin
Drôle de feeling hier à mon retour à l'hôpital. Les sédations d'Élianne (fentanyl et versed pour les initiés) ont été cessées vers 9 h 30, mais elle est demeurée pas mal « gommée » par la suite. Pour Élianne, métaboliser des médicaments est très, très long, ce n'est pas nouveau. Nico dit qu'en après-midi, elle bougeait les doigts et lui serrait un peu la main. Je sais qu'elle a aussi eu des amorces de mouvements de retrait à la douleur quand l'infirmière lui a fait ses signes neurologiques. Mais, en soirée, c'était plutôt confus, elle ouvrait un peu les yeux, a répondu seulement une fois à ma demande de les cligner, et elle avait des spasmes et tremblements avec ses mains, ce ne semblait pas des mouvements volontaires. En plus, elle a vomi trois fois. Tout cela m'a laissée bien inquiète. Je sais que le résultat de l'EEG donne de l'activité électrique très lente et diffuse, mais ne sais pas comment l'interpréter.
Ils ont refait une bronchoscopie et le Dʳ Albert dit que sa muqueuse est plus belle, mais qu'il y a encore beaucoup de sécrétions épaisses et collantes. Le sevrage de NO semble fonctionner, elle n'en a plus besoin et comme son cathéter qui mesure sa pression intracrânienne ne fonctionnait plus, ils ont décidé de ne pas en remettre étant donné que c'était beau depuis 48 heures.
Après la broncho, ils ont reparti une perfusion de calmant, mais du propofol cette fois-ci, car quand on l'arrête, cela s'élimine assez rapidement.
Avec tout ça hier, on ne l'a pas bougé et elle serait bien due pour faire des exercices, alors je verrai ce matin si c'est possible.
Je rencontre Dʳ Albert cet après-midi, ma liste de questions est prête. Finalement, je me demande si c'est bon ce système de changement de médecin chaque semaine, on dirait que les premiers jours sont consacrés à la connaître mieux et que ce n'est qu'après qu'il peut se passer des choses pour évoluer. Honnêtement, j'avoue que je ne sais pas trop comment ils pourraient faire autrement sans être là toute la gang 24h/24 et 7/7 jours.
CONTINUEZ À PENSER À ÉLIANNE, JE CROIS QUE MAINTENANT, ON PEUT SE CONCENTRER SUR SON CERVEAU AFIN QU'IL SE GUÉRISSE ET NOUS RAMÈNE UNE ÉLIANNE SEMBLABLE OU PRESQUE À CELLE QUE L'ON CONNAÎT.
Sœur Parent
21 juin 2007
Je sais que plusieurs d’entre vous commencez votre journée par la lecture des nouvelles d’Élianne et je me fais un devoir d'être tôt au rendez-vous. De toute façon, c'est mon heure : aux aurores.
Hier, vous l'avez peut-être un peu senti, j'ai eu un moment de découragement, je la sentais tellement mal. Mon amie Marie est venue me voir le matin et m'a bien fait réaliser qu’Élianne est probablement plus consciente et vraiment, comment peut-on être bien dans un corps comme cela, avec sûrement de la douleur, un corps qui n'a pas bougé depuis un mois, les tuyaux, etc.? Genre lendemain d'une très, très grosse brosse! J'étais aussi très déçue de ne pas avoir retrouvé le contact vécu jeudi et vendredi dernier avec elle, elle semblait très absente, plutôt « confuse ».
Ma rencontre avec le Dʳ Albert m'a confirmé les propos de Marie, de plus, il est très clair pour lui qu'elle est en sevrage : comme une vraie droguée, elle doit cuver les calmants reçus, dont un est l'équivalent de la morphine et elle le reçoit depuis un mois maintenant. Cela explique ses tremblements et ses vomissements, la hausse de sa pulsation cardiaque et de sa tension artérielle. Pour pallier temporairement cela, il a prescrit d'autres calmants, mais ceux-ci s'éliminent plus vite : Propofol et Ativan. Il attend qu'elle n'ait plus rien pour repasser un autre EEG (électroencéphalogramme, pour mesurer l'activité électrique du cerveau).
Le docteur m'a dit que beaucoup de choses s'améliorent, elle n'a plus de No (gaz) et hier elle a été plusieurs heures en ventilation spontanée sur son respirateur, ce qui veut dire que c'est elle qui amorçait le mouvement de la machine pour qu'elle lui donne de l'air.
Côté cerveau, contrairement aux rumeurs qui courent, elle n'est pas sortie véritablement du coma. Elle a eu deux périodes avec un certain éveil, c'est tout, et c'est aussi beaucoup et fort apprécié. Le Dʳ Albert m'a reconfirmé que l'on ne sait rien sur l'état de son cerveau, comment elle sera, ce qu'elle pourra ou non faire, etc. Pour l'instant, il y a peu de changement dans ses signes neurologiques.
C'est à suivre et c'est pourquoi il ne faut pas lâcher et continuer à l'encourager. Chose certaine, la réadaptation sera longue, probablement pénible et nous aurons sans doute bien besoin de vous tous.
Sur ce, je vous laisse avant qu'il n’y ait la queue pour la douche, c'est bien occupé ces jours-ci chez les petites sœurs!!!
22 juin
« Sœur Parent », c'est ainsi que m'a appelé, par erreur bien sûr, la réceptionniste hier. Ça y est : je me fais nonne!
En effet, je mène une vraie vie de sœur, bien rangée, bien réglée. Je n'ai aucune tâche ménagère à faire à part mon petit lavage de sous-vêtements dans le lavabo (comme en voyage, mais je me passerais bien de celui-ci), et ma « brassée » de trois blouses et une jupe à la buanderie que je fais sécher sur des supports dans ma chambre. Je suis nourrie, soit par les sœurs, soit par Steve du Café Honey et parfois par la cafétéria de l'hôpital. Mon lit est changé à l'occasion, mes serviettes aussi. Mes journées sont réglées par l'horloge, le peu de temps que je passe ici chez les religieuses est occupé à entretenir ma personne, me reposer, dormir, lire un peu, vous écrire, faire ma comptabilité. Alors peut-être bien que je deviens « Sœur Parent ».
Hier, Élianne a refait quelques mouvements à la demande de Julie, son infirmière. Julie est vraiment fine, elle aime aussi beaucoup Élianne et était bien contente de ce qu'elle avait réussi à lui faire faire : bouger des doigts et des orteils à sa demande. Naturellement, après elle était épuisée, elle a essayé encore, mais sans succès. Cependant, on l'a très bien vu « enligner » sa main droite avec ses yeux pour amorcer un mouvement qu'elle n'a finalement pas pu faire faute de force. Elle a aussi bougé trois fois sa jambe gauche dans ma main pendant que je lui massais le pied. À la demande des médecins, je lui ai demandé deux fois de fermer ses yeux, ce qu'elle a fait, avec difficulté, car ses paupières semblent très, très lourdes, mais de façon franche et évidente selon Dʳ Bernard et Dʳ Albert qui étaient tous les deux présents. Elle est encore pas mal assommée par ses médicaments qui s'éliminent tranquillement.
Julie me recommande de la rassurer souvent, car elle cherche aussi beaucoup avec ses yeux à voir son corps au complet, elle baisse le regard et semble vouloir regarder jusqu'à ses pieds. On sent parfois la panique dans son regard alors il faut lui dire que tout devrait bien aller, qu'elle pourra bouger plus en temps et lieu, qu'elle devra être patiente, très, très patiente! On la sent de plus en plus là, avec de grandes périodes de sommeil profond.
Aujourd'hui au programme : trachéo en salle d'opération. Ce sera une nouvelle étape pour Élianne, elle n'aura plus son tuyau de respirateur dans la bouche. Depuis hier matin, elle est revenue en ventilation spontanée, donc elle donne elle-même le rythme à sa machine pour respirer et cela semble bien aller.
23 juin
Je ne crois pas qu'Élianne envisageait de fêter la Saint-Jean ici! Il n'y aura pas de compétition au Mont Sainte-Anne pour elle cette année, sa compétition est ici, sur ce lit du 599. Quelle tristesse quand je pense à cela.
Élianne a eu sa trachéo comme prévu hier, tout s'est bien passé et la première chose que les infirmières ont dit lors de son retour à la chambre : « Est-tu belle!!! ». C'est bon de la voir sans tube dans sa bouche, cela libère beaucoup son visage. Il ne reste que le tube de Levin pour la nourrir qui passe par une narine jusqu'à son estomac.
Tout le monde dit que la trachéo est souvent le début d'une nouvelle étape, que les choses bougent plus après. On verra. Hier, elle était bien concentrée sur son corps, dans ses moments « d'éveil ». Quand on la touchait, par exemple au pied ou au ventre, elle cherchait à voir cette partie de son corps, du moins ses yeux s'y dirigeaient. Elle regardait beaucoup le tube dans sa bouche (avant l'opération) avec un air mauvais, je crois que si elle avait pu bouger sa main, le tube aurait pris le bord assez vite merci!
Elle semble observer parfois ce qui se passe, comme quand l'inhalo aspirait les sécrétions de son tube de trachéo. Elle respire toujours en ventilation spontanée, donc elle commande le respirateur et ça va assez bien de ce côté.
24 juin
Que c'est dur pour un cœur de mère de voir son bébé ainsi. Hier, ils ont cessé complètement le Propofol, un des calmants qui lui restait et qui s'élimine très, très rapidement. Quelques instants plus tard, elle était plus éveillée, ouvrait ses yeux, regardait, on voyait qu'elle vivait beaucoup d'anxiété, son cœur battait à 118-120, sa TA (tension artérielle) était très élevée et sa respiration plus rapide. En plus, quand elle m'a vu (ou entendu) près d'elle, cela a accentué sa panique, comme si elle voulait me dire quelque chose, elle essayait très fort de bouger, je l'ai vu soulever son bras droit, elle ouvrait sa bouche comme pour hurler, son visage se contractait comme pour pleurer, ses yeux s'ouvraient et me disaient toute l'angoisse qui l'habite. Cela s'est passé trois fois durant la soirée.
Je ne crois pas que je vais aller chez moi aujourd'hui, peut-être ce soir, on verra. Elle a beaucoup besoin d'être rassurée, d'être calmée. Je la masse avec de la crème hydratante, je la fais bouger. Elle aime beaucoup être bougée, visiblement, car sa pulsation cardiaque ralentie et sa TA baisse quand on le fait. Cela doit la rassurer sur l'existence de son corps.
Je sais que tout cela, son éveil, sa panique, sont des signes positifs et encourageants, mais c'est très dur à vivre pour elle, de réaliser ce qui se passe, de se voir ainsi sur un lit, de ne pas comprendre, d'avoir peur de la suite sans doute, de se sentir « prise » dans son corps et pour moi c'est aussi très douloureux de la voir ainsi.
Je vous tiens au courant, envoyez-lui de bonnes énergies calmantes et « énergisantes »!
Où est passé mon bébé?
25 juin 2007
Je sais que plusieurs d'entre vous étaient en congé durant le long week-end et que certains reviennent ce soir.
Élianne a « célébré » sa Saint-Jean 2007 au 5 ͤ, heureusement, elle ne le savait pas. Je crois qu'elle avait d'autres projets pour cette fête... En fait, hier était une journée de « non-contact », il semble y avoir une certaine alternance entre les jours « avec » et les jours « sans ». Elle était renfermée sur elle-même, elle répondait à peine, sinon pas du tout, aux ordres des infirmières et des médecins, comme de serrer la main. Elle semblait être profondément plongée en elle-même, concentrée peut-être à bouger son bras droit, puisqu'elle l'a beaucoup bougé, déplaçant sa main de sa cuisse à son ventre et pianotant parfois du bout des doigts. Elle semblait souvent faire des efforts pour bouger tous ses membres. Le Dʳ Bernard trouvait qu'elle avait l'air en maudit, ce qui était est peut-être le cas!
Concernant l’infection pulmonaire, il y a une nouvelle bactérie : l’enterobacter (ou quelque chose dans le genre), la même qu'elle a déjà eue dans le sang et qui avait disparu. Elle en a dans ses sécrétions bronchiques, le microbiologiste est passé hier et il a changé son antibiotique pour un autre, car c'est cette fameuse bactérie qui peut développer des résistances et en faire développer, par le fait même, aux autres bactéries, dont l’E. coli qu'elle a aussi dans ses poumons. De plus, elle fait un peu de température.
Hier matin, j'ai sauté sur l'occasion pour la faire changer de place dans la chambre. En effet, à mon arrivée, la place à côté de la fenêtre était libre, il y a eu un gros roulement à cet endroit et je le reluquais depuis le début. Comme j'avais parlé de ce désir de changement au Dʳ Bernard cette semaine, et qu'il trouvait que c'était une bonne idée, j'ai profité du fait qu'il était présent dans la chambre pour aller voir l'infirmière responsable au poste et lui faire ma demande. Ce qui n'a pas enchanté l'infirmière qui s'occupait d'Élianne, mais tant pis, elle avait l'air assez bête de toute façon alors elle a tout simplement continué toute la journée et j'ai fait celle qui s'en foutais! Il faut dire que ce week-end, pour ce qui est des infirmières dans la chambre c'est plutôt poche : une grande air bête, une autre du genre « infirmière à docteur », je la soupçonne d'être une épouse de docteur, elle porte un sarrau par-dessus son uniforme d’infirmière, genre pour se donner un air plus « professionnel », elle a les cheveux bien crêpés et elle arrête tout ce qu’elle fait quand un docteur est présent pour lui faire la jasette et faire « ami-ami ». Excusez-moi, c'était mon petit bitchage du jour!
Je devrais être là toute la semaine. Je m'attends, si le côté pulmonaire se stabilise, à ce qu'elle soit transférée aux soins intermédiaires plus tard cette semaine ou durant à la fin de la semaine.
J'ai l'impression que cette semaine sera sous le signe de l'INCONNU. C'est un peu paniquant et angoissant, je continuerai de vous tenir au courant.
26 juin
Hier, j'étais tellement découragée après ma visite journalière, j'avais envie de me coucher et de ne plus me réveiller, cela aurait été plus facile. Où est passé mon bébé? A-t-elle tellement paniqué samedi de se voir ainsi, car je suis convaincue qu'elle était LÀ, qu'elle s'est de nouveau retirée très loin? Est-ce seulement une mauvaise passe, son rythme à elle pour nous revenir? Est-ce l'effet de la fièvre qu'elle fait depuis 2 ou 3 jours? Cuve-t-elle encore ses médicaments? Toujours est-il qu'après avoir été plusieurs fois « présente » depuis 10 jours, elle est depuis 2 jours plutôt loin, répondant à peine aux ordres de l'infirmière de serrer la main, ne manifestant rien quand on est présent, les yeux ouverts, mais plutôt vagues.
Je n'ai plus aucun repère...
En après-midi, le Dʳ Albert m'a laissé entendre qu'il trouvait ça bien long et comme c’était aussi mon sentiment, j'étais pas mal découragée et inquiète. En soirée, si j'en avais été capable, je n'y serais même pas allée tellement j'appréhendais ce que j'allais y vivre encore une fois.
Finalement, de la voir, même plutôt absente, m'a redonné de l'énergie. Elle n'est peut-être pas si loin que ça, elle suit parfois des yeux ce qui se passe, même si elle ne manifeste rien. Elle lutte un peu contre nous quand on essaie de la bouger. Difficile de savoir ce qui se passe, ou pas, dans sa tête. En soirée, c’était le Dʳ Verdant qui était de garde. Il m'a davantage rassurée. Il m'a parlé du rythme de chacun qui peut amener le réveil de façon bien différente. Malheureusement, ce ne sera pas lui qui s’en occupera cette semaine, il a d'autres cas à soigner. Ce sera le Dʳ Giasson que je connais moins, on verra bien, mais le Dʳ Verdant sera quand même présent dans l’hôpital et je pourrai lui parler à l'occasion. Chose certaine, le processus sera bien long et toute la réadaptation aussi, cela devient de plus en plus évident.
Elle fait toujours de la température, le nouvel antibiotique devrait commencer à faire effet après 48 heures, donc ce soir. En soirée, et cette nuit, sa tension artérielle était trop élevée, ils ont dû lui donner un médicament pour la faire baisser. Hier, à deux reprises, ils ont tenté un sevrage du respirateur. Ce qui fait qu'elle n'avait pas de machine, juste de l'oxygène sur sa trachée, mais ce ne fut pas un succès. Elle a passé 30 min le matin et presque 2 heures en après-midi, mais ils n'ont pas réessayé en soirée, car son pH sanguin avait trop augmenté. Je crois qu'ils tenteront de nouveau aujourd'hui, ils essaient de la sevrer du respirateur, mais c'est difficile, car ses muscles intercostaux sont rendus bien paresseux, car ils n'ont pas travaillé depuis plusieurs semaines. Il se peut qu'aujourd'hui qu’ils commencent à lui donner du Ritalin, il paraît que cela facilite grandement l'éveil et la concentration, cela dépendra si le battement de son cœur qui bat trop vite à cause probablement de la fièvre, est plus à la normale aujourd'hui, peut-être cela dépendra-t-il aussi de sa tension artérielle.
Quand je suis avec elle, j'essaie de la stimuler. Je lui parle, la touche, la masse, et la fait bouger. Je continuerai aujourd'hui et vous redonnerai des nouvelles.
Ça pourrait-ti ben aller?
27 juin 2007
Il fait chaud en ville! Heureusement qu'Élianne a l'air conditionné dans sa chambre et comme j’y suis souvent, cela nous rafraîchit.
Bon changement de garde hier. Le Dʳ Giasson a pris le relais avec, je crois, beaucoup de perspicacité. Il pense qu'Élianne a eu un sevrage de narcotiques beaucoup trop rapide, il me dit qu'elle a tout à fait un profil de « délirium », peut-être accentué par la prise très (trop) régulière d'Ativan depuis une semaine. Selon lui, le sevrage aurait dû être plus graduel, là c'est plutôt brutal et elle est trop dans un état adrénergique : pulsation et TA dans le plafond. Nous avons beaucoup jasé et il m’a expliqué que parfois les médecins vont trop vite, ils ont la crainte que ce soit les médicaments qui empêchent les gens de sortir de leur coma. Dans le cas d'Élianne, elle a montré plus de signes d'éveil sous narcotiques que sans. Son plan de match : on oublie le Ritalin pour l'instant, trop adrénergique, il veut plutôt la ramener à des valeurs normales.
Je crois que le sevrage du respirateur s'est fait trop vite lundi, les inhalothérapeutes d'hier m'ont tous dit que l'on ne peut pas partir avec une aide à 30 (l'aide qu'elle reçoit du respirateur) et tomber à 0, il faut procéder graduellement et pour eux, il était évident qu'elle ne pouvait pas supporter cela. Le Dʳ Albert était finalement beaucoup trop pressé avec elle, sur tous les plans, et son infirmière, de lundi, ne l'a pas assez surveillé pour remarquer qu'elle était épuisée d’avoir passé presque deux heures sans respirateur. De plus, au cours de la même journée, l'inhalothérapeute était visiblement inexpérimentée.
Le Dʳ Giasson lui refait passer des examens au scanneur aujourd'hui : cerveau, bras gauche et thorax. Il dit que s'il reste des abcès au poumon gauche, ils iront les drainer cette semaine. Elle aura aussi une gastrostomie afin de mettre le tube qui la nourrit directement dans son estomac au lieu de passer par le nez.
Hier, ma sœur Chantale m'a aidée et on lui a plus ou moins lavé les cheveux, en fait, on a nettoyé son fond de tête qui était plein de croûtes et de pellicules. Elle a semblé apprécier, elle se fermait les yeux et avait l'air de relaxer. Toujours aussi peu de contacts, quoiqu'elle a semblé plus présente, pendant quelques minutes, lors de la visite de la physiothérapeute. Le monsieur qui fait le ménage aussi me disait que le matin, très tôt, elle le suivait des yeux pendant qu'il vidait ses poubelles.
Autre source d'inquiétude, hier soir, vers 22 h, lorsque je m'apprêtais à partir, j'ai remarqué que sa cuisse droite était énorme, très enflée jusqu'au genou. Le résident est venu voir, il a fait faire des prises de sang qui n'ont pas révélé grand‑chose, on sent ses pouls pédieux et autres, elle est déjà sous héparine donc peu de risque de faire une phlébite. À ma demande, on l'a mesuré pour comparer avec l'autre cuisse : presque deux pouces de différence, la peau est aussi indurée, mais il ne semble pas y avoir de rougeur, d’éruption cutanée ou de chaleur.
ÇA POURRAIT-TI BEN ALLER???
Le Dʳ Giasson n'avait pas de bonnes nouvelles du scanneur cérébral : atteinte (d’un genre d’hématome) au lobe frontal droit, avec tout ce qui pourrait y avoir comme séquelles (mais je vous en reparlerai, car je n'en ai pas le courage cette nuit), plus atrophie du cortex de façon généralisée et mettons « modérée », si on peut parler ainsi pour faire une distinction entre légère et sévère, mais qui pourrait compromettre sérieusement ses chances de récupération. Il ne peut pas se prononcer davantage, mais ce n'est pas le résultat qu'il aurait voulu, le scanneur a démontré des dommages qui peuvent laisser des séquelles importantes. Il s'est même mouillé en me disant que si c'était sa fille, il n'est pas certain qu'il voudrait continuer. En fait, il nous prépare à prendre des décisions si d'autres complications importantes surviennent. Il reste quand même que ce n'est pas impossible qu'elle puisse avoir une certaine récupération, personne n'ose se prononcer là-dessus.
JE NE SAIS PLUS QUOI PENSER, JE SUIS COMME UNE BOMBE AMBULANTE.
29 juin
Nouvelle rencontre avec le Dʳ Giasson, qui nous a répété les mêmes choses que la veille concernant les résultats du scanneur, l'atrophie du cortex est bien là, cependant ils ont trouvé, avec la résonance magnétique, qu'elle a encore une petite zone enflée sous le cortex qui, si j’ai bien compris, s'expliquerait par une pression artérielle assez élevée qui maintient cet œdème si longtemps après.
Cette petite zone enflée vient un peu « améliorer » le portrait en ce sens qu'elle laisse supposer qu’il peut y avoir de l’amélioration quant à l'étendue de la zone atteinte. Tout ce qu'il nous a dit et répété demeure vrai, cependant, hier soir, il était plus nuancé, en nous disant bien que sa récupération risquait d'être très difficile et pourrait lui causer de graves séquelles, mais que seul l’avenir nous le dira. Pour lui, il reste vrai que si des complications importantes survenaient, nous aurions à nous demander si l’on doit intervenir ou non.
Autres choses : pour sa cuisse il y a une grosse partie de son quadriceps droit qui est mort, ce muscle sera en fin de compte totalement inutilisable, ce qui implique automatiquement le port d'une orthèse pour marcher. Il semble que son muscle avait commencé à se détruire il y a qq semaines, de façon un peu sournoise, car quand ses CK (enzymes musculaires) ont monté en flèche, ils ont bien cherché d'où cela pouvait venir et n'ont pas trouvé. Quand ils ont ouvert la cuisse, à la suite de l'enflure soudaine, ils ont trouvé du muscle mort à l’endroit où il y avait un saignement, c’est d’ailleurs ce qui a provoqué l'enflure. Là j'espère que cette plaie ne n'infectera pas, elle est ouverte avec un drain et hier, le résident en ortho, qui a défait le pansement pour l'examiner, a touché directement la plaie avec des gants non stériles. Je m'en suis plainte au Dʳ Giasson qui va y donner suite. Ses poumons : abcès toujours à la base gauche, lobe inférieur. Il espère ne pas avoir à intervenir, si l'infection demeure sous contrôle, ils espèrent que le temps fera son œuvre, sinon, il faudra faire une chirurgie thoracique qui impliquerait de tout ouvrir, par le côté, pour aller débrider le lobe inférieur gauche, c’est une chirurgie importante qui dure plusieurs heures. Le Dʳ Giasson a consulté sa collègue la Dre Choinière, chirurgienne thoracique, et ils ont décidé d'attendre, à moins de problèmes pulmonaires trop importants. Pour l'instant, elle est une vraie usine à sécrétions, mais sa fonction pulmonaire reprend du mieux, ils ont beaucoup baissé l'aide qu'elle reçoit du respirateur, et le taux d'oxygène aussi.
Durant les prochains jours, le Dʳ Giasson veut se concentrer sur son cerveau, il maintient de petites doses régulières de morphine, en tenant compte qu'elle a probablement de la douleur à sa cuisse et qu'il veut faire le sevrage graduellement. Il continue d'espacer les doses d'Ativan pour la sevrer tranquillement. Il a prescrit un antihypertenseur pour diminuer sa pression artérielle en espérant faire disparaître la dernière zone enflée dans son cerveau et il envisage aussi une ponction lombaire aujourd'hui, il profitera du fait qu'elle n'a pas d'héparine pour faire cela et ponctionner ce qui reste dans son bras gauche.
En soirée hier, Élianne était vraiment comme avant son dernier « éveil », pas très loin. Elle suivait des yeux nos conversations autour d'elle. Elle avait les yeux fermés pendant que je parlais avec Nico, lui sur un côté du lit, moi sur l'autre, et ses orbites allaient d'un côté à l'autre selon qui parlait. Elle a aussi suivi le mouvement du Dʳ Bernard quand il est venu à son chevet et qu'il s’est promené sur le bord du lit en parlant. J'aime mieux la voir ainsi que loin, loin, loin.
Je pense qu'il faut lui laisser sa chance, c'est elle qui nous dira à long terme ce qui est acceptable ou non pour elle. Je me suis couchée plus apaisée hier, plus confiante, je veux garder encore un peu d'espoir et l'accompagner dans cette épreuve.
Message onirique
2 juillet 2007
Grand changement dans la vie d'Élianne : elle a été transférée aux soins intermédiaires samedi après-midi. Ce qui signifie que son état « vital » est plus stable. Cependant, pour son état d'« éveil » ce n'est pas gagné, mais on se concentrera sur cet aspect des choses au cours des prochains jours et des prochaines semaines.
J'ai vraiment été surprise samedi de ce changement soudain, elle était prête, semble-t-il..., et le personnel de l’hôpital devait vider sa chambre. En raison du manque d'infirmières pour le quart de travail de soir, ils ont dû évaluer les patients qui étaient prêts à être transférés. Cela a l'air niaiseux, mais on s'habitue à notre inconfort, d’une certaine façon. J'avais mes petites habitudes aux soins intensifs, la plupart d'entre vous connaissaient mon coin de corridor, je connaissais le personnel et eux aussi, cela me faisait tout drôle de changer de place. Heureusement, elle est suivie par la même équipe de médecins, et le rapport patients-infirmière est de 2/1.
Samedi après-midi, jour du transfert, j'étais avec Emmanuelle, la sœur de Claudine, et Élianne a bougé beaucoup (entendons‑nous, beaucoup pour elle c’est très peu). Elle bougeait ses doigts et les regardait, elle me montrait des doigts, elle a essayé de passer sa main droite sous son pansement à la cuisse, elle a même bougé tout d’un coup tout son côté droit : épaule, bras, jambe.
Difficile de dire si l’on a ou pas un contact avec elle, c'est encore un peu flou de ce côté. Elle a grimacé quand l'infirmière a fait son injection et elle a manifesté beaucoup de peur durant le transport au 2e étage, elle était toute crispée, les yeux ronds et grands ouverts.
Tout est rénové aux soins intermédiaires, ce sont toutes des chambres individuelles, donc on minimise le risque d’infection. Tout est vitré et son infirmière est assise devant elle. Le Dr Giasson, qui continue à la suivre jusqu'à demain matin, est passé samedi soir. Il lui donne un peu de morphine pour soulager sa douleur à la cuisse, car il veut aussi contrôler sa tension artérielle. De plus, l'infirmière a remarqué qu'elle avait un meilleur contrôle après une dose donc on suppose qu'elle a de la douleur. D'ailleurs, quand elle bougeait samedi, elle grimaçait en même temps.
Le médecin m'a mentionné qu’il fera peut‑être une gastrostomie cette semaine (pour mettre le tube qui la nourrit directement dans son estomac) et qu’il essayera de faire une radio du cou en flexion-extension afin de pouvoir lui enlever, si tout est correct, son collet cervical. Il veut lui libérer le visage et la tête. Il cesse graduellement ses perfusions intraveineuses pour passer à des médicaments par son tube dans l'estomac ou sous-cutané, afin de pouvoir enlever son cathéter à plusieurs voies. La chirurgienne thoracique, Dre Choinière, pense que pour l'instant on peut éviter la chirurgie pour son poumon. Les médecins surveillent toujours s’il y a des signes d'infection : globules blancs, température, couleur des sécrétions, etc., mais tout semble bien aller de ce côté, pour l'instant. Ils diminuent aussi graduellement l'aide qu'elle reçoit de son respirateur dans le but éventuel de la sevrer, mais cela se fera doucement.
Donc, cette semaine devrait être celle où l’on se concentre sur son éveil.
J'essaie de rester positive même si je suis remplie de craintes, de peurs et d'incertitudes.
Maintenant, je peux rester dans sa chambre aussi longtemps que je le veux durant les heures de visite. Depuis hier, j'ai pris une petite pause, j’ai trouvé des gardiennes afin d'avoir un peu de temps pour faire mes affaires. Je suis allée faire un tour à la maison, mais je tourne en rond et je n'ai plus envie de rien faire chez-moi. J'en ai donc profité pour prendre un bon repas et me coucher tôt et je suis repartie plus tard pour passer un peu de temps avec elle au cours de l’après-midi.
J'appréhende un peu le changement de garde, comme d'habitude j'essaierai de voir le Dr Giasson aujourd'hui afin de savoir comment il envisage le transfert d’Élianne à son successeur.
4 juillet
Élianne est aux soins intermédiaires depuis samedi. Elle y est très bien.
Elle a passé un examen au scanner pour ses poumons hier, je ne connais pas le résultat, je vois moins souvent les médecins, j'essaierai d'en savoir plus aujourd'hui.
Pour l’instant, ils attendent de voir si elle peut éviter l'opération qui devra, de toute façon, se faire un jour ou l'autre. Aujourd'hui, ils vont installer son tube dans l'estomac et vendredi, refaire une autre résonance magnétique pour son cerveau.
Quant à son éveil, elle a les yeux ouverts très souvent. On ne sait pas toujours si elle est « présente » ou pas. Elle suit parfois certains mouvements des yeux. Elle bouge de plus en plus son bras droit, un peu, mais beaucoup moins celui de gauche. Elle bouge parfois sa tête et elle réagit beaucoup aux sons.
Elle manifeste beaucoup d'émotions : tristesse, pleurs, anxiété, son visage exprime tout cela de façon régulière entrecoupée de périodes calmes où elle semble se reposer. Elle répond encore peu aux commandes du personnel, genre « serre ma main », mais elle le fait plus avec nous. Il faut dire que nous lui donnons le temps, nous ne sommes pas pressés et sommes très attentifs à tout ce qu'elle fait.
Son infirmière d'hier soir, Angie (elle porte bien son nom, elle est un « ange »), m'a expliqué, car je m'en inquiétais, que pour sortir des soins intermédiaires il faut être complètement sevré du respirateur depuis au moins deux ou trois jours. Cela me laissera le temps de m'organiser, car c'est le tiers-monde ici sur les étages réguliers et j'essaierai à ce moment‑là de faire transférer Élianne dans notre coin. On verra bien.
Quant à moi, j'essaie de penser à la façon dont il faudra que je m’organise pour survivre aux prochains mois qui m'attendent et qui seront très exigeants.
Message de Charlotte, le 4 juillet
Bonjour tout le monde,
J'ai fait un rêve particulièrement frappant dans la nuit de vendredi à samedi, et sur la demande de Jo, je le partage avec vous.
J'ai rêvé qu'Élianne venait me voir, en fait ce n'était pas comme si je rêvais, mais plutôt que je savais que je dormais et que je rencontrais Élianne dans mon sommeil. Elle est venue me voir parce qu'elle voulait parler à Fabiola, ma petite fille de deux ans qui est aussi la cousine et la filleule d'Élianne, et que Fabiola ne pouvait pas l'entendre. Élianne m'a demandé de dire bonjour à Fabiola de sa part, de lui dire qu'elle pense à elle et qu'elle l'aime beaucoup.
On a ensuite commencé à parler ensemble. Elle était très réticente à parler de son état et faisait semblant que tout allait bien, puis finalement elle m'a dit qu'elle savait que tout le monde l'attendait, mais qu'elle avait peur de revenir et qu'elle avait besoin de temps. Elle semblait ne pas savoir pour sa jambe, je ne lui en ai pas parlé. Mais je lui ai parlé de ma copine qui avait passé trois mois dans le coma et de son chum qui l'a veillée et qui était avec elle tout au long de sa réhabilitation. Puis elle m'a dit qu'un gars ne pouvait pas rester avec une fille dans cet état, que c'était impossible et qu'elle croyait que Nico allait la laisser. J'ai essayé de la rassurer, mais elle s'est renfermée puis elle m'a dit qu'il était temps pour elle de rentrer, et elle est partie.
Je me suis réveillée avec une drôle d'impression, mi-inquiète, mi-rassurée. Élianne n'avait pas l'air désespérée, mais elle avait peur de ce qui s'en venait.
Ce matin-là, j'ai serré ma petite et je lui ai fait le message : « Élianne t'aime très fort et elle pense à toi, Fabi! » Et ma fille de répondre dans son langage de bébé : « Où Élianne? Où Élianne? »
Élianne est dans nos pensées à chaque instant!
Elle est si belle!
6 juillet 2007
Vous retrouvez ce matin une femme avec un peu plus d'énergie que durant la dernière semaine. Je suis moins inquiète et je commence aussi à penser à m'occuper un peu de moi, une chose, je l'avoue, bien difficile dans les circonstances.
Le commando organisé de mes amies a porté fruit et je prends quelques bonnes résolutions pour, disons les deux prochaines semaines : je me libérerai un peu de ma présence à l'hôpital, j'irai un peu plus chez-moi et je sortirai en ville, histoire de profiter un peu de mon séjour ici tant qu'à y être. En parlant d'y être, la seule chose dont je suis certaine, c'est que j'y serai longtemps...
La récupération générale d’Élianne évolue très favorablement, ses abcès aux poumons ont diminué de 30 %, si cela pouvait continuer, elle pourrait peut-être éviter l'opération. Elle est très stable côté respirateur, pulsation et TA. Ses globules blancs se maintiennent dans des valeurs acceptables et son hémoglobine (globules rouges) augmente graduellement.
Pour ce qui est de son éveil, c'est très variable et fluctuant. En général, elle est dans une période « d'émotions ». Elle démontre parfois de la tristesse (pleurs, faciès triste), de la colère (elle serre la mâchoire et prend un air fâché, nous repoussant avec son bras) et de l'anxiété. Hier cependant, elle avait des émotions positives, elle a souri et même presque rit avec ma sœur Francine et moi. Elle était toute calme et sereine en soirée hier. Elle a été très attentive lors de la venue de Laurier-Pierre, son ostéopathe préféré! Elle le suivait des yeux et a semblé apprécier le traitement, sauf quand il a bougé sa tête, elle a probablement un genre de torticolis, car sa tête est toujours à droite. Elle boude son chum! Je crois qu'elle veut tester sa limite! Toujours difficile de dire si l’on a ou pas un contact avec elle, souvent on a l'impression que oui. Ce qui est clair c'est qu'elle sourit quand je mentionne le nom de Fabiola, sa filleule!
La rencontre avec le Dʳ Albert mercredi a été très intéressante. J'étais avec ma sœur Chantale et il était très réceptif à ce que je lui disais. J'ai mis ça au clair avec lui, je lui ai dit que j'avais très bien compris les paroles du Dʳ Giasson quant aux résultats des examens au scanner et de la résonance magnétique, et les implications possibles de tout cela. Je lui ai dit que je serais capable de vivre pendant 18 mois, mettons, avec l'idée de regarder en arrière et de me dire que finalement, cela ne valait pas la peine, mais pas avec l'idée de ne pas lui donner sa chance de nous montrer jusqu'où elle peut récupérer. Comme le docteur venait de l'examiner avant la rencontre et que ma fille, en bonne « boquée » qu'elle est ne fait jamais rien quand c'est demandé par le médecin ou même souvent par les infirmières (elle le fait un peu avec nous), il disait avoir le sentiment qu'elle peut faire certaines choses, mais qu'elle ne veut pas. Il a demandé une consultation en neuropsychiatrie, j'ai rencontré le neuropsychologue et sa stagiaire et l’on a parlé d'Élianne, il va rester dans le dossier et suivre l'évolution.
Élianne passe une autre résonance magnétique aujourd'hui, ils veulent voir si l'œdème est finalement parti. Marie et Pierre ont trouvé des articles qui semblent bien intéressants sur le cerveau dans une revue française achetée à Paris, de nouvelles études depuis plus ou moins 10 ans tendent à montrer que contrairement à ce que l'on a toujours cru, le cerveau peut se régénérer. Je vais commencer la lecture aujourd'hui.
9 juillet
ELLE EST SI BELLE!!!
Hier, ils lui ont réellement lavé les cheveux, ils ont défait sa queue de cheval et elle avait ses cheveux tout propres bien étalés sur son oreiller, pendant un moment, elle était toute calme et elle m'a paru si belle. C'est elle qui me donne la force de continuer!
Comme promis, je suis allée chez‑moi samedi soir, j'étais bien jusqu'à 11 h dimanche. J'avais terminé ce que je devais faire et j'avais ben de la misère à juste « ne rien faire ». J'ai réalisé qu'être éloignée me rend plus pessimiste quant à l'avenir, hier j'étais plus « concentrée » sur le négatif que sur le positif et dès que je la vois, je m'apaise et vois les choses de façon plus optimiste. Je vais travailler ça cette semaine, pouvoir m'éloigner sans paniquer!
Renaud a téléphoné samedi et il a pu parler à sa sœur. Elle l'écoutait et quand il a eu fini, elle pleurait un peu. Élianne réagit beaucoup aux voix, je suis persuadée qu'elle nous reconnait et reconnait les gens, sa réaction est bien différente et appropriée selon qui est là. Pour les gens qu'elle connaît moins, elle fait un air de « qu'est-ce qu'elle fait là celle-là » très éloquent. Elle sourit parfois, a même rit à deux reprises (entendons-nous, elle n'émet aucun son), elle pleure souvent, elle manifeste de l'anxiété et de la colère. L'anxiété et la colère ont en commun de la faire bouger, elle bouge beaucoup son bras droit dans ces moments‑là, et le jour quand elle agrippe sa sonde urinaire qui semble la déranger beaucoup (c'est normal, c'est ben fatiguant une sonde) je ne crois pas qu'elle lui résistera. Elle ne peut pas parler, elle est pas mal prisonnière de son corps et je crois qu'elle s'inquiète de ce qu'elle pourra faire ou non avec ce corps qu'elle doit percevoir et ressentir de façon bien négative.
Depuis hier, ils font des essais, réussis ceux-là, avec le « collier trachéal », ils enlèvent complètement le respirateur et mettent une petite tente à oxygène sur sa trachée, donc, elle respire seule. Elle a fait un essai de 90 min le matin et un de deux heures le soir, cela s'est bien passé. C'est le chemin vers la libération de cette grosse machine, cela se fera graduellement. Ses globules blancs (signe d'infection) continuent de baisser ce qui est très bien, ses globules rouges (pour mieux l'oxygéner et lui donner de la force pour bouger) continuent de monter. Elle ne fait pas de température. Sa plaie à la cuisse semble bien guérir. Je lui ai mis hier soir de l'onguent aux herbes de la Clef des Champs sur ses fesses à cause des rougeurs et après une seule application j'ai vu une bonne différence (cette publicité est offerte gratuitement à mon amie Marie!!). En plus du Bio‑K+ que je lui ai fait prescrire depuis le début, le Dr Albert a accepté de lui prescrire des oméga 3, elle a donc commencé à en recevoir hier et là je vais travailler à lui faire prescrire du ginkgo biloba qui est une plante extraordinaire pour le cerveau, mais qu'il faut doser adéquatement pour elle, car cela pourrait interagir avec son héparine pour éclaircir son sang. Marie m'a remis de la documentation scientifique là-dessus et je vais la faire lire à son médecin. En parlant de médecin, changement de garde aujourd'hui, j'ai bien hâte de voir qui prendra la relève.
Résultats de la résonance magnétique pour son cerveau effectuée vendredi : c'est pas mal pareil, le petit œdème qui restait est encore là, ils pensaient qu'il diminuerait en contrôlant mieux sa pression artérielle, mais il semble que non, c'est le temps qui le fera disparaître. De plus, il y a possiblement une petite collection de liquide dans le lobe frontal droit, si elle grossit, ils iront le ponctionner.
Charlotte et la petite Fabiola arriveront demain et Élianne pourra les voir jeudi, on prendra les précautions nécessaires afin qu'un petit virus africain ne soit pas au rendez-vous! Aussi, Élianne commencera à faire de l'ergothérapie et de l'orthophonie aujourd'hui. De plus, Laurence (la fille d'Anne) qui est aussi ergothérapeute m'a offert des services supplémentaires. Elle est bien gâtée ma fille et nous aussi, merci à vous tous pour votre généreuse présence (à souligner que votre présence même seulement en pensée est un gros plus pour nous), c'est très réconfortant de vous savoir si nombreux à nous accompagner.
J'allonge un peu ce courriel en vous faisant partager un message qu'Élianne a reçu des gens du Café Cité (Café Honey) où je vais souvent.
« Bonjour Élianne,
Une pensée et un p'tit mot afin de souligner toute l'affection que nous te portons. Un p'tit café, sis en face de l'hôpital, un voisin d'en face, quoi! Tu n'as pas encore eu le temps de nous visiter, quelqu'un d'autre ayant mis le cap sur une autre destination pour toi. Ton voyage est hasardeux, ta force, elle, est plus que certaine et ton équipage est impatient de te retrouver sous de nouveaux jours. Notre mission à nous, spectateurs indignés, j'oserais dire, consiste à prendre soin de ton équipage. Aujourd'hui, si tu le veux, un soleil dans lequel nous avons mis toute notre ÉNERGIE éclairera ton étoile à jamais. Au plaisir de te voir un jour, en personne, ces yeux de feu. »
Et c'est signé Steve, Eugénie, Claudia et Delphine et accompagné d'une toile représentant une fleur-soleil avec le nom d'Élianne au centre. Je rencontre vraiment du BEAU MONDE!!!
Sorties au balcon
11 juillet 2007
Le temps passe et l'état général d'Élianne continue de s'améliorer. Elle a passé huit heures hier sans respirateur, soit deux séances de quatre heures et ça semble bien aller. Ils ont finalement enlevé le collet cervical qui maintenait sa tête depuis tout ce temps et c'est bon de voir son cou dégagé.
Elle fait de l'ergothérapie et de la physiothérapie tous les jours de la semaine. L'ergothérapeute, Myriam, a réussi à « communiquer » avec Élianne. Elle lui a montré une façon de dire oui et non avec ses yeux et d'après elle (moi, je le sais déjà) Élianne comprend tout ce qu'on lui dit. Ça fait deux jours qu'elle voit Myriam et elle a aussi réussi à lui faire faire quelques petites choses sur commande. À part ça, pendant la physiothérapie, Élianne grimace beaucoup, tout son corps étant pas mal ankylosé. Ce n'est pas drôle pour elle, plutôt paniquant de se retrouver comme ça incapable de bouger et de communiquer.
Je rencontre le médecin aujourd'hui pour ma réunion hebdomadaire et pour lui poser toutes mes questions. J'aimerais savoir s'ils vont lui repasser un scanner thoracique pour voir si les abcès aux poumons ont encore diminué et surtout savoir quand et comment va se dérouler le transfert à l'étage. Je vous en reparlerai, d'après Myriam, elle devrait avoir une chambre individuelle, car son état l’oblige, une chambre à deux lits entraînerait trop de stimulations et cela l'empêcherait de se concentrer. Je l'espère bien, car comme nous devrons être encore plus présents en raison de la piètre qualité des soins sur les étages, il nous faudra un minimum d'espace vital!
13 juillet (vendredi)
Espérons que la date ne nous portera pas malheur!!!
Il y a comme ça des journées « plus » et des journées « moins ». Mercredi était une journée « plus » et jeudi, une journée « moins ». Je parle bien sûr de l'état d'éveil d'Élianne. Mercredi, ils l'ont assise dans le fauteuil et cela changeait toute la perspective, autant pour elle que pour nous. Elle était bien présente, attentive, « communicative », et elle répondait à de petites demandes simples comme serrer la main et elle manifestait assez clairement son acquiescement en fermant ses yeux. Ils ont fait un examen au scanner de ses poumons qui montre encore une diminution de l'abcès et une très nette régression des deux autres lésions.
Petite anecdote : mercredi, après avoir fait cinq heures sans respirateur et avoir passé presque trois heures dans le fauteuil, elle était fatiguée. Cependant, quand la physiothérapeute lui a demandé si elle voulait quand même faire ses exercices, elle a eu l'air de dire « oui ». Elle grimaçait en masse durant la séance et regardait Denise, la physiothérapeute, avec un regard assez féroce. Serge, son entraîneur de vélo qui était présent, nous a dit reconnaître ce regard du genre « OK, tu me fais c____, mais je vais le faire pareil!!! »
Son amie Virginie a profité du fait qu'elle était dans le fauteuil pour finir de lui démêler les cheveux et les attacher, elle a eu l'air d'apprécier.
Le Dʳ Bellemare, que j'ai rencontré mercredi, est vraiment très gentil. Il prend le temps de voir Élianne longtemps lors de sa tournée et il passe pas mal de temps à l'observer. J'ai parlé avec lui, ainsi qu'avec le travailleur social, de mes craintes quant au transfert à l'étage, ils comprennent mes préoccupations et ils m'ont rassuré en me disant qu'ils en tiendront compte. De toute façon, le Dʳ Bellemare m'a dit que le transfert aura lieu seulement la semaine prochaine.
Elle passe des périodes de temps plus longues sans respirateur. Hier, c’était huit heures. Ce fut aussi une moins bonne journée, car elle était fatiguée après sa physiothérapie et l’examen au scanner. Elle était à jeun pour son opération visant à recoudre sa cuisse (opération qui a finalement été reportée à aujourd'hui, en fin de journée), elle était peut-être épuisée par le fait de respirer seule, toujours est-il qu'elle était plus amorphe, bougeait moins et communiquait moins.
Et le soir, elle était complètement droguée, car elle avait reçu du propofol pour une bronchoscopie afin de voir l'état de sa trachée et de changer sa canule de trachéotomie. Donc ce fut une journée moins intéressante côté éveil.
Si c'est possible ce matin, je demanderai qu'ils l'assoient encore dans le fauteuil, on verra. Hier soir, elle faisait un peu de température, mais c'était redevenu correct en début de nuit. L’infirmière m’a dit qu'elle réagissait moins que les autres nuits quand ils la tournaient, elle doit cuver encore son propofol, ça ne lui prend pas grand-chose.
16 juillet
Hier, Élianne a fait une première sortie dehors. Je ne l'ai pas vue, c'est Nico et Mylène qui l'ont amenée, mais il paraît qu’elle a apprécié et ne voulait plus rentrer. C'est du moins ce qu'elle a pu leur faire comprendre avec ses yeux. Je crois que pour elle, cela doit signifier qu'elle est « vivante »!!!
Maintenant, Élianne peut s’assoir dans le fauteuil deux fois par jour, ils la soulèvent avec un élévateur et elle s'assoit dans un genre de gros La-Z-Boy (ben cheap). Elle passe ses journées sans respirateur, avec juste de l'oxygène en plus sur sa trachéo, ils ont donc juste branché une bonbonne d'oxygène pour aller dehors et débrancher tous les fils du moniteur. Son état est suffisamment stable pour se passer de monitorage en continu. Et le Dʳ Bellemare a donné sa permission pour qu'elle puisse aller au balcon près de sa chambre pendant 20 minutes. Il paraît que la bonbonne était vide au retour, ils ne s'en sont pas aperçus et elle a donc respiré un peu de l'air ambiant ce qui a fait baisser son taux d'oxygène, mais de façon temporaire et sans conséquence. Je vais essayer de l'amener dehors plus souvent.
Son état d'éveil est généralement bon, elle a de bonnes périodes « d'absences », mais elle revient vite et elle peut se concentrer pendant quelques minutes sur quelque chose. Quand elle est dans de bonnes dispositions, on fait des exercices pour bouger ses doigts. C'est bien certain que côté mouvements, on part de très loin! Elle traverse encore une période bien émotive, elle est plus anxieuse (qui ne le serait pas) et parfois bien envahie par cette anxiété. Je crois que cette semaine, elle travaillera fort en physiothérapie et en ergothérapie.
Elle n'a toujours pas été opérée à la cuisse, c’est une vraie farce! Elle a été en attente sur le programme opératoire jeudi, vendredi et samedi. Cela signifie qu'elle n'était pas nourrie, au cas où..., et cela a eu comme conséquence que son tube de gastrostomie s'est bloqué et qu'ils ont dû le changer, sans compter qu'elle n'est déjà pas forte et qu’elle n'a pas mangé pendant trois jours. Samedi, le Dʳ Bellemare s'est fâché après le personnel de la salle d'opération et il a fait reprendre le gavage en leur disant qu'il l'arrêterait quand ils pourraient lui donner une date et une heure fixe.
Aujourd'hui, c'est le Dʳ Marsolais qui prend la relève. Je vais demander un rendez-vous avec lui dès demain, car j'appréhende pas mal le moment où ils la sortiront des soins intermédiaires, ce qui devrait arriver cette semaine quand elle aura passé au moins une période de 24 à 72 heures sans respirateur.
Je vous redonne des nouvelles au courant de la semaine, dès que les choses vont bouger un peu plus ou que j'en saurai davantage. En attendant, les consignes pour les visites restent les mêmes : aviser avant, surtout si vous voyez Élianne vous devez vous limiter à 2 ou 3 personnes, en plus de nous dans la chambre, afin de lui éviter trop d'émotions et de stimulations en même temps.
PASSEZ TOUS UNE BONNE SEMAINE, ON PENSE AUX DOIGTS ET AUX BRAS D'ÉLIANNE QUI DOIVENT RÉAPPRENDRE À OBÉIR À SON CERVEAU, ET À SES POUMONS QUI DOIVENT CONTINUER DE GUÉRIR.
19 juillet
Deux mois exactement aujourd'hui, honnêtement, je n'aurais pas pensé en être encore là! C'est bien certain que je ne peux m'empêcher de voir tous ceux et celles qui sont entrés et sortis des soins intensifs et de constater comment ils sont et de faire des comparaisons... je suis inquiète.
Je serai assez brève ce matin, les choses étant plutôt stationnaires ces jours-ci. Peu de changements cette semaine, Élianne est pas mal anxieuse et angoissée, cela semble l'habiter tout le temps et l'empêche d'avancer. Elle est toujours en sevrage du respirateur, hier elle a passé presque 24 heures sans en avoir de besoin.
Elle a été opérée à la cuisse mardi matin. Cependant, elle était pas mal enflée hier. Ils vont lui faire une échographie ce matin, probablement qu'il y a une collection de liquide (sang ou autre) à l’intérieur de sa cuisse.
J'ai rencontré le médecin qui s’occupe d’elle cette semaine, le Dʳ Marsolais. Il trouve qu'Élianne semble communiquer pas mal, quand elle le veut bien sûr, elle met parfois la switch à off! Il dit qu'il ne serait pas étonné que dans quelques semaines, avec le travail de l'ergothérapeute, elle puisse communiquer davantage. Quant à ses possibilités de récupération fonctionnelle, on ne sait pas.
Ce qu'Élianne préfère dans ses journées, ce sont les sorties au balcon en soirée. Elle apprécie vraiment et elle est généralement très calme dans ces moments-là, et par la suite aussi. Cela en vaut la peine même si c'est beaucoup de manipulations et d'installation.
Quant à moi, je suis pas mal fatiguée ce matin, car j'ai pris un coup (j'exagère un peu) dans ma chambre avec Lilly, la mère de Marie-Kim, une autre traumatisée crânienne. On a ben ri et l’on a fait du bitchage contre certaines infirmières, certaines religieuses et certains pensionnaires de la résidence!!! Je me suis couchée trop tard! Mais ça m’a fait du bien.
Je ne pense pas réécrire avant lundi, on reste en contact, prenez-soin de vous!
Encore des complications!
Message de Charlotte, le 20 juillet 2007
J'ai passé plusieurs heures avec Élianne hier. Elle a eu une journée et surtout une nuit difficiles. Sa plaie à la cuisse s'était rouverte en journée et ils ont dû l'opérer pendant la nuit, car une artère était endommagée et elle saignait. Élianne a même dû recevoir une transfusion de toute urgence, à cause d'une importante chute de pression. Jocelyne n'a pas dormi de la nuit, elle est épuisée!
Il faut donc encore penser très fort à nos deux combattantes courageuses, Élianne et Jocelyne.
Charlotte
21 juillet
Honnêtement, je ne pensais pas vous écrire avant lundi matin. Les choses se sont cependant compliquées depuis jeudi. Comme je vous l'ai dit, ils ont opéré sa cuisse mardi matin. Les médecins ne savent pas pourquoi, je me demande si c'est une conséquence de l'opération ou si cela aurait eu lieu de toute façon à cause du muscle nécrosé, je ne sais pas, toujours est-il qu'il y a eu un saignement important dans sa cuisse.
Jeudi, durant la journée, elle n'était manifestement pas bien. Sa cuisse était très enflée et l’on attendait que le radiologiste vienne faire une échographie, pour ensuite faire une ponction. Les médecins croyaient avoir affaire à une collection de sang et de liquide séreux. Élianne était visiblement inconfortable et un peu souffrante aussi, son rythme cardiaque était assez élevé toute la journée (environ 120-125). Après que j'ai insisté auprès de son infirmière, elle a daigné appeler le médecin qui a demandé au radiologiste de mettre cela à son programme le plus tôt possible. (J'en aurais long à dire sur la qualité des soins infirmiers dans ce département : elles sont jeunes, gentilles, assez compétentes pour les « techniques », mais elles semblent traiter les patients comme des numéros, du moins pour une bonne partie d'entre elles.) En fin de compte, le radiologiste n'a presque rien ponctionné, il a découvert un gros hématome et les médecins ont alors prévu d'aller en salle d'opération vendredi matin pour le retirer.
Je suis donc partie très inquiète pour ma pièce de théâtre, je vous avoue que je n'en ai pas trop profité, même si c'était assez drôle, j'étais fatiguée et je cognais des clous parfois. Au retour du théâtre, la bombe!
Durant la soirée, son pouls est monté à 150, ils étaient venus ouvrir la plaie à son chevet et cela saignait assez abondamment. Nico m'a téléphoné pour me conseiller de venir à l'hôpital, les résidents étaient avec elle. Elle avait fait une grosse chute de pression, elle était en état de choc, car elle avait trop saigné. Je trouve cela inconcevable que personne n'ait vu cela venir, cela fera partie de mes sujets de discussion avec son médecin. On a failli la perdre, cela a pris du temps avant de pouvoir installer une voie centrale et de la transfuser, son taux d'hémoglobine est passé de 99 à 68 en 2 jours.
En 24 heures, elle est retournée en salle d'opération, ils ont suturé trois petites artères. Ensuite, elle s'est fait installer un filtre dans la veine cave, car ils ont arrêté de lui administrer des anticoagulants et ils ne veulent pas qu'elle fasse une embolie pulmonaire à cause de petits caillots qui pourraient se former. Ensuite, elle est retournée passer une angiographie pour faire « emboliser » deux autres petites artères qui saignaient aussi. J'ai passé la nuit de jeudi à vendredi avec elle et je suis épuisée et inquiète.
Tout semble être maîtrisé pour l'instant. Le plus dur là-dedans, c'est l'impression qu’elle est revenue loin en arrière. Elle est faible, fatiguée et semble découragée. Je la comprends et je ne sais plus trop quoi lui dire. Il me semble qu'on commençait à trouver notre « rythme », il me semblait aussi qu'elle voulait avancer. Là, j'ai peur qu'elle se décourage devant cette nouvelle épreuve, pas question pour l'instant de petites sorties en soirée sur le balcon, qui lui faisaient tellement de bien, c'est un peu comme si l’on était une gang de menteurs à lui dire toute la semaine que tout ira bien... Je lui ai déjà expliqué ce qui se passait, mais je crois qu'elle lisait l'inquiétude sur mon visage, ses yeux sont assez parlants par moments. Je vais tenter de lui reparler aujourd'hui.
Je vous tiendrai au courant la semaine prochaine des nouveaux développements, en espérant avoir de meilleures nouvelles à vous donner.
CONTINUEZ DE PENSER TRÈS FORT À ELLE, IL SEMBLE QUE L'ON NE PEUT RIEN TENIR POUR ACQUIS ET ELLE A ENCORE BESOIN DE TOUTES VOS ÉNERGIES ET VOS PRIÈRES.
24 juillet
Le cadeau de Gilbert
Hier, c'était l'anniversaire de Gilbert et sa fille lui a fait un beau cadeau : elle l'a embrassé! Il était tellement content.
Durant la soirée, avant qu'il arrive, j'avais dit à Élianne que c'était la fête de Gilbert et qu'elle devrait s'exercer à lui donner un bec, ce que nous avons fait, je lui ai rappelé comment faire un bec avec sa bouche.
Durant la soirée, Gilbert s'est penché vers elle en lui demandant si elle voulait lui souhaiter bonne fête et elle l'a embrassé! Par la suite, elle l'a refait.
Maintenant ça va mieux. Ils ont réglé ses problèmes de saignement, j'ai vu que durant la nuit de jeudi à vendredi son hémoglobine était tombée jusqu'à 50!
Là, c'est remonté autour de 90 et c'est sur la bonne pente. Ils vont probablement la réopérer aujourd'hui pour refermer sa cuisse qu'ils ont dû rouvrir, le résident en ortho qui m'a rencontré hier m'a bien spécifié qu'elle serait étroitement surveillée, mais qu'en ce moment, ses valeurs de coagulation sont très bonnes.
Depuis que je suis là, j'ai toujours rassuré les parents qui s'inquiétaient de voir leur jeune contentionné, je leur ai toujours dit que c'était bon signe, qu'il bougeait suffisamment pour devoir être attaché. BEN, ON EN EST RENDU LÀ NOUS AUSSI : Élianne doit maintenant avoir le bras droit contentionné quand on n’est pas là, car elle le bouge assez bien et qu’elle risque d'arracher des tuyaux importants tels que ceux pour sa trachéo et son oxygène. Dans la nuit de dimanche à lundi, elle a glissé sa main dans son pansement sur sa cuisse. Elle a joué là-dedans (on parle d'une plaie ouverte) et a tiré sur les lacets qui maintenaient le tout, etc. Angie, son infirmière, l'a surprise en pleine action!
On a vraiment passé un bon week-end côté infirmière, on a eu Nathalie le jour et Angie le soir, elles sont super. Malheureusement, elles ont droit à des congés et l’on change aujourd'hui. Le nouveau médecin pour cette semaine est un inconnu pour moi (un des derniers) : le Dʳ De Rico. Il est vraiment gentil et je n'ai entendu que de bons commentaires à son égard, il semble être aimé par tous et il paraît qu'il est très bon. Je l'ai rencontré hier, je l'ai trouvé très respectueux d'attendre qu'Élianne ait fini avec l'ergothérapeute avant d'aller la voir, de considérer que ce temps était important pour elle.
Élianne respire maintenant sans respirateur depuis plus de 48 heures et cela se passe bien. Le dernier scan thoracique a montré une disparition presque complète de l'abcès au poumon. J'ai pas mal d'autres questions à poser à son médecin, je le rencontre officiellement aujourd'hui (mon rendez‑vous de la semaine).
Quant à moi, j'ai profité d'une soirée de congé dimanche soir pour me baigner au lac Doré et manger, en compagnie d'amis, un super jarret d'agneau et boire du bon vin. Cela m'a fait du bien.
J'essaierai de vous donner des nouvelles vendredi, je sais que plusieurs d’entre vous s’apprêtent à partir pour aller à Cape Cod et j'espère que vous pourrez y aller l'esprit en paix.
Je vous embrasse et l’on ne lâche pas!
C'est dur de la voir souffrir
27 juillet 2007
BONJOUR TOUT LE MONDE,
Je me fais plus rare ces temps-ci et c'est plutôt bon signe dans les circonstances, tout est assez tranquille après les montagnes russes de la semaine dernière. Élianne récupère bien à la suite de sa nouvelle opération (sa cuisse a été refermée mardi) et son hémoglobine est remontée à 100. Le Dʳ Rico cherche à diminuer sa médication : elle n'a plus de cathéter fémoral, juste un petit CCIP (cathéter central inséré par voie périphérique ) au cas où, car elle ne reçoit plus rien d'intraveineux pour l'instant. Il devra décider bientôt ce qu’il va faire concernant l'anticoagulothéraphie, qui a été cessée pour la salle d'opération, et je crois qu'elle recevra du Coumadin. Il a cessé les antibiotiques, le dernier scan pour son poumon montrant une nette régression de l'abcès. Depuis qu'il les a arrêtés, elle fait de la température, mais les médecins surveillent cela de près et ils ont fait des prélèvements. Elle respire maintenant seule, le respirateur a même disparu du paysage (sa chambre).
Côté « humeur », Élianne est vraiment passée par toutes sortes de phases : des pleurs au début, de l'anxiété et de la colère par la suite. Depuis deux jours, elle est plus amorphe, sans doute l'effet de la montée de sa température, elle bouge moins, même son bras droit qui était pourtant plus vigoureux. Cependant, depuis hier, elle manifeste clairement ses besoins : elle répond toujours en faisant oui ou non avec sa tête ou ses yeux pour dire si, par exemple, elle veut qu'on lui brosse les cheveux, écouter de la musique, etc. Alors on lui demande avant de faire quelque chose. Elle répond aussi bien maintenant au personnel. Elle aime bien aller dehors, elle ne veut pas rentrer, mais malheureusement la bonbonne d'oxygène ne dure qu'une grosse heure, je crois qu'on va apprendre à la changer et en apporter une deuxième!!! Elle préfère aussi être dans le fauteuil plutôt que dans le lit.
Je sais qu'ils envisagent de changer sa trachéo pour une plus petite avec laquelle elle pourrait émettre des sons, on verra bien ce que cela donnera, il se peut cependant qu'elle doive réapprendre à parler. Elle a bien travaillé mercredi avec l'ergothérapeute et la revoit aujourd'hui. Elle fait aussi un peu de physiothérapie.
Je crois qu'elle sera prête bientôt pour une autre étape, c'est-à-dire le début de sa réadaptation. Je sais que ce sera très long, elle bouge tellement peu et c'est pas mal épeurant de ne pas savoir ce qu'elle pourra ou non récupérer. Je demeure très inquiète, mais je veux rester optimiste. Je continue de trouver cela tellement injuste, j'ai de la peine pour elle quand je pense à tout ce qu'elle était, à tout ce qu'elle voulait faire, etc.
C'est dur de la voir souffrir ainsi.
Je suppose que l’on déménagera au 5 ͤ étage au courant de la semaine prochaine, j'essaie de me faire à l’idée d’accepter ce que l’on y trouvera. Ces jours-ci, je cherche à « organiser » l’horaire des visiteurs, car je crois surtout que durant la journée, il faut avoir une certaine régularité parmi les gens qui s'impliquent avec elle et qui peuvent la faire avancer ou s'occuper de ses soins de base. Durant la soirée, on laisse ça un peu plus ouvert pour les visites. J'espère qu'au 5 ͤ il y aura aussi une place pour sortir dehors.
Pour ce qui est de moi, j'essaie de me ressourcer un peu, j'ai mangé au resto avec mes amies mercredi, des tapas chez Tapéo, c'était super bon et l’on a passé une belle soirée. Je vais quitter les religieuses pour le week-end, samedi on a un party de famille chez ma sœur Francine et dimanche, j'irai chez‑moi. Je visiterai Élianne le jour et d'autres prendront la relève, entre autres notre merveilleux Nico ainsi que Claudine et Michel.
Je sais que plusieurs d’entre vous partent ce week-end pour Cape Cod, vous allez me manquer bien sûr, mais le temps passe finalement tellement vite que je sais que je vous retrouverai très bientôt. Ce qui va me manquer beaucoup : ne pas vous accompagner et partager ces moments extraordinaires que l’on peut vivre là-bas, sur ces plages magnifiques, et la mer, et le soleil, et votre compagnie. PROFITEZ-EN BIEN!!! Je vous souhaite de très bonnes vacances.
Je vous donne des nouvelles à tous dans le courant de la semaine prochaine.
En attendant, profitez bien tous de ces moments de soleil et de chaleur.
De : Jacinthe Blais
Envoyé : 27 juillet 2007 07:10
À : 'Jocelyne Parent'
Sujet : Re: Récupération
Bonjour Jocelyne,
Merci d'être si fidèle à nous faire partager ton quotidien, tes expériences, tes espoirs et inquiétudes.
Même si loin, j'ai parfois l'impression d'être avec vous dans la chambre.
J'aimerais pouvoir te rassurer... te dire qu'Élianne a une capacité de récupération formidable... je ne peux que te parler de ce que je connais.
J'ai vu un jour une photo qu'un interne trimballait dans sa poche à l'hôpital. Un « cas » qu'il aimait présenter à tous ceux qu’il rencontrait. À première vue, il s'agissait d'un cadavre noirci aux moignons sanguinolents. Une photo assez répugnante vraiment.
C'était moi. Photo prise sur la table d'opération juste après la double amputation de mes jambes.
Si tu veux que je te parle de ma rage du début où j'engueulais les ergothérapeutes parce que les ustensiles qu'elles avaient « arrangés » (enveloppé les manches avec de la mousse) pour que je puisse les tenir avec mes doigts fusionnés ne « fonctionnaient » pas... De la première fois où j'ai enfin réussi à déféquer, qui a marqué le commencement de la fin de mes maux de ventre..., je le ferai avec plaisir. Tu n'as qu'à demander.
Mais mon expérience de vie n'est pas la tienne, n'est pas celle d'Élianne. On ne peut rien comparer.
Seulement... quand j'ai lu « c'est pas mal épeurant de ne pas savoir ce qu'elle pourra ou non récupérer », je voulais te rassurer : on peut partir de loin, très très loin, avoir un long chemin à faire... et y arriver. Et dans mon cas, j'avais passé 40 ans.
Je t'aime et prie pour vous,
Jacinthe
31 juillet
J'espère que vous profitez bien des belles journées que nous avons. Il me semble que je serais bien sur le bord de ma piscine, mais comme je le dis souvent à Élianne, ce n'est pas cette année que je vais « pogner » un mélanome!
Après quelques jours de presque mutisme, où Élianne refusait de nous répondre, elle s'est mise hier à communiquer davantage. Elle répond toujours par des signes de oui ou non quand on lui parle et même si parfois cela paraît un peu confus, ça fait du bien de la voir s'intéresser à ce qui l'entoure, et de nous répondre ainsi qu'au personnel.
Pendant la visite de Fabiola, 2 ans, sa cousine et filleule, elle a ri de la voir grimacer et a même presque tenté de l'imiter. Elle souriait parfois lorsqu’elle la regardait faire la folle. Elle a aussi ri quand je lui ai demandé si elle voulait que je « ferme ma gueule » et que j'ai ri moi-même devant sa réponse positive! J'avoue que cela me manque pas mal de me faire envoyer promener par ma grande fille!
Elle semble vouloir commencer à imiter des sons avec sa bouche.
En soirée, elle a pas mal interagi avec Nico, Mylène et Vivi. Elle a donné plein de becs à Nico (il était pas mal content) et a ri avec Mylène et Vivi. J'espère que cette bonne humeur se poursuivra aujourd'hui.
Côté infection des poumons, elle fait toujours un peu de température et elle a pas mal de sécrétions, mais ça ne semble pas être trop pire. Ils devaient repartir l'héparine pour éclaircir son sang hier, mais en soirée on a remarqué du sang frais sur son pansement à la cuisse. Je crois que la physiothérapeute l'a fait trop bouger. Ils ont décidé d'attendre à aujourd'hui pour ne pas prendre de risque de saignement et je vais demander au médecin de clarifier les choses avec la physiothérapeute (ce qu'elle peut faire ou non), car c’est la troisième fois qu'il y a des saignements après la physiothérapie. L'infirmière a refait un pansement propre et l’on a fait une marque sur le pansement quand cela coulait un peu. Pour ne pas courir de risque (j'ai été traumatisée l'autre fois), j'ai mesuré sa cuisse à trois endroits afin d'être certaine qu'il n'y ait pas un saignement occulte à l'intérieur. Ça semblait être correct en fin de soirée, on verra aujourd'hui.
Je rencontre aujourd'hui le Dʳ Albert, qui est de nouveau notre médecin. Je vais m'ennuyer du Dʳ Rico qui était si gentil, je n'avais jamais besoin de courir après lui, il venait spontanément me faire part de ses remarques au sujet d'Élianne. Le Dʳ Albert est gentil aussi, mais plus superficiel et nonchalant. Je rencontre aussi la neuropsychiatre qui va s'occuper d'Élianne, car dans un traumatisme comme le sien, le côté psychologique est très important.
Je vous redonne des nouvelles vers la fin de la semaine.
À bientôt tout le monde,
xxx Jocelyne
Jusqu'où peut-elle s'améliorer?
3 août 2007
Une autre semaine passée aux soins intermédiaires finalement. Le transfert s'en vient, mais l'infection aux poumons d'Élianne empêche, pour l'instant, ce transfert que j'en suis rendue à souhaiter, car il sera signe de changements et d'évolution.
Élianne a de nouveau changé d'antibiotiques, ses sécrétions pulmonaires sont très abondantes et épaisses, elle doit donc être aspirée régulièrement même si elle réussit à les tousser assez souvent hors de son tube de trachéo. Ils ont mis une trachéo plus petite et métallique, c'est, paraît-il, plus confortable.
Elle continue de vouloir répondre et communiquer, ses réponses sont toujours assez confuses et il est évident qu'elle a de très grosses pertes de mémoire, autant à long terme qu'à court terme. Elle ne se rappelle pas très bien d'une heure à l'autre qui était là ou ce qu'elle a fait, ayant perdu beaucoup de souvenirs du passé. Aussi, elle n'a plus aucune notion du temps, les jours de la semaine, les mois, les saisons, etc. Je lui ai expliqué que sa mémoire était pleine de petits tiroirs et que certains sont vides, qu'il faudra les remplir! Cela devrait s'améliorer, mais jusqu'où… c’est la grande question. Elle semble avoir une bonne mémoire des gens puisqu’elle reconnaît le monde.
Elle bouge de plus en plus son bras droit, par contre elle semble vouloir oublier le gauche puisqu'il répond moins bien. Un peu plus de tonus aussi dans la jambe gauche, elle bouge un peu son pied et ses orteils et elle est capable de pousser dans notre main avec son pied quand on fait le mouvement de pédale. La jambe droite (celle qui a été opérée) ne bouge pas encore. Côté saignement, ça va bien, ils ont reparti l'héparine et tout est correct. Ils vont enlever le filtre de sa veine cave aujourd'hui ou en début de semaine. Ils vont retourner voir aussi dans sa gorge si ses cordes vocales ont de l'espace pour bouger à côté du tube de trachéo, car ils ont essayé de boucher la trachéo et aucun son ne sortait. Le médecin s'attend à ce que sa gorge soit encore très irritée.
Comme nous allons bientôt changer de place et de rythme, je vais aussi changer la fréquence de mes courriels, le temps passera plus lentement maintenant et les progrès se feront sans doute très graduellement. Je vous écrirai donc, à moins d'imprévu ou d'événements spéciaux, une fois par semaine seulement et vous ferai part de l'évolution d'Élianne.
8 août
Heureusement qu'il y a les bonnes journées pour nous encourager et nous redonner de l'espoir! Hier était une journée fantastique!
D'abord, Élianne avait passé une bonne nuit. Elle avait bien dormi, était de bonne humeur et elle voulait beaucoup collaborer. Elle a passé du temps avec l'ergothérapeute qui utilise le super calendrier fabriqué par son amie Mylène pour essayer de lui redonner quelques notions du temps. Elle était ensuite dans de bonnes dispositions, acceptant ses soins, elle était aussi d'accord pour faire des exercices et essayer de bouger son bras « paresseux » (le gauche).
Son frère Renaud a téléphoné de la Colombie-Britannique et lui a parlé quelques minutes. Elle l'écoutait et quand il a eu fini, elle lui a fait « bye-bye » avec sa main et a donné des becs dans le téléphone, c'était beau à voir.
Après tout ça, on a eu la visite‑surprise de Marie-Christine, une jeune fille de 20 ans, qui a subi un traumatisme crânien il y a sept mois et qui est maintenant en réadaptation. Depuis le début, les infirmières me parlent de cette jeune fille comme d’un modèle d'espoir pour Élianne, car elle était elle aussi très gravement atteinte et a passé plus ou moins cinq mois à l'hôpital. Ma sœur Francine et moi on a jasé avec Marie-Christine et ses parents et c'était vraiment émouvant et encourageant. Les médecins l'avaient condamnée et maintenant elle parle, commence à marcher, sort avec ses amis, va chez elle les week-ends, etc. On a présenté Marie-Christine à Élianne et malgré le fait qu'elle ne s'en souviendra plus, je crois que ça lui a redonné de l'espoir à elle aussi.
En après-midi, surprise, le bon Dʳ Bernard (c'est sa semaine) est venu enlever la trachéo. Élianne était, je crois, très contente et elle a bien accepté qu'il le fasse. Il lui a expliqué ce qu’il allait faire et elle n'a pas bronché pendant « l'opération », fort simple, qui consistait à tirer tout simplement sur le tuyau et à le retirer. Elle respire très bien toute seule et juste le fait de ne plus avoir ça la soulage grandement et lui montre qu'elle est moins malade. Elle était tellement écœurée de se faire aspirer les sécrétions et ça affectait beaucoup son moral.
L'orthophoniste a commencé à faire des tests avec elle, elle lui a fait goûter de la purée hier, elle semble aimer pas mal cela et m'a dit avoir hâte de commencer à manger. Ils vont faire avant des tests de déglutition. Pour l'instant, Élianne refuse d'essayer de faire des sons, on verra bien quand elle se décidera ce qu'elle pourra ou non faire. Elle bouge de mieux en mieux son bras droit, peu son gauche, en fait, les doigts seulement. Elle commence à bouger un peu ses deux jambes. Elle a perdu environ 30 livres!!!
Le transfert à l'étage se fera d'ici 24 à 28 heures. Ma provision d'Ativan est prête! Sans blague, je vais essayer de ne pas pogner les nerfs trop vite quand je verrai dans quel « trou » on va se ramasser, je vais faire une femme de moi et essayer de m'adapter! Et si c'est trop pire, on demandera une chambre individuelle. Ce qui pourrait nous aider, c'est que la neuropsychiatre a demandé de diminuer les stimuli pour Élianne, elle trouve qu'il ne faut pas qu'elle en fasse trop, qu'il faut lui donner de bonnes pauses entre les visites et les autres activités, et qu’elle doit être dans un environnement calme.
Alors on se réorganise bientôt, une autre étape, très importante, arrive.
9 août
Je n'ai pas pu m'empêcher de vous faire part des bonnes nouvelles d'hier.
Élianne n'a plus d'héparine ni de soluté, on va pouvoir commencer à lui mettre autre chose que des jaquettes d'hôpital et il y aura peut-être de la place dans son lit pour un grand corps de 6'2"!
Elle est rendue depuis hier soir au 5e D, pour l'instant dans une chambre (très correcte) pour deux personnes, mais le Dʳ Bernard lui a prescrit une chambre individuelle et elle devrait en avoir une bientôt, en fait elle en avait une, mais ils en ont eu besoin pour un patient instable.
Elle semblait contente de son changement, elle comprend que là on est sur l'étage pour « bouger ». Elle ne semblait pas inquiète qu'on la laisse seule, au contraire, on était avec elle Claudine, Michel et moi et elle nous faisait « bye-bye » avec sa main pour nous dire de partir! Son infirmière étant en pause, j'attends de savoir si elle a bien dormi.
Et la grosse nouvelle c'est qu'elle peut lire : elle a lu les chiffres dans mon sudoku et ensuite les jours de la semaine sur son calendrier. Elle prononce des mots avec sa bouche, mais elle ne peut pas encore faire de son, sa gorge est probablement trop irritée. Elle est cependant de plus en plus motivée à communiquer. Elle était de très bonne humeur hier, riait aux blagues et souriait. Un peu triste ou inquiète par moments, mais très peu.
Les D Marsolais et Bernard se disputaient hier après-midi pour savoir qui aurait son bec le premier! Le tout était de savoir qui s'était occupé d’elle le premier, Marsolais étant de garde durant la première semaine, mais Bernard étant en vacances et étant venu tous les jours aider son chum Verdant, ils ne se sont pas mis d'accord! Le Dʳ Verdant, ayant eu vent des bonnes nouvelles, est venu mettre les choses au clair, c'est bien sûr lui qui aura le premier bec d'Élianne quand elle se sentira mieux. C'est leur récompense pour toutes les nuits qu'ils ont passées à son chevet. Ils n'ont jamais eu un si gros cas!
Là, on se réorganise dans notre nouvelle vie au 5 ͤ étage, on me dit que le personnel est super. Je vous reparle prochainement, probablement juste la semaine prochaine.
15 août
Finalement, même si à ce stade les choses évoluent très lentement, le temps passe très vite.
Élianne est maintenant bien installée dans sa chambre individuelle, chambre pour laquelle j'ai dû me battre pour finir par l'avoir. Cela devient épuisant d'avoir à toujours « demander » et « réclamer » pour avoir ce dont on a besoin.
Elle évolue assez bien. Elle n'est pas encore capable de faire des sons, l'examen fait par l'ORL lundi nous a confirmé que ses cordes vocales fonctionnent bien donc elle pourra en faire prochainement ce qui sera bien pour elle et nous, car pour l'instant on lit sur ses lèvres et souvent avec beaucoup de difficultés ce qui engendre des frustrations.
Pour l'instant, elle a vraiment des comportements de traumatisés crâniens : elle se répète souvent, quand elle part sur une idée genre « j'ai mal au dos », elle peut le répéter sans cesse toute la journée. Il faut dire qu'elle a sûrement mal partout à force d’être couchée ainsi depuis trois mois. Elle cherche aussi continuellement notre attention. En fait pour l'instant, elle agit comme une enfant, elle semble aussi avoir les capacités de réflexion d'une enfant. On me dit que c'est normal pour le moment et j'essaie de ne pas trop m'en faire même si bien sûr mon inquiétude (et celle de Gilbert et de Nico) est qu’elle demeure dans cet état par la suite.
Elle doit être évaluée, aujourd'hui je crois, pour voir si elle peut commencer à manger, pour l'instant elle prend de l'eau avec l’embout en mousse bleu du petit bâtonnet pour les soins buccaux. Elle le trempe elle-même dans un verre d'eau et y va à cœur joie, elle veut boire et manger, j'espère que les tests seront concluants et qu'elle pourra le faire. Elle se brosse les dents elle-même maintenant.
Physiquement cela évolue bien. Après sa première séance de physiothérapie au local spécialisé hier, séance de 15 min, j'ai remarqué une grosse différence, elle bouge tout le haut de son corps et assise au fauteuil prend appui sur ses pieds pour soulever son dos ou ses fesses. De plus, elle se tourne un peu de côté. Le côté gauche est ben paresseux cependant, le bras surtout. Je suis assez confiante là-dessus.
Côté mémoire : un gros deux minutes, c'est sa mémoire à court terme pour l'instant, elle oublie tout au fur et à mesure. Elle travaillera cela en ergothérapie, c'est déjà commencé. Chaque jour, on travaille sur la date du jour.
Depuis qu'elle a changé d'étage, je suis pas mal occupée, car je reste avec elle du matin au soir sans interruption, je relaxe quand elle est partie en physiothérapie, ergothérapie, etc. ou quand elle fait sa sieste en fin d'après-midi. Le personnel est généralement gentil, on attend cependant beaucoup après les préposés, car ils sont peu nombreux pour le grand nombre de patients. On fait le maximum nous-mêmes, Gilbert la lève à bout de bras au lieu d'attendre le personnel avec le lève‑personne.
La semaine prochaine je lâche les sœurs, sans beaucoup de regret, de toute façon je ne suis pas tellement souvent ici, je déjeune et je reviens pour me coucher. J'irai plus chez‑moi et je crécherai chez Alberte, la mère de Paule, les autres jours.
J'ai annulé l'inscription d'Élianne au cégep avec beaucoup de peine, ne sachant pas si elle pourra ou non y retourner un jour...
Je vous embrasse tous, et vous redonne des nouvelles probablement juste la semaine prochaine.
xxx Jocelyne
Cette année, c’est Élianne le miracle!
22 août 2007
Je suis arrivée chez les sœurs le 22 mai, j'en repartirai demain, soit le 23. Trois longs mois! Je vais dorénavant me promener entre chez-moi et chez Alberte, la mère de mon amie Paule. D'ailleurs, le temps que je m'organise côté ordinateur, il se peut que je prenne mes messages seulement tous les trois ou quatre jours, donc patience pour les réponses et ceux qui veulent s'annoncer comme visiteurs sont mieux de le faire par mon cellulaire.
Élianne évolue lentement, elle est un peu retardée dans sa réadaptation par un mal de dos lancinant et pénible depuis vendredi dernier. Elle a terriblement mal au bas du dos, dans la région lombaire et sacrée, et comme le début de cette douleur correspond avec la journée où ils l'ont assise dans un fauteuil roulant pour aller passer un examen, je me demande s'il y a un lien. Ce qui est clair c'est qu'elle ne supporte plus d'être assise, que ce soit dans son fauteuil ou dans son lit, elle est mieux complètement couchée. Cela a pris du temps avant qu'ils la soulagent et c'était bien difficile pour moi de la voir se tordre de douleur plusieurs fois par jour. Elle prend de la morphine (5 mg) et elle est à peine soulagée par moments. Ce qui est plate aussi avec ça, c'est que cela retarde ses traitements. Depuis ce temps, elle n'a pas pu faire de physiothérapie et c'est un cercle vicieux, car elle aurait besoin de bouger plus.
Elle a commencé à manger : purées et liquides épaissis. Elle apprécie même la bouffe d'hôpital!!! Elle a surtout très soif et demande souvent (très souvent) à boire. Ils devraient enlever son tube de gastrostomie la semaine prochaine, quand elle s’alimentera suffisamment.
Elle recommence à avoir un filet de voix, on comprend mieux ce qu'elle dit.
Hier, elle a parlé à son frère au téléphone et il a bien entendu « Allo Renaud ».
Côté mémoire, c'est assez épeurant, on en est toujours à un gros deux minutes pour le court terme et elle a toujours peu de souvenirs de son passé.
Elle a ben du fun quand ses chums de filles viennent la voir, hier avec Mylène et Vivi, elles se sont lancé la balle et ont bien rigolé. Dans ces moments-là, elle oublie sa douleur et s'amuse, et c'est très réconfortant pour moi. Elle chantait des chansons avec Vivi, d'ailleurs, elle se rappelle des paroles des chansons.
J'ai bien confiance que si son problème de dos peut se régler, elle pourra continuer à évoluer et à nous montrer ce dont elle est capable. Je demeure bien sûr très inquiète quant au futur, on ne sait tellement pas comment cela ira. Et ces jours-ci, la peine et la colère m'ont rattrapé, je réalise que je m'ennuie de ma fille, de celle qui aurait dû être là cet été avec nous, de celle qu'elle était. En passant, Sandra Diotte, la conductrice irresponsable, responsable de l’état d’Élianne, est sortie de Tanguay hier et a été envoyée au Portage, en désintox. Elle doit comparaître pour sa sentence le 3 décembre.
Je vous souhaite à tous une bonne semaine et vous demande de continuer à nous envoyer toutes vos bonnes pensées et prières.
28 août
C'est la date du jour, celle qu'Élianne devra s'exercer à mémoriser toute la journée... et depuis hier, elle y arrive. On a été LUNDI hier, toute la journée, et au mois d'AOÛT et en 2007!!! Petit pas... grande victoire!!!
Depuis quelques jours, il y a une nette amélioration, surtout côté mémoire et réflexions « profondes ». Serge, tu es correct, hier elle m'a nommé le nom de son coach! Elle m'a sorti, comme ça, nos numéros de cellulaires et notre adresse (notre numéro de téléphone, elle l'avait déjà dit la semaine dernière), elle s'est rappelé une bonne partie de la soirée le numéro de Nico, car elle voulait l'appeler, elle a parlé au téléphone avec Virginie « c'est mon amie pis je l'aime » pour savoir quand elle venait la voir. Son discours est assez limité et redondant (elle fait encore, mais moins, de la persévération), elle pose beaucoup de questions sur l'accident, elle dit que la madame qui les a frappées est méchante, conne et qu’elle mérite la prison. Elle dit qu'elle veut lui parler pour le lui dire! Quand elle ne sait pas quoi répondre, par exemple si on lui demande si elle aime les bananes, elle dit « ça doit », « sûrement », « j'imagine », c'était assez drôle de la voir converser avec la technicienne en nutrition qui s'informait de ses goûts et préférences alimentaires.
La semaine dernière, elle faisait très « enfant », là, elle fait un peu plus vieille, genre « ado » et son patois favori est « cool » et « good ». C'est très encourageant. Elle ne se sent pas malade, elle se demande continuellement pourquoi elle est là, elle a hâte de marcher, mais elle pense cependant qu'elle peut le faire alors il faudra se méfier qu'elle n'essaie pas de se lever. Hier, quand je lui ai dit que c'était bientôt ma fête et qu'elle devra m'acheter un cadeau, elle m'a dit qu'elle m'achèterait un livre, car j'aime beaucoup lire!!! Aussi, quand Gilbert lui a dit qu'elle avait 18 ans, elle a eu beaucoup de difficulté à croire cela, et qu'elle pouvait aller prendre une bière dans un bar, elle a dit « on y va »!
Hier, on a rencontré toute l'équipe (ergothérapeute, physiothérapeute, orthophoniste, travailleur social et neuropsychiatre), Gilbert, Nico et moi on a été surpris : ils envisagent le transfert à l’Hôpital juif de réadaptation, à Laval, d'ici un mois, si tout continue comme cela. Eux aussi n'en reviennent pas des progrès depuis seulement quelques jours étant donné le temps perdu avec son mal de dos. Du personnel de l’Hôpital juif de réadaptation va venir l'évaluer vendredi après-midi pour donner ses objectifs à l'équipe.
Pour l’instant, le maudit mal de dos est chose du passé. Premièrement, après sa grosse crise de mercredi, ils ont fini par changer sa médication, le Supeudol est plus efficace pour elle, et Laurier-Pierre, son ostéopathe préféré, est venu la traiter jeudi. J'ai insisté pour qu'elle reste couchée entre les jours de jeudi et samedi, la douleur étant dans le bas et plus intense en position assise. Là, elle prend seulement du Supeudol deux fois par jour et c'est beaucoup moins intense. Dimanche, elle a pu recommencer à se lever dans le fauteuil et hier on est allé dehors et elle a pu aller au local de physiothérapie en après-midi. Hier, Ginny, sa chienne, est revenue la voir.
Avec elle, hier soir, je suis allée me promener aux soins intensifs et aux soins intermédiaires. Les infirmières n'en reviennent pas de la voir : elles disent qu'il y a généralement un miracle par année et que cette année,
C'EST ELLE!!!
Il va être le temps pour nous de quitter cet endroit, ils ont changé mes croustilles préférées de place dans la machine et hier soir j'ai failli me faire avoir en pitonnant C6 alors que mes croustilles étaient maintenant à C8!!! Je suis censée rencontrer l'aide-infirmière cette semaine pour faire un plan thérapeutique, mais au rythme où vont les choses avec elle, Élianne risque d'être sortie avant que cela ne se fasse.
En tout cas, mon moral est meilleur cette semaine. J'essaie de continuer à prendre des pauses quand j'ai du monde pour me remplacer et je vais commencer aussi à la laisser seule davantage, cela fait partie du plan prescrit par ses thérapeutes, genre une ou deux heures à la fois durant la journée. Cependant, je ne me risquerais pas de soir étant donné le manque flagrant de services et de compétences sur ce quart de travail.
Je vous redonne des nouvelles la semaine prochaine, bonne semaine à vous tous. On envoie toute notre énergie à sa mémoire qui doit se remplir, remplir tous les petits tiroirs vides, et à son cerveau qui doit réapprendre à faire des liens, des associations, à réfléchir, à avoir du jugement, alouette!!!
31 août
Yes, yes, yes, depuis mercredi soir, elle s'est mise à l'anglais. C'était tellement drôle que je ne peux m'empêcher de vous écrire pour vous partager ces bons moments. Elle s'est mise à parler anglais mercredi soir et elle l'a fait toute la soirée, elle était toute contente. Ne vous en faites pas, elle n'a pas oublié son français pour autant, c'est juste un plus à des bribes de mémoire qui lui reviennent.
Et je dois ajouter que c'est fait, elle m'a envoyé promener (chier serait plus exact) et traiter de conne, ce que j’espérais depuis plusieurs semaines! Je dois dire que cela augure des moments sûrement difficiles que nous aurons à vivre durant les prochaines semaines. Élianne vivra son lot (plus que son lot en fait) de frustrations et l’on risque d'en faire les frais. Elle ressent chaque jour, depuis cette semaine, des moments de grande tristesse, elle dit que sa vie est poche, que tout va mal, qu'elle ne peut pas marcher et qu’elle ne se souvient plus de rien. En soi, c'est positif, signe d'une conscience qui émerge. Il nous reste à espérer que cela ne prendra pas toute la place et qu'elle pourra canaliser son énergie pour sa réadaptation.
Au fait, du personnel de l’Hôpital juif de réadaptation vient l'évaluer cet après-midi et j'espère avoir de bonnes nouvelles, il semble qu'il pourrait peut-être la mettre dans la même chambre que Marie-Christine, la jeune fille dont je vous ai parlé et que nous avons de nouveau rencontrée hier avec ses parents. Le lit à côté de Marie-Christine est vacant et ses parents ont refusé qu'ils mettent un homme à côté d'elle, les traumatisés crâniens ayant parfois des problèmes de comportements, ils ont refusé qu'elle soit seule la nuit avec un inconnu et le lit est donc vide. Il paraît que les intervenants ont dit qu'ils avaient une jeune fille en vue pour le combler, ils pensent peut-être à Élianne, car le travailleur social de l’Hôpital du Sacré-Cœur a eu l'impression qu'ils voulaient la transférer assez vite. On verra bien, j'aime mieux ne pas me faire trop d'idées, car je sais que cela pourrait être plus long que ce que je souhaiterais, j'ai au moins appris une chose, je ne peux pas faire trop de plans ces temps-ci!
Autre bon moment à vous partager : hier soir, Élianne était au balcon avec ses chums de filles, Vivi, Mylène, Marie-Andrée et Chloé. Le soleil se couchait, la lumière était belle. Élianne était assise dans son fauteuil, les quatre autres debout alentour d’elle et elles pratiquaient les exercices bucco-faciaux demandés par l'orthophoniste. C'était beau à voir et à entendre, les cinq qui faisaient des A et des O, et des grimaces! Elles sont bien bonnes pour l'aider à faire ses exercices, je leur laisse la tâche, car elles ont bien du plaisir! Comme plusieurs sont au Collège de Bois-de-Boulogne, elles viennent régulièrement et ce sont toujours de bons moments pour Élianne.
Côté mémoire, Élianne en gagne chaque jour un peu plus. Depuis deux jours, elle se rappelle pendant cinq à dix minutes qui est venu. Puisqu’avant c'était deux minutes, c'est un gros plus. Son mal de dos est intermittent, plus présent certains jours et ces moments sont donc plus pénibles. Elle a aussi une infection à sa plaie sur la cuisse, il y a un écoulement par une petite ouverture qui restait, elle reprend des antibiotiques et j'espère que cela va s'arranger et ne se compliquera pas davantage. Je suis rendue pas mal craintive face aux complications. En physiothérapie, ils ont commencé à travailler son tronc, hier elle a fait un exercice debout, penchée sur un gros ballon et la physiothérapeute était bien contente d'elle, car elle a été capable de redresser son dos facilement.
Aujourd'hui, j'espère pouvoir lui montrer des photos sur son portable. Je me suis modernisée et procuré une clé USB sur laquelle je pense avoir correctement transféré des fichiers de photos qui aideront sûrement Élianne à retrouver sa mémoire. Si vous entendez un grand cri en provenance de l’Hôpital du Sacré-Cœur, vous saurez que je me suis royalement plantée.
7 septembre
Je vous néglige pas mal, mais dites-vous que je suis bien (beaucoup) occupée.
Les journées sont longues même si elles passent très très vite.
Élianne poursuit son évolution, lentement mais sûrement. Elle se dirige vers ses nouveaux quartiers, elle devrait être transférée à l’Hôpital juif de réadaptation, à Laval, la semaine prochaine si tout va bien. Depuis hier, elle n'a plus aucun tube après elle, ils ont enlevé sa gastrostomie, cela a été vite fait lorsque je leur ai dit que je le ferais moi-même s'il le fallait!!!
Elle fait pas mal d'ergothérapie et il y a une grosse job à faire! La mémoire est vraiment atteinte et elle travaille cela ainsi que la reconnaissance des choses. Elle reconnaît les objets en réalité, mais pas les images. Par exemple, elle ne peut distinguer une montre d'un chat sur des photos et des images, mais cela aussi est variable, cela s'appelle des gnosies. Elle fait de l'héminégligence, ce qui est à gauche est souvent ignoré, ce sera aussi à travailler.
Elle passe de durs moments ces jours-ci, elle est de plus en plus consciente de son état et elle a un gros deuil à faire. Elle pleure pas mal et est parfois découragée, elle dit qu'elle n'a pas mérité cela et je suis bien d'accord avec elle. On essaie de la soutenir du mieux que l'on peut et de lui faire voir tous les progrès réalisés jusqu'ici. Le retour de son frère l'aide beaucoup (eh oui, il a mis fin à son projet plus tôt que prévu), elle aime beaucoup le voir et elle s'ennuie quand on est absents, car elle ne se rappelle pas qu'on y a été quelques heures avant.
Je pense que le transfert l'aidera, car elle sera dans un environnement différent, elle dit ne plus avoir rien à faire à l'hôpital, car elle n'est pas malade!!! À l’Hôpital juif de réadaptation, il y a d'autres jeunes et c'est une place « pour travailler » et cela l'encouragera sûrement. Elle pourra bientôt aussi venir passer les week-ends à la maison, ce qui l'aidera sûrement beaucoup côté mémoire, et nous donnera l'occasion de passer du temps ensemble à la maison sans avoir à faire le voyagement.
Je passe présentement de trois à quatre jours par semaine en ville et je n'ai alors pas accès à un ordinateur, alors soyez patients pour les réponses et téléphonez-moi s'il y a une urgence.
Pour votre info, j'ai rencontré un journaliste de la radio de Radio-Canada, ils font une émission spéciale sur le coma dimanche, c'est entre 12 h 15 et 14 h, Les Années lumière, au 95,1, et sur Internet aussi. J'espère que je n'ai pas dit trop de niaiseries, mais il devrait y avoir un petit bout de l'entrevue que j'ai faite avec Robert Lamarche. Et ma sœur Francine sera aux Francs-Tireurs mercredi prochain sur le sujet de la pénurie d'infirmières. On devient de grandes vedettes!!!
Je vous redonne des nouvelles après le transfert et merci à vous tous de continuer à nous accompagner.
L'été de tes 18 ans
10 septembre 2007
Bonjour tout le monde,
Je m'empresse de vous écrire ce matin, car je serai en ville toute la semaine et donc « incommunicado » par courriel.
Élianne est bien contente, elle part en réadaptation mercredi matin à la première heure. Donc, on prépare son déménagement. L'aide‑infirmière-chef se presse d’obtenir le congé des 18!!! spécialistes qu'elle a vus.
Elle a été pas mal down ces derniers jours, écœurée de l'hôpital. Là, comme elle sait que le départ en réadaptation s'en vient, elle est plus encouragée et de bonne humeur. Elle a hâte de « travailler » et trouve que les personnes ne font plus rien pour elle à l’Hôpital du Sacré-Cœur!
Elle s'améliore de jour en jour, retrouve quelques souvenirs, peut retenir quelques petites choses et fait vraiment des réflexions intéressantes. Hier, elle a écouté avec moi l'émission sur le coma et quand le Dʳ Giguère parlait des conditions qui aident les traumatisés crâniens, elle lui a répondu : moi, je suis intelligente, en forme et jeune! Elle a même dit qu'en plus elle était une fille! Il faudrait voir s'il y a des études à ce sujet, s'il y a des différences entre les hommes et les femmes.
D'ailleurs, si vous avez manqué l'émission, elle est disponible sur Internet à Radio-Canada, radio, première chaîne, voir l’émission Les années lumières. On y parle quand même pas mal d'Élianne et elle était bien contente d'entendre son nom à la radio. En plus, elle m'a dit que j'étais bonne!
J'ai aussi écrit à La Presse, je voulais faire concurrence à ma sœur Francine (celle qui se promène en France à l'heure actuelle), une lettre intitulée « L'été de tes 18 ans » et qui devrait paraître dans La Presse de dimanche prochain (section Forum) ou celle d'un autre dimanche.
Alors je vous redonne des nouvelles la semaine prochaine, je vous dirai comment ça se passe en réadaptation.
Pensez bien fort à elle cette semaine, que le transfert se fasse de façon harmonieuse pour elle.
À bientôt,
xxx Jocelyne
L’ÉTÉ DE TES 18 ANS
Le 17 mai dernier, tu as eu 18 ans. Ce matin-là, à l’émission « C’est bien meilleur le matin », la chanson des aurores était pour toi. C’était « Un dimanche à Bamako » en souvenir de notre voyage au Mali en janvier. Un beau voyage mère-fille, une occasion en or de rapprochement et de découvertes communes, de beaux moments passés ensemble. Ce 17 mai, tu m’as dit « maman, ça me fait tout drôle, je suis une adulte maintenant ». Une adulte, tu l’auras été deux jours seulement…
Mon pire cauchemar de mère s’est réalisé quand, dans la nuit, deux policiers se sont présentés à notre porte. Tu as été victime d’un grave accident d’automobile, fauchée par une conductrice multirécidiviste en état d’ébriété, à l’entrée du Bourbon à Ste-Adèle. Tu fêtais tes 18 ans, tu avais soupé avec tes copines et sortais prendre un verre avant de retrouver ton amoureux. La vie normale d’une fille de 18 ans!
L’été 2007 devait être ton premier été de jeune femme, entre deux années de cégep, un été fait de sorties, de sports, de plein air, de travail, de vacances avec ton Nico. Ton été s’est passé sur un lit d’hôpital, branchée, gavée, respirant avec une machine. Ton grand corps malade… Tu es toute maigrichonne, mais tes grands yeux sont toujours aussi beaux. Ils le sont pour ton Nico qui te voit encore comme avant, son Élianne, la femme de sa vie. Tous les jours il est présent, fidèle au poste.
Tu es son avenir, il te veut, il t’attend. Il est incroyable, tu l’as bien choisi.
Tu as subi un traumatisme crânien très grave, tu étais dans un coma profond à ton arrivée. Tu as séjourné six semaines aux soins intensifs de l’Hôpital du Sacré-Cœur où tu as fait complication sur complication, un séjour en « montagnes russes » où ta survie a été souvent menacée. Tes bons médecins ont sorti toutes leurs machines et ont passé bien des nuits blanches à ton chevet. Tu as ensuite passé un autre cinq semaines aux soins intermédiaires, tu as survécu, ce qui en soit démontre bien cette grande force qui t’habite. Tu vis maintenant à l’étage des soins neurologiques en attendant ton transfert prochain en réadaptation.
Les séquelles d’un si grave traumatisme peuvent être très importantes. Elles nous font peur. Je sais que tu n’aurais pas voulu d’une vie de dépendance, toi qui cherchais tant à gagner ton autonomie. Depuis le début, tu nous as montré combien tu es forte, très forte, mais j’ai quand même peur que d’autres forces le soient plus que toi. Très peu auraient survécu jusqu’ici à l’importance de tes blessures et aux complications qui ont suivi.
Maintenant, tu récupères lentement mais sûrement. Tu dois tout réapprendre. Tu as déjà surpris tes médecins, ces extraordinaires intensivistes de l’Hôpital du Sacré-Cœur. Le chemin vers ta nouvelle vie sera long et semé d’embûches. La destination demeure inconnue… Nous avons choisi de regarder en avant, de garder l’espoir. Certes, nous ne retrouverons jamais celle que tu étais, du moins, pas exactement. Nous espérons seulement que celle que tu seras dans un an pourra reprendre sa vie laissée en suspens en cette soirée du 19 mai.
Ta chambre est comme tu l’avais laissée, j’ai seulement défait ton sac à dos. Notre chienne, Ginny, a dû être rasée, faute d’avoir quelqu’un pour la brosser, la litière des chats n’est pas changée très souvent, les plates-bandes fleuries sont envahies de mauvaises herbes, personne ne se baigne dans la piscine, notre maison est abandonnée… et t’attend aussi.
Pour l’instant, tu vis entourée de notre amour, de celui de Nico, de Renaud ton frère, de nos familles, de tes amis et des nôtres. Tout ce beau monde est encore et toujours présent après tout ce temps, tout ce beau monde est avec toi pour t’aimer et te soutenir, et nous aider à t’accompagner dans la longue réadaptation qui t’attend.
Reviens-nous ma belle fille, ma petite poupoune chérie.
Jocelyne
Val-David, 8 septembre 2007

Le début de la réadaptation
15 septembre 2007
Bonjour tout le monde,
C'est par un petit samedi matin pluvieux que je vous écris. J'espère que le temps se clairera un peu tantôt, car j'ai l'intention d'aller au marché de Val-David pour la première fois cette année. Je veux acheter de bonnes choses à manger pour Élianne, elle est tannée de la bouffe d'hôpital et comme elle mange des consistances molles (ils appellent ça molle no. 3!!!) c'est plus facile de lui cuisiner quelque chose.
Le transfert à l'Hôpital juif de réadaptation, à Laval, a eu lieu. Elle est dans la section des TCC (pour traumatisés cranio‑cérébraux) et le personnel semble vraiment compétent, gentil, attentif et présent!!! Elle a tellement hâte de bouger qu'elle vit des frustrations en constatant qu'elle ne fait pas des choses 24 h/24! Elle ne réalise pas sa fatigue, mais cela se voit à l'œil nu!!! De plus, jeudi c'était congé, fête juive oblige. Elle a donc eu de la physiothérapie et de l’ergothérapie hier, et congé jusqu'à lundi et la semaine prochaine. Elle a déjà un horaire assez rempli, tout devrait bien se passer.
Déjà, on se sent plus dans une vie normale, ils visent beaucoup qu’elle devienne autonome et qu’elle puisse faire une journée ordinaire. Par conséquent, le matin ils la coachent pour qu'elle mange seule et lui demandent toujours ce dont elle a besoin pour aller à la douche. Elle est de plus en plus assise dans le fauteuil, elle a maintenant un petit fauteuil roulant et l’on peut donc se déplacer facilement à l'extérieur, à la cafétéria, etc.
C’est un gros changement comparativement au 5e D de l’Hôpital du Sacré‑Cœur, quand on sonne, cela ne prend pas cinq minutes avant que quelqu'un arrive. Finalement on ne demande pas grand-chose, juste de l'aide pour les transferts de la chaise au lit. Fini le lève‑personne, elle est maintenant levée « en pivot » et ils ont commencé à lui montrer comment s'aider lors des transferts. On devrait pouvoir espacer nos présences d'ici quelques semaines. Et elle devrait pouvoir venir à la maison les week-ends dès la fin septembre, la travailleuse sociale va s’occuper d’organiser cela.
Grosse coïncidence, son médecin, le Dʳ Steverman, est le premier chum de ma belle-sœur Charlotte et les deux ont été bien surpris de se rencontrer là vendredi midi! C'est avec lui qu'elle a été à son bal de finissant et ce gars adore le village de Val-David, il y loue une maison avec sa femme et son fils chaque été dans la Montée du 2e rang. Il est très gentil et demande notre avis en tenant compte du fait que l'on connaît bien l'histoire d'Élianne.
Charlotte repart aujourd'hui avec les enfants rejoindre Yves à Bamako, ils vont me manquer jusqu'à Noël. Élianne a beaucoup apprécié la visite de sa filleule hier, elle est très fière d'être une marraine et Fabiola était moins craintive avec elle, la petite a même poussé le fauteuil d'Élianne et elle a aussi fait un tour de chaise sur ses genoux.
Élianne retrouve de plus en plus la mémoire, elle se souvient de certains noms dont on n'a pas parlé depuis longtemps. Monsieur Rigal : elle se souvient du théâtre, il sera bientôt temps de venir lui montrer le film de sa prestation dans Panique à Longueuil, d'ailleurs, elle dit qu'elle veut être actrice!
C'est sûr qu'Élianne vit et vivra des émotions intenses en réadaptation, la prise de conscience de ses limites est et sera difficile, mais elle veut beaucoup et elle est prête à travailler. C'est quand même épeurant tout ce qu'elle doit réapprendre. Mon amie Nicole, du CLSC, compare cela à une nouvelle naissance, une grossesse de neuf à douze mois avant l'accouchement de la nouvelle Élianne, je pense que c'est une bonne façon d'envisager cela. Chose certaine, une nouvelle page est tournée.
Merci de rester aussi attentif et intéressé par les nouvelles d'Élianne, vos messages me touchent beaucoup et je les lis toujours avec joie, même si je réponds peu faute de temps.
23 septembre
Il paraît que l'automne arrive aujourd'hui, laissez-moi vous dire que j'apprécie la chaleur des derniers jours de l'été et que je ne suis pas du tout prête, ni psychologiquement ni pratiquement parlant, pour des jours plus froids. J'apprécie encore mes jupes courtes et mes sandales et je n'ai pas vraiment hâte de troquer tout cela pour des pantalons, des bas et des souliers. Surtout que comme je me promène encore pas mal entre Montréal et Val-David, cela me complique la vie de devoir m'adapter à des températures différentes d'une journée à l'autre et de traîner du linge pour toutes les circonstances. Je ferai avec bien sûr, comme avec tout le reste...

Élianne est bien installée dans sa nouvelle vie. Pour l'instant, elle est toujours dans sa chambre seule, le 480, elle partagera éventuellement le 479 avec Marie-Christine. Je dois encore être bien présente avec elle, mais d'ici deux à trois semaines je crois que je pourrai la laisser le matin et qu'ils s'en occuperont bien.
Elle est bien occupée, ses journées comportent généralement au moins deux, mais aussi souvent trois ou même quatre thérapies, soit l’orthophonie, l’ergothérapie, la physiothérapie et l’éducation spécialisée. Elle a rencontré toutes ses intervenantes et avec Annie, l'éducatrice, elles font des photos des intervenantes pour afficher sur son mur, histoire de faire quelques petits rappels à sa mémoire.
En physiothérapie, elle fait toutes sortes d'exercices, mais elle est particulièrement fière de faire du vélo stationnaire. Elle a tenu à faire une photo pour son coach Serge et quand elle réussit à avancer seule avec son fauteuil (elle se déplace un peu avec ses pieds), elle est toute fière et dit qu'elle veut montrer cela à Serge!
La déception des premiers jours à cause du congé juif est passée, c'était assez drôle, car lundi dernier, lors du retour au travail, elle demandait à toutes ses intervenantes ou aux préposés s'ils étaient juifs, car « ici on est chez les juifs et ils sont toujours en congé ». Cependant, elle trouve quand même qu'elle ne travaille pas encore assez et que le temps est parfois long. Elle a beaucoup de difficulté à s'arrêter et l'équipe a décidé d’inclure des périodes de repos obligatoires entre les traitements, afin qu'elle puisse s'allonger et relaxer un peu. Elle réussit à le faire en écoutant de la musique.
L'équipe nous a fixé une première rencontre officielle le 11 octobre, c'est là qu'ils nous donneront les objectifs pour les trois prochains mois et qu’ils nous parleront de leur évaluation concernant Élianne. Jusqu’à maintenant, je sais qu'elle a quelques problèmes de concentration, mais cela s'améliore et ils réussissent bien à travailler avec elle. Elle fait des progrès de jour en jour et quand je me sens plus inquiète lorsque je pense à l'avenir, je n'ai qu'à la regarder aller et je la trouve extraordinaire, et cela me rassure. Je sais que je dois apprendre à lui faire confiance, jusqu’ici elle nous a déjà prouvé qu’elle pouvait en faire beaucoup.
Deux choses sont très positives chez elle, elle a encore une très grande conscience de son identité : qui elle est, ce qu'elle aime, ses valeurs, etc. Et il paraît que chez les traumatisés crâniens, c'est souvent un aspect très difficile de ne plus savoir qui ils sont. Pour elle, cela ne pose pas vraiment de problèmes et l'autre chose, c'est qu'elle est encore capable d'empathie, de ressentir de l'intérêt pour les sentiments et les émotions des autres et cet aspect aussi est souvent très affecté.
Comme elle trouve parfois le temps long en soirée, on participe aux activités récréatives du centre. Jusqu'à présent, on a joué au bingo (et gagné quelques prix) et assisté à une soirée de musique et de danse... assez mémorable!
Prochain gros changement, à partir du week-end prochain, elle viendra passer tous ses week-ends à la maison, elle a hâte et nous aussi. On doit s'organiser en ce sens et l'ergothérapeute est venue faire une visite de la maison pour voir les adaptations à faire et les équipements à se procurer. Je vous en redonne des nouvelles.
Avant de terminer, je tiens à remercier les membres du Club de Vélo de Montagne de Val-David qui ont si généreusement contribué à la collecte de fonds organisée par Serge. Vous pouvez être certains que ces $ seront utilisés à bon escient. Jusqu’à présent, j'ai engagé une personne pour me remplacer deux après-midi par semaine auprès d'elle.
Je vous souhaite à tous une bonne semaine.
xxx Jocelyne
Premier week-end à la maison pour Élianne!!!
1 octobre 2007
Bonjour tout le monde,
Et oui, voilà, c'est fait, Élianne a passé le week-end avec nous à Val-David. Quel bonheur! Malgré quelques appréhensions, tout s'est bien passé. Et même si elle ne reconnaissait pas de façon formelle les lieux, elle semblait bien à l'aise, semblait avoir une bonne conscience de l’environnement, semblait bien s’orienter. On aurait dit qu'elle avait toujours été ici, c'était bon de la retrouver et, en fait, de se retrouver toute la famille ensemble. Renaud était présent et Nico aussi bien sûr.
On a tout aménagé au rez‑de‑chaussée : lit dans le salon, barrière devant l'escalier du sous‑sol, etc. Elle peut se déplacer avec son fauteuil roulant partout au rez‑de‑chaussée et même sur le balcon, ce dont elle a bien profité samedi, elle a même pris un petit coup de soleil sur les joues! Dimanche, Gilbert a fait un feu sur le bord du bois et Nico a roulé Élianne jusque-là. Gilbert et Nico ont un projet de fabrication de véhicule tout-terrain pour pouvoir l'amener dans la forêt, son élément naturel, elle aime tellement la nature.
On a mangé ensemble pendant tout le week-end, et juste de se retrouver tous autour de la table était une expérience magique. Merci à nos anges cuisinières!!! On se rappelle, Gilbert et moi, une conversation qu'on a eue en août où l’on se disait que si l’on pouvait être tous ensemble à Noël on serait les plus heureux du monde. Et bien, c'est fait, et beaucoup plus tôt que ce que l'on avait espéré à ce moment-là. Je pense profiter du week-end prochain pour nous réunir tous autour d'un bon souper, car la blonde de Renaud, Cynthia, sera dans le coin.
Élianne envisage déjà de faire un « party » pour voir tous ses amis. Elle a beaucoup aimé son expérience. Elle était heureuse de se retrouver chez‑elle et, contrairement à ce que l'on craignait, était aussi heureuse de rentrer au centre où « elle pourra travailler très fort ». Je crois que de venir ici l'a encore plus motivée et lui a donné de l'énergie pour poursuivre sa longue réadaptation.
Je vous le dis, elle était tellement belle dimanche matin au lever, bien appuyé sur son chum pour un déjeuner au lit! Elle s'est fait faire des mèches rouges et blondes et l’on a pu remettre ses boucles d'oreilles et ses boucles de sourcils pour ses deux perçages, car les trous étaient encore là.
Pour ce qui est de ses progrès, elle contrôle de mieux en mieux son dos, ce qui est un facteur important pour améliorer le reste. C'est une bonne progression. Son bras gauche est toujours aussi « poche », ce sont ses propres mots, et elle voudrait l'oublier totalement, je sais qu'ils vont travailler cela dans un proche avenir. Les transferts se font toujours, et pour un bon bout de temps encore, avec de l'aide, mais cela s'améliore aussi tranquillement, et la préposée me disait pouvoir maintenant l'amener seule avec elle à la douche, car elle est capable de mieux se tenir debout.
Elle a de plus en plus de concentration, on a pu écouter un film samedi soir Les Boys 1 tous ensemble sans qu'elle parle tout le long, et elle suivait bien les dialogues. Comme elle dit, c'était un film de gars!!! La mémoire reste un gros point à améliorer, autant à court, à moyen et à long terme, cela se fera probablement tranquillement et très graduellement, pour l'instant cela reste épeurant. Gros problème aussi de reconnaissance des visages et de perception pour certaines images, mais pas toutes, on dirait que c’est différent selon les catégories d'objets.
Sa santé générale s'améliore, elle a eu un rhume et l'équipe du centre avait peur que cela se transforme en une pneumonie étant donné son lourd passé à ce sujet à l’Hôpital du Sacré-Cœur, elle a vu un pneumologue et elle le reverra cette semaine, mais je crois que c'est correct. Elle est retournée deux fois à cet hôpital, pour des consultations en ORL et en plastie, et tout était correct. On en a profité pour visiter le personnel des soins intensifs et intermédiaires, et pour rencontrer trois médecins qui la connaissent et ils étaient bouche bée devant elle. Ils n'en revenaient pas de la voir ainsi, beaucoup mieux que ce qu'ils avaient pu espérer. On a aussi profité de la visite de vendredi pour aller dire un petit coucou à Steve et à Eugénie du Café Cité, ils avaient tellement entendu parler d'elle (par moi bien sûr), mais ils ne l'avaient jamais vue, ils étaient pas mal émus.
Maintenant, une nouvelle vie commence, Élianne viendra à la maison tous les week-ends, pour l'instant en transport adapté par minibus. Cela nous permettra de passer du temps ensemble et de retrouver notre poupoune chérie.
Encore une fois, merci à vous tous de garder le contact et de vous intéresser à la vie d'Élianne. Je vous redonne des nouvelles dans un proche avenir.

9 octobre
On s'installe tranquillement dans une certaine (j'ose à peine écrire le mot ayant été pas mal échaudée) « routine » et j'avoue que c'est ce dont j'ai pas mal besoin, juste reprendre une vie qui ressemble un peu à la normalité. Juste dormir plus souvent chez moi, aller moi-même faire l'épicerie ou quelques courses, juste avoir un horaire un peu routinier sans avoir à me réorganiser chaque semaine!
Élianne a passé le long week-end avec nous. Elle est beaucoup plus calme quand elle est à la maison, moins hyper stimulée probablement. Samedi soir, on a fait notre souper de famille, Élianne et Nico, Renaud et Cynthia étaient là et vraiment Élianne était pas mal semblable à elle-même. C'était un très bon moment pour mon cœur de mère!!!
Samedi matin, juste avant le départ du centre, un petit incident est venu quelque peu nous troubler. Élianne est tombée de son fauteuil roulant, heureusement sans conséquence. Elle a voulu se mettre une cassette vidéo et elle s'est penchée. Quand elle s'est sentie partir, elle dit avoir pensé à tenir sa tête pour ne pas la cogner, car elle ne veut pas « retourner dans le coma »!!! Ensuite, elle est restée calmement étendue sur le plancher en attendant que quelqu'un vienne la ramasser. Ils étaient inquiets au centre étant donné l'anticoagulothérapie, mais tout a été correct et elle a pu venir à la maison comme prévu.
Ce qui est positif c'est qu'elle s'en souvient encore, elle retrouve vraiment de plus en plus sa mémoire à court terme même si cela reste une bonne problématique, ainsi que pour sa mémoire à long terme, peu de souvenirs lui restent. Élianne dit que l'avantage de cette situation c'est que plein de choses qu'elle a déjà faites seront comme une deuxième première fois pour elle!!! Elle a tenu à goûter (tremper ses lèvres pour être plus juste) dans un peu de vin blanc et de vin rouge, elle sait qu'elle ne peut prendre aucun alcool avec son Coumadin.
On rencontre l'équipe de thérapeutes jeudi et j'ai bien hâte qu'ils nous fassent part de leur évaluation et de leurs objectifs pour les trois prochains mois. Jusqu'ici, je trouve qu'ils sont très attentifs à nos besoins et à nos demandes, je pense qu'ils sont très conscients de ce que l'on a vécu depuis bientôt cinq mois. Même le médecin nous avise systématiquement quand il pense faire un changement de médicament, il demande mon avis. Il est très gentil le Dr Steverman, dimanche, Élianne devait avoir un contrôle RIN pour son Coumadin, le CLSC est venu le faire, et il m'avait tout simplement donné son numéro de cellulaire pour que je lui donne le résultat afin de pouvoir ajuster les doses de Coumadin et de Lovenox (un anticoagulant par injection sous-cutanée que je lui fais dans la bedaine). Comme on est à l'hôpital juif, il m'a dit que cette façon de faire n'était pas trop « kasher », mais beaucoup plus simple!!!
Mercredi, on rencontre la chirurgienne thoracique de l’Hôpital du Sacré‑Cœur. On en saura plus sur le fameux abcès au poumon gauche qui est toujours présent, car Élianne a fait une petite pneumonie il y a deux semaines. De plus, aux rayons X ils ont vu que l'abcès était encore là et qu'il s'était rempli de pus. Pour l'instant, tout est rentré dans l'ordre (elle a encore pris des antibiotiques), mais je me demande comment cela se réglera à long terme.
Donc, pour les prochaines semaines, on s'installera tranquillement dans un rythme plus régulier, Élianne viendra à la maison du vendredi après‑midi au dimanche soir et je pense pouvoir être moins présente au centre. Je pense couper une bonne partie des matinées, la laisser à ses thérapies et la retrouver pour son repas du midi, et le reste de la journée et de la soirée. Élianne dit maintenant aimer autant ses semaines, car elle travaille, et ses week-ends, car elle s'amuse! D'ailleurs, samedi elle a organisé un party avec l'aide de Nico, ils ont invité des amis et ils se sont bien amusés. Au menu : pizza et crudités, ils ont bien ri, ils étaient une dizaine, ils ont même dansé, Élianne était bien contente de danser un slow avec son chum (il la tenait debout) et de se faire aller même dans son fauteuil roulant.
À bientôt,
xxx Jocelyne
Cinq mois depuis l'accident
18 octobre 2007
Bonjour tout le monde,
Aujourd'hui, le 18 octobre, c'est l'anniversaire de naissance de Claire Breault-Parent, ma mère. Elle aurait eu 75 ans. Claire nous a quittés en janvier 2005 et en regardant l'autre jour avec Élianne le CD que l'on a fait à sa mémoire, je réalisais que de perdre ma fille deux ans plus tard aurait été vraiment de trop.
En mai 2005, quelques mois après le décès de Claire, Élianne était dans une mauvaise passe et j'avais demandé à maman, que je sentais encore bien présente autour de nous, de m'aider. Quelques jours après ma demande, Élianne a rencontré Nico. J'ai toujours dit à Élianne que c'est grand-maman Claire qui lui a envoyé son amoureux, je le pense encore plus aujourd'hui à la lumière des derniers événements.
Avec mes sœurs, ce soir, nous irons souper en sa mémoire.

Claire Breault-Parent entourée de ses petits-enfants, Élianne à sa droite (gauche sur la photo)
Vous trouverez peut-être que je vous néglige, mon dernier message datant déjà de plusieurs jours. Tout ça finalement est bien positif, c'est signe que le temps passe plus lentement et que l'évolution se fait de façon constante, mais bien tranquillement.
Nous nous installons dans une certaine routine, Élianne passe la semaine au centre, elle a un horaire de thérapies assez chargé (jamais assez à son goût, mais elle discerne difficilement sa fatigue) et elle vient à la maison du vendredi après-midi au dimanche soir. Pour l'instant, c'est encore le transport adapté qui l'amène, on pourra probablement la transporter en voiture d'ici deux à trois semaines.
Les week-ends passent vite, samedi dernier on a eu un bon souper avec la famille Bégin. Élianne qui voit encore Thomas comme un ti-cul de plus ou moins 10 ans était tout étonnée de le voir si grand (vous savez bien comment ça pousse les gars de 15 ans) et elle était bien contente du petit concert privé de guitare qu'il nous a fait.
Je vous signale tout de suite que je vais prochainement mourir de chaleur chez‑moi. Élianne est pas mal frileuse, donc on chauffe, ce qui est très incompatible avec mes hormones de bonne femme!!!
Nous avons eu la réunion avec l'équipe de thérapeutes, ils nous ont fait part de leurs objectifs pour les trois prochains mois. Il faut s'attendre à ce que la réadaptation soit longue, mais tout semble progresser de façon normale. Élianne a un meilleur tonus du tronc, elle est moins toute croche quand elle est assise. Elle déplace son fauteuil roulant avec ses pieds et parfois aussi avec sa main droite, mais c'est plus difficile de tout coordonner. Elle peut se tenir assise sur le bord de son lit quelques minutes et participe de mieux en mieux à ses transferts, elle commence à mieux utiliser sa jambe droite pour les pivots et un peu sa jambe gauche. Elle commence à pouvoir lever son bras gauche un peu plus même s'il demeure surtout inutilisable pour l'instant, il faut la forcer à ne pas l'oublier (héminégligence). En physiothérapie, ils la font marcher entre les barres parallèles à l'aide de deux personnes, et elle était toute fière d'avoir fait la longueur au complet hier. Elle travaille aussi sa mémoire, ses perceptions, son élocution, sa capacité à faire elle-même ses soins, etc.
Son moral est meilleur, à part de petites périodes de tristesse, elle est plutôt positive. Je réalise que je suis en période de sevrage de ma fille. Cela fera exactement cinq mois demain que l'accident s'est produit et ça fait seulement un mois que j'ai cessé de téléphoner le matin pour savoir si elle a passé une bonne nuit. J'appelle aussi moins souvent quand ce n'est pas moi qui suis avec elle. Pour la première fois cette semaine, je sens que j'aurai un peu plus de temps. On est en train de s'installer une routine, je passe le lundi et le mercredi soir avec elle, Gilbert et Renaud font le mardi et Nico le jeudi. Ce qui fait que je pourrai dormir chez‑moi du jeudi au dimanche et passer seulement trois nuits à Montréal ou à Laval. Aussi, le jour, je me rends au centre plus tard le matin, souvent seulement vers 11 h, car elle est assez occupée et peut maintenant passer 30 à 45 minutes seule. Il faut dire que tout ce qu'elle peut faire par elle-même pour l'instant pour se distraire est la télé. Et Nico est en sevrage de sa belle-mère!!! Pour la première fois cette semaine, on aura passé 48 heures sans se voir, lui arrivant au centre après mon départ!
Autre chose intéressante à l’Hôpital juif de réadaptation, ils ont une maison de transition juste en face où habitent les traumatisés avant leur retour à la maison, et l'éducatrice a commencé à y amener Élianne pour dîner à l'occasion. Cela lui permet de voir d'autres jeunes (la moyenne d'âge y étant plus jeune qu'au centre) et de réaliser qu'elle n'est pas seule dans sa situation, elle a même trouvé pire, Guillaume qui est devenu aveugle à la suite de son trauma.
Nous avons un fantasme familial : de petites vacances dans le sud en mars! Si jamais quelqu'un a une suggestion à me faire? Je pensais à un voyage de deux semaines dans un tout inclus (formule que je ne privilégie pas normalement), histoire de ne RIEN faire. Il faudrait bien sûr que ce soit un complexe d'une certaine classe, donc pas trop cheap, où l’on mange bien et où l’on n'est pas obligé de sortir à 7 h le matin pour réserver des chaises à la piscine ou à la plage. On veut y aller avec Élianne et Nico, peut-être Renaud (et Cynthia?) s'ils ont des sous pour contribuer. Je cherche un endroit à plus ou moins trois heures d'avion, il faut penser qu'à ce moment-là Élianne se déplacera probablement encore en fauteuil roulant pour les longues distances. Élianne aimerait un pays où elle n'a jamais été, peut-être la République dominicaine, mais pas à Puerto Plata que je trouve ben laid. Il faudrait aussi que la mer ne soit pas trop agitée, car Élianne ne sera sûrement pas aussi bonne nageuse que ce qu'elle était. Ce pourrait aussi être Cuba ou la Jamaïque, ou un autre pays. Est-ce que quelqu'un connaît les nouveaux tout inclus dans la ville de Samana, en République dominicaine? Je sais que c'est très beau là‑bas, nous y avons été Gilbert et moi il y a plus de 20 ans déjà puisque c'est là que Renaud a été conçu!
À bientôt,
xxx Jocelyne
Réapprendre les mots
29 octobre 2007
Le temps passe plus vite maintenant. Cette semaine, j'ai réalisé que cela faisait maintenant six semaines qu'Élianne est en réadaptation et combien le temps avait passé vite comparativement aux cinq « maudites » semaines passées au 5 ͤ D de l’Hôpital du Sacré-Cœur. On vit beaucoup moins de frustrations envers le personnel. Il faut dire qu'Élianne nécessite de moins en moins de soins.
Ce matin, il fait -7°C chez moi, et malheureusement, j'ai dû mettre une paire de bas samedi dernier! Je crois aussi que je devrai faire de même aujourd'hui, je m'y résous difficilement, on a eu nos premiers flocons hier.
Mais je vous avertis, je ne range pas définitivement mes sandales et puis comme mes manteaux d'hiver ont passé l'été sur ma sécheuse en attendant d'être rangés, ils ne seront pas longs à sortir, peut-être un peu poussiéreux!
Élianne fait continuellement des progrès et de façon très graduelle. Elle s'exprime de mieux en mieux et travaille beaucoup en orthophonie afin de replacer les mots et les choses dans sa tête : pouvoir associer les choses entre elles (catégories), les reconnaître et les nommer. Elle réapprend le temps : année, mois, semaines, jours, saisons, heures, etc. Ce week-end, elle pouvait reconnaître cinq fruits et légumes : ananas, banane, pomme, tomate et avocat. Cela peut sembler banal, mais c'était impossible pour elle il y a deux semaines.
Elle commence à reconnaître certaines personnes, celles qu'elle voit le plus souvent. Sa mémoire à court terme s'améliore, mais très très lentement. Elle se souvient des choses qui l'ont marquée, comme le spectacle de guitare de Thomas, sa conversation avec son amie Roxanne où elle a appris qui était la prof qu'elle n'aimait pas à Sherbrooke, son essai avec la marchette, etc.
En physiothérapie, ce qu'elle préfère, elle fait du vélo stationnaire de façon régulière : de cinq à six minutes. Elle marche avec l'aide d'une personne entre les barres parallèles et avec l'aide de deux personnes sans les barres. Elle a même fait l'essai d'une marchette, et cela se poursuivra. Elle peut lever davantage son bras gauche, mais de façon générale il est encore peu utilisable, elle n'a aucun contrôle sur ses doigts pour prendre des objets par exemple.

Avec la physiothérapeute et l'ergothérapeute, Gilbert a pratiqué le transfert dans mon auto et il commencera à aller chercher Éliane lui-même dès le week-end du 10 novembre. Cela nous permettra de pouvoir sortir avec elle et de réaliser bien sûr, par le fait même, combien d'endroits sont inaccessibles pour les fauteuils roulants!!! Nico en a profité pour l'installer aussi dans sa voiture dimanche et ils sont allés faire un tour de char dans le rang, inutile de vous dire que je lui ai recommandé d'être bien prudent!!! La vignette de stationnement pour personnes handicapées est commandée, j'espère pouvoir la mettre aux poubelles un jour...
Aussi, ce week-end Gilbert a pris Élianne dans ses bras et l'a montée dans sa chambre. Elle y a passé beaucoup de temps à regarder toutes ses petites choses, ses bibelots (Élianne, c'est Miss bébelles!), sa collection de roches, ses affiches, ses cossins, ses traîneries. Elle ne s’en souvenait pas trop, mais elle était heureuse de voir tout cela. Elle y retournera sans doute chaque week-end, car cela lui a bien plu.
Je fais des recherches pour nos vacances, j'en suis à penser à Varadero, à Cuba. Ils ont un meilleur système de santé, au cas où, et la fille de mon amie Nicole est agente à destination là-bas pour la compagnie Tours Mont-Royal et elle y vit avec son mari cubain, donc une bonne référence pour nous. J'attends de ses nouvelles.
Je commence à avoir un peu de temps pour moi, mon ami Richard sera content : ma pile de La Presse non lue diminue, j'en suis rendue au week-end de l'accident d'Élianne!!! Dès qu'on aura plus de temps, on organisera une soirée « Tupperware » afin que chacun et chacune puissent retrouver les plats apportés avec les repas offerts, notre armoire déborde!
Je vous souhaite à tous une bonne semaine, je vous redonne des nouvelles et continue de me réjouir de savoir que toute votre gang pense à Élianne.
Premières règles, nouveau courriel
12 novembre 2007
Décidément, on est dans les anniversaires, deux mois aujourd'hui qu'Élianne est en réadaptation. Le chemin est long, les progrès au rendez-vous, mais tout se fait très tranquillement. Parlant d'anniversaire, le 19 novembre prochain, nous soulignerons les six mois de l'accident... Comme on a dit, on n’a pas de raison de « fêter », mais bien de se rappeler ce triste jour. Donc lundi prochain, Élianne fera sa première sortie au restaurant avec tout nous autres, plus son amie Vivi, pour cette soirée bien spéciale.
Bien des choses se sont passées depuis mon dernier message : pour la première fois, j'ai passé 24 h sans voir ma fille. Comme je lui disais, c'était un peu comme un sevrage, pour elle et pour moi. Inutile d'ajouter que je lui ai téléphoné quatre fois pendant ce temps!!! D'ailleurs, pas facile de rester longtemps sans contact ou nouvelles, je réalise que je demeure inquiète même si l’intensité n’est pas la même qu'à certains autres moments. Je sursaute encore quand le cellulaire sonne et que je ne suis pas avec Élianne, et bien sûr, je suis devenue plus « mère poule ». Élianne a fait sa première sortie en voiture avec Nico, il l'a amenée chez lui un après-midi, il a fallu qu'il m'appelle en arrivant et en repartant. Je suppose qu'avec le temps je deviendrai moins « maniaque »!!!
Depuis quelque temps, j'ai souvent des « flashbacks» de moments difficiles à l’Hôpital du Sacré‑Cœur, cela me revient par bouts, des moments que j'avais enfouis quelque part dans ma tête et quand ils me reviennent, ils me font revivre toutes les émotions qui y sont associées. L'autre jour chez l'homéopathe, je me suis rappelé ma première visite chez elle, c'était le jour des résultats du scanner et vraiment j'avais failli ne pas y aller, sentant que c'était inutile de chercher à améliorer le sort d'Élianne tellement la situation était négative. Et puis, je m'étais dit que de ne pas y aller serait comme une grosse démission, ce que je me refusais à faire. Alors, j'ai continué et j’ai donné plein de petites granules à Élianne, je suppose que cela l'a aidée pour ses infections. Pour le moment, on est dans les granules pour la mémoire!!! J'ai d'ailleurs décidé qu'on fera tout ce qu'il faut pour elle, pour l'aider. Elle se fait traiter par son ostéopathe, elle ira bientôt se faire masser et elle recevra aussi des séances d’acupuncture. Les schémas dans son cerveau doivent se refaire afin que son corps et sa mémoire puissent se rétablir.
Côté santé, cela va de mieux en mieux. Elle ne prend presque plus de médicaments, seulement son Coumadin et son Remeron. Elle a décidé, d'elle-même, de cesser le Rivotril pour dormir. Elle peut maintenant manger normalement, de tout, et depuis ce week-end, elle prend ses pilules avec de l'eau, et non écrasées avec de la compote. Aussi, très bon signe, elle a eu ses premières règles depuis l'accident, signe que le cerveau se rétablit et qu'elle reprend du poids.

En physiothérapie, elle pratique les transferts avec la marchette. Elle n'est pas rendue encore à l'utiliser en dehors du local de physio, mais cela viendra. Son bras gauche demeure encore très « poche » (c'est elle qui le dit), mais s'améliore aussi. Grosse job à faire côté équilibre aussi! Avec l'éducatrice, elle va maintenant dîner une fois par semaine à Transacc, la maison de transition de l’Hôpital juif de réadaptation qui est située juste en face, cela lui donne l'occasion de voir d'autres jeunes et de travailler son autonomie. Elle s'y est fait un ami, Guillaume, traumatisé crânien aussi et aveugle suite à son accident. Ils ont ben du fun ensemble et rient beaucoup. Guillaume sortira d'ici quelques semaines. Quant à l'autre jeune fille, Marie-Christine, qui devait partager la chambre d'Élianne, elle sort définitivement cette semaine, donc Élianne prendra sa place dans la chambre 479, j'ai demandé qu'elle ait le lit sur le bord de la fenêtre, et elle aura éventuellement une autre coloc.
Depuis vendredi, les transports à la maison se font dans ma voiture, on est ainsi plus libre et l’on peut s'arrêter pour faire des courses, ou autres, en chemin. Vendredi justement, on en a profité pour aller à la caisse pour qu'Élianne puisse modifier son NIP. Je crois qu'à Transacc, avec l’aide d’Annie son éducatrice, elle se créera une nouvelle adresse courriel (elle ne se souvient plus du mot de passe de l’ancienne). On a eu un week-end mouvementé, Gilbert, Nico et Renaud ont refait notre toit, ils ont changé les bardeaux qui dataient de 20 ans.
Heureusement, ils ont eu l'aide de Richard Bégin, et aussi celle de Dominique Asselin et de René Lesiège. Tout est fini maintenant. Cela m'a donné l'occasion de cuisiner une bonne soupe pour le dîner de mes travailleurs!!! Donc, j'ai été bien occupée avec la popote et Élianne!!! Parfois je me dis que je devrais essayer de « lister » toute l'aide que l'on a reçue, juste pour ma mémoire, mais je sais que ce serait une tâche colossale tellement il y en a eu. DONC, ...
MERCI.
Samedi, Jacques Rigal, le professeur de biologie d'Élianne à la polyvalente et aussi le responsable de l'art dramatique et du théâtre, est venu à la maison pour apporter à Élianne un DVD de sa prestation dans Panique à Longueuil. Le matin même, après que j'ai annoncé cette visite à Élianne, elle s'est souvenue de quelque chose qu'elle faisait dans la pièce soit, courir après un gars pour l'attraper et l'embrasser. Pendant le visionnement du DVD, elle disait quelques répliques avant qu'elle les dise réellement sur scène. Cette sorte de mémoire est assez forte et bien préservée, semble-t-il. Ce qui n'est pas le cas de sa mémoire à court terme, même si cela continue de s'améliorer, pour moi c'est toujours ce qui m’inquiète le plus. J'essaie de me calmer les nerfs à ce sujet et, comme dirait Élianne, de développer ma patience!!!
Au cours du mois prochain, je vais essayer de devenir « zen ». De prendre un peu plus de temps pour moi, de relaxer un peu. J'habiterai chez Madeleine, la mère de mon amie Claudine. Elle a un condo situé à cinq minutes à pied du centre de réadaptation et elle part pour un mois en France. Je pourrai donc aller me reposer pendant les thérapies d'Élianne. Je viens juste de recommencer à faire certaines choses « normales » comme l'épicerie (je profite du fait que je suis à côté du Marché Adonis, à Laval) et j'ai fait une marche dans le rang ici, dimanche dernier. C'est un début. Je serai en ville du lundi au jeudi et comme Gilbert travaillera moins, cela me laissera moins de choses à faire à la maison quand je reviendrai.
Je vous redonne des nouvelles prochainement, en attendant, prenez bien soin de vous ainsi que de vos proches.
Du temps pour mesurer les pertes
28 novembre
Je vous néglige un peu, mais sachez bien que ce n'est pas faute de continuer à apprécier vos messages d'encouragements et vos bonnes pensées qui me parviennent encore régulièrement. C'est juste que le temps passe plus lentement pour Élianne, les progrès se faisant de façon très graduelle, mais significative.
Élianne continue de venir à la maison chaque week-end, et ces week-ends passent très vite finalement entre les soins à lui donner et les visiteurs qu'on a régulièrement. Elle a même profité d'une soirée pour aller chez Nico, elle recommence à sortir, on a soupé au resto pour souligner les six mois de sa survie et ses amis viennent la voir à la maison ou au centre. C'est ce qui lui fait le plus de bien de pouvoir continuer à voir ses amis, même si aussitôt partis, elle ne sait plus trop qui était là, elle profite de leur présence.

Au centre, les intervenants ont fait une réunion pour Élianne, ils ont revu leurs objectifs en utilisant les termes suivants : atteints, en bonne voie de, en progression, etc. Je suis censée avoir une copie de tout cela et j'ai bien hâte de voir ce qu'ils en pensent. En gros, Élianne a fait de gros progrès sur le plan physique il y a deux semaines : elle peut maintenant passer seule de la position couchée à la position assise sur le bord du lit, elle peut aussi plus facilement se tourner dans le lit. Assise au fauteuil, elle peut se mettre debout seule et garder son équilibre. Elle peut aussi passer dix minutes debout en appui sur sa main gauche au comptoir et faire des choses avec sa main droite. Elle travaille beaucoup les transferts de sa chaise à son lit et elle fait aussi des longueurs de corridor avec la marchette. Elle a bien hâte de pouvoir en avoir une afin de se déplacer, mais elle n'est pas encore prête pour cela.
En ergothérapie, elle travaille fort pour réussir à s'habiller un peu seule, son bras gauche s'améliore, mais il reste plutôt « poche » encore. Là, ce qu'elle veut réussir à faire seule c'est de s'attacher les cheveux, gros défi!!! En général, Élianne dit vouloir redevenir indépendante et ne plus avoir besoin de ses parents pour s'occuper d'elle. On reconnaît bien là son grand désir d'indépendance. Cela la rend souvent triste de penser à sa dépendance et à tout ce qu'elle ne peut plus faire. Elle espère pouvoir reprendre sa vie là où elle l'a laissée et j'avoue que j'appréhende les moments où elle réalisera que certaines choses ne seront peut-être plus possibles, car la réalité c'est qu'on ne sait pas ce qu'elle pourra ou non faire. Elle travaille aussi beaucoup en orthophonie pour retrouver une voix normale et retrouver l'accès à tous les mots, cela s'améliore beaucoup, elle fait des mots croisés.
La semaine dernière, nous avons pu constater une amélioration sur le plan de la mémoire à court terme. Cela reste très problématique, mais il y a une certaine progression.
Nous, on essaie de reprendre un rythme de vie un peu plus normal. Gilbert aura un peu plus de temps, sa saison étant terminée, il en profitera pour réparer et ranger tout ce qui est en suspend à la maison depuis l'accident. Renaud retournera à Rimouski après les Fêtes afin de retrouver sa Cynthia qui a dû se passer de lui tout l'automne. Nico essaie de reprendre certaines activités mises en veilleuse pendant six mois, il a recommencé à jouer à Donjons et Dragons avec ses amis, ce qu'il faisait d'ailleurs le soir de l'accident. Moi, je passe moins de temps avec Élianne au centre, ils pensent aussi qu'elle est prête à ne pas avoir sa maman tout le temps et à pouvoir prendre elle-même plus d'initiatives. Donc, je la vois au dîner et au cours de certaines périodes durant la journée, mais de moins en moins, il faut qu'elle puisse passer une ou deux heures seule. Je loge chez Madeleine, la mère de mon amie Claudine, elle a un condo situé à quelques minutes du centre et c'est vraiment super de pouvoir faire des allers-retours pour quelques heures, revenir manger, me reposer, lire mes courriels, etc. J'y suis très bien, j'y serai jusqu'au 17, date du retour de Madeleine de la France. J'ai même invité Élianne et Nico, ils sont venus souper lundi soir.
Tout ce temps que j'ai soudain durant la semaine je l'apprécie bien sûr, cependant, la pression retombant un peu, cela me laisse aussi beaucoup de temps pour mesurer ma perte et celles d'Élianne et j'avoue que je trouve certains moments difficiles. Je sais très bien que c'est une étape normale, il y a beaucoup de peine qui dort en moi depuis six mois et, prise par le flot d'adrénaline des « montagnes russes », cette peine est restée bien enfouie. J'essaie de soulever le couvercle de la marmite à vapeur lentement! L'autre soir, des amis d'Élianne qui étudient au Collège Lionel‑Groux sont venus faire un tour après avoir été souper et magasiner à Laval, cela m'a justement ramenée à tout ce qu'Élianne perd : ces années d'insouciance que sont le cégep, les sorties avec les amis, la liberté, pas de parents, pas de responsabilités à part celles de réussir son examen de français, etc.
Le plus terrible est de ne pas savoir (peut-être est-ce mieux ainsi) ce qu'il en sera pour elle dans un an ou deux. Quelles seront les séquelles à long terme? Est-ce que ce qui restera lui permettra d'être heureuse, pourra-t-elle accepter ces séquelles? Est-ce qu'elle sera assez normale pour ne pas paraître trop bizarre aux yeux des autres? ETC. ETC. Ce sont quelques-unes de mes préoccupations ces temps-ci et je m'efforce d'appliquer la maxime « un jour à la fois », j'y réussis quand même un peu même si normalement c'est très loin de mon caractère!
Ces temps-ci, je magasine pas mal pour trouver une place pour nos vacances en mars, c'est sûr qu'on ira à Varadero, à Cuba, donc si quelqu'un a un commentaire à me faire, soit positif ou négatif sur un hôtel en particulier qu'il se lève et parle!!! On a fait le choix de Varadero pour plusieurs raisons pratiques, normalement cela n'aurait pas été notre choix, mais pour Élianne ce sera mieux.
Pour ceux qui utilisent parfois mon adresse courriel dans Outlook : j'ai un problème et je ne reçois plus rien, j'essaierai de le régler, mais ce n'est pas encore fait, donc utilisez juste mon Hotmail. En parlant de courriel, Élianne peut recevoir maintenant ses courriels, on les lit ensemble, je les lui imprime, elle me dicte une réponse que je tape et que j’envoie par la suite. Elle est bien contente de reprendre contact avec ses amis même si d'une fois à l'autre elle a tout oublié!
xoxoxo (ça, c'est pour signer comme Éli) Jocelyne

Congé du centre de réadaptation pour les Fêtes
12 décembre 2007
Bonjour tout le monde,
Aujourd'hui, jour « anniversaire » du 7e mois, j'ai enfin repris le chemin de la maison! Finie la vie de condo! Je m'en réjouis, car même si c'était bien pratique et que ça me permettait de me reposer durant la semaine, cette absence de la maison rendait mes week-ends pas mal surchargés.
Depuis mon dernier écrit, quelques petits événements sont venus colorer notre quotidien. Comme prévu, nous sommes allés à Sherbrooke où nous avons fait le tour des endroits « stratégiques » : le laboratoire de bioécologie du cégep, le 11e étage des résidences et le « supposé » appartement d'Élianne où elle a passé la nuit. Partout elle a rencontré des connaissances, profs, techniciens, étudiants, ex-colocs d'étage, amis, etc. Elle a eu ben du fun même si elle ne reconnaît à peu près personne sauf sa grande amie Roxou.
Ils étaient neuf à l'appartement, toute son ancienne bande, et j'avoue que cela m'a fendu le cœur de voir tout ce qu'elle manquait cette année... On aura aussi profité de cette visite pour amener Élianne dans une grande baignoire à remous à l'hôtel où Gilbert et moi avions réservé une chambre. Elle ne s'était pas trempée dans un bain depuis l'accident et elle a beaucoup apprécié. Depuis ce temps, Gilbert a trouvé un moyen pour la mettre dans le bain à la maison, donc on peut la laver comme du monde!!!
Le 3 décembre, il devait y avoir une séance au palais de justice et Sandra Diotte, LA conductrice, devait comparaître pour faire connaître au juge le déroulement de sa désintoxication, mais à cause de la tempête tout a été annulé. Dommage, j'étais présente et j'aurais eu juste besoin de voir c'est QUI. Sur place, j'ai rencontré l'enquêtrice qui s’occupe du dossier et le procureur de la Couronne et j'ai pas mal jasé avec eux, je leur ai remis des documents pour leur montrer qui était Élianne, ce qu'elle est devenue, les séquelles possibles, les implications pour nous tous, etc. Le procureur a demandé un rapport présentenciel et comme elle avait déjà plaidé coupable, elle recevra sa sentence le 14 mai 2008. J'aurai aussi l'occasion de parler au juge pour lui faire connaître mon avis. Depuis ce temps, j'ai reçu une copie du schéma de reconstitution de l'accident et ça me fait mal au cœur d'imaginer ma poupoune au point d'impact, très clairement identifiable sur le schéma; un gros Ford Explorer contre une petite Honda Civic! Élianne a absorbé toute l'énergie dégagée par l'impact.

Sinon, pour ce qui est de l'évolution d'Élianne, tout se déroule « lentement mais sûrement ». Les thérapeutes nous ont remis leur évaluation de mi-parcours (un parcours étant de trois mois) et Élianne était en bonne voie de réaliser la majorité des objectifs fixés pour janvier. Ce dont elle rêve le plus : la marchette! Ça s'en vient. Gilbert et moi aurons notre petit cours de physiothérapie vendredi, et Élianne pourra sortir pour les Fêtes avec sa marchette! Bien sûr, on est loin d'abandonner le fauteuil roulant!!! Serge, son coach de vélo, vient au centre une fois par semaine et il amène Élianne faire du vélo stationnaire. Serge a maintenant ses entrées au local de physiothérapie!
Élianne a rencontré son neurochirurgien, il était assez étonné de la voir, favorablement impressionné par son évolution. Il nous a dit de ne pas paniquer tout de suite avec le peu de mémoire d'Élianne, il dit qu'elle part de tellement loin qu'il faut se donner un bon 18 mois avant de voir si cette mémoire sera fonctionnelle ou non, et à son avis, habituellement quand les traumatisés commencent à marcher davantage, à être plus souvent debout, cela amène aussi une bonne évolution côté mémoire. D'ailleurs ces jours-ci, Élianne n'arrête pas de poser des questions sur des choses qui lui reviennent en tête, des noms, des événements de l'actualité, etc.
Je suppose que pour la majorité d'entre vous il y a autant de neige, ou presque, que chez nous. J'espère que vous en profitez et j'espère pouvoir le faire moi aussi à mon retour à la maison, et j’aurais peut-être le temps de prendre l'air à l'occasion. Nos sentiers de raquette ne sont pas encore tapés cette année.
Pour l'instant, la neige est aussi une source de problème : avez-vous déjà essayé de manœuvrer un fauteuil roulant dans la neige? Et lors de vos prochaines sorties, regardez autour de vous pour voir si vous pourriez accéder à l'endroit en fauteuil roulant? Nous découvrons les joies (!) de « l'handicapé »! Comme Gilbert est assez fort, on peut aller à plein d’endroits, car il prend carrément Élianne dans ses bras pour monter et descendre un escalier, je la réceptionne et il amène le fauteuil qui est trop pesant pour moi. Cela implique que toute sortie se fait à deux!
Élianne est allée se faire masser deux fois et elle adore cela. Comme elle dit, il faut le faire, ne pas parler pendant une heure, elle qui n'arrête pas normalement! Elle va aussi chez l'acupuncteur « l'homme qui cherche les points sensibles » comme elle dit.
Pour les Fêtes, Élianne aura deux périodes de cinq jours de congé du centre. Et après les Fêtes, on changera réellement le rythme de nos présences, nous serons présents avec elle seulement en soirée, elle doit apprendre à prendre plus d'initiatives et elle peut maintenant passer une à deux heures seule dans sa chambre. Aussi, elle ira davantage à Transacc, la maison de transition, elle y soupera un soir par semaine avec une éducatrice, elle va déjà y dîner une fois par semaine. Je trouverai juste du monde pour dîner avec elle à l'occasion afin qu'elle ne soit pas toujours seule pour son repas.
Nous avons bien avancé dans nos préparatifs pour les Fêtes, le week-end dernier. J'ai fait mon ragoût de pattes, Élianne et Nico ont confectionné mes 70 boulettes, et Élianne et Gilbert ont décoré le sapin. On a pas mal de choses de prévues autour de Noël, ce sera plus relax pour le jour de l'An. Mon frère Sylvain viendra de Rivière-du-Loup, Yves et sa famille sont rentrés d'Afrique lundi (nous sommes allés à l'aéroport avec Élianne), et Renaud et Cynthia arrivent de Rimouski cette semaine, nous fêterons aussi les 21 ans de mon grand garçon.
JE VOUS SOUHAITE À TOUS DE BIEN PROFITER DE CETTE PÉRIODE DES FÊTES POUR APPRÉCIER LA PRÉSENCE DE VOS PROCHES, DE TOUS CEUX QUE VOUS AIMEZ!!!
JOYEUSES FÊTES,
« Noëllement » vôtre!
Un beau temps des Fêtes
10 janvier 2008
Bonjour à tous et à toutes, chers fidèles lecteurs!
Une nouvelle année est arrivée, une nouvelle année qui, comme le dirait Élianne, peut difficilement être pire!
Quoique... j'avoue avoir dorénavant le sentiment que tout est possible, n'importe quoi peut arriver et venir bouleverser notre fragile équilibre. Je n'étais pas moumoune avant et cela m'écœure un peu de ressentir en permanence ce sentiment de « qu'est-ce qui va arriver d'autre? ». Sentiment tellement fort parfois que le jour de l'anniversaire de Renaud (23 décembre), comme il prévoyait aller le soir au spa Polar Bear sur la 117, je n'ai presque pas dormi. Je me disais que toutes les conditions étaient réunies pour un nouvel accident : vitesse élevée sur la 117, déficience d'éclairage, stationnement très dangereux et mal situé, etc. Pour moi, 1 + 1 égalait 2 cette nuit-là...
« La vie change vite. La vie change dans l’instant. On s’apprête à dormir [dîner] et la vie telle qu’on la connaît s’arrête. »
tiré de L'année de la pensée magique de Joan Didion
Tout cela pour vous dire que je me sens souvent comme si j’avais une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Malgré tout, ON CONTINUE!!!
Depuis mon dernier message, beaucoup de nouveau. Premièrement, Élianne a de plus en plus de mémoire à court terme. Elle n'a toujours pas retrouvé ses souvenirs anciens, cela n'arrivera peut-être jamais, mais sa mémoire fonctionnelle s'améliore (on ne peut pas dire encore qu'elle EST fonctionnelle, mais cela va dans le bon sens). Elle a même failli révéler à Cynthia le cadeau acheté pour elle par Renaud « me semble que tu aimes ça toi, les plantes, et que Renaud t'en a déjà acheté une ». En fait, il avait acheté un bonzaï!!! Le Dʳ Giroux, neurochirurgien, nous avait dit en décembre qu'on pouvait s'attendre à une amélioration de la mémoire et des fonctions cognitives avec le début de la marche et effectivement cela semble être le cas. Élianne apporte sa marchette maintenant à la maison et elle se débrouille pas mal bien. Elle ne peut pas le faire sans surveillance encore et au centre, à part au local de physiothérapie, elle utilise tout le temps le fauteuil roulant. Quand on est avec elle au centre, on peut aussi utiliser la marchette qui est gardée au poste infirmier. Cela facilite beaucoup ses déplacements à la maison, surtout pour aller à la salle de bain où le fauteuil roulant ne passe pas. En fait, la marchette ne passe pas non plus, mais Élianne est déjà capable de « tricoter » pas mal bien pour franchir l'étroit passage entre le petit mur et l'armoire, et se rendre à la toilette. Sur les conseils de Laurier-Pierre, son ostéopathe préféré, on la fait aussi marcher pieds nus à la maison, cela améliore les perceptions sensorielles. Avec Renaud, il la fait revenir de la salle de bain à reculons, comme un vrai grand frère, toujours à lui montrer des coups pendables, comme la fois quand elle avait trois ans et qu'il l'avait encouragée à monter jusqu'à 25 pieds dans un gros épinette!!!


On a passé un beau temps des Fêtes, beaucoup de partys autour de Noël, plus tranquille pour le Nouvel An. Avec ma famille, le 24, on avait réservé au Prema Shanti à Val-David. Petite auberge très jolie et chaleureuse tenue par Dannie et Karim. Nous y étions déjà allés l'an dernier et avions apprécié l'accueil et l'endroit, d'autant plus que Karim est à moitié Malien et que cela avait permis des échanges en bambara avec Charlotte. Cette année, Dannie et Karim nous ont fait toute une surprise, un acte de grande générosité : ils nous ont offert à Gilbert et à moi, pour Élianne, tous les revenus de la soirée, donc tous les dollars qu'a rapportés la vente des repas et de la boisson! Ils s'étaient fait aider par des amis à eux, bénévolement, pour assurer le service. Nous étions très touchés par ce geste qui nous permettra de continuer à offrir à Élianne les services de sa massothérapeute, de l'acupuncteur, etc.
Je dois ajouter qu'Élianne a même dansé avec son père le soir du 24, Dannie avait mis du Bob Marley!!!

J'ai été très reconnaissante d'avoir tout mon monde à la maison durant cette période des Fêtes (même si je ne fournissais pas à remplir le frigo). On a eu un beau souper avec les enfants et leur chum/blonde le 25, et je me rappelais encore que durant le mois d'août on se disait, Gilbert et moi, que c'était notre vœu le plus cher pour Noël...
« Merci de m'avoir sauvé la vie »
10 janvier 2008 (suite)
Cynthia m'a un peu obligé à une certaine introspection en me demandant d'écrire dans son cahier un bon moment de 2007. J'ai bien sûr pensé à notre voyage au Mali, à Élianne et à moi, c'était dans une autre vie, me semble-t-il, avant que le malheur frappe à notre porte, cela me semble déjà si loin. J'ai aussi pensé à la journée et la soirée du 16 mai, veille de l'anniversaire d'Élianne. J'avais passé l'après-midi avec ma sœur Francine au spa Le Bagni et nous avons soupé dans un bon resto de Saint-Sauveur. Ce soir-là, particulièrement, j'étais si contente et fière, mon bébé allait avoir 18 ans le lendemain. J'avais une grande satisfaction, un sentiment très fort du « devoir accompli », pas dans le sens de me débarrasser d'elle, non, juste la fierté d'avoir une fille si belle, si pleine de talents et de possibilités, si forte...
Le temps des Fêtes s'est terminé par de bons soupers, entre autres le quatre à Verdun avec Yves et sa famille avant son autre départ pour le Mali. On a mangé dans un resto de Verdun et cela nous aura permis d'expérimenter une nouvelle façon d'accéder avec Élianne à peu près n'importe où : on lui donne les mains et elle marche, tout simplement. Elle peut même monter et descendre quelques petits escaliers de cette façon. C'est très pratique pour de très courtes distances, évitant le problème de l'accès avec le fauteuil roulant. Yves est reparti avec quelques cartes à remettre à la « somogo » (famille, gens de la maison) et aussi avec quelques dollars permettant ainsi à Issa, notre ange gardien, de mettre un toit sur la maison qu'il construira pour sa famille à Bamako. Il est reparti aussi en faisant une promesse à Issa : je ramènerai la gazelle sur le plateau Dogon. Comme Élianne est devenue la légende et l'enfant chérie de Tabitongo, je la ramènerai là-bas, je veux le faire d'ici cinq ans!
Je suis vraiment, mais vraiment contente d'être revenue vivre à temps plein chez-moi. J'ai une longue liste de choses à faire, mais je veux aussi prendre le temps de prendre l'air, ce que j'ai commencé à faire. J'ai profité de la belle neige qu'on avait (je parle au passé bien sûr) pour faire de la raquette, j'ai perdu pas mal la forme et de souffle depuis l'an dernier, mais j'espère bien me reprendre.
Élianne a maintenant un nouveau rythme au centre, elle est seule le jour sauf pour quelques visiteurs que je lui trouve pour aller dîner avec elle et nous assumons les soirées Gilbert et moi à tour de rôle et en alternance avec Nico et d'autres amis. Elle acquiert une nouvelle indépendance et... sa chambre est moins bien rangée!!! Elle changera d'ailleurs de chambre la semaine prochaine, elle ira dans une chambre pour deux personnes (pour l'instant, elle y sera seule), elle sera dans le 479-2.
Durant les prochaines semaines, c'est le festival des rendez-vous médicaux. On a vu hier la Dre Choinière, chirurgienne thoracique, pour le suivi des abcès pulmonaires. Il ne reste que quelques cicatrices et elle la reverra dans trois mois pour faire des tests de capacités pulmonaires. Demain, médecine interne, pour le suivi du Coumadin, on devrait pouvoir se débarrasser de cela, la phlébite datant de plus de six mois. La semaine prochaine, scanner cérébral de contrôle, et le 23, l’Institut de cardiologie pour la malformation détectée lors du séjour aux soins intensifs. OUF!!!

Élianne était vraiment la VEDETTE hier à l’Hôpital du Sacré‑Cœur. On a visité les soins intensifs, les soins intermédiaires et le 5 ͤ D pour revoir ceux et celles qu'on aime, et tout le monde voulait la voir, on a même dû attendre les Drs Verdant et Bernard qui avaient averti le Dʳ Marsolais (on l'avait croisé avant dans le corridor) de les appeler quand elle serait au poste des soins. C'était beau à voir, ces trois grands messieurs tout émerveillés, eux qui ont passé les trois semaines les plus difficiles avec elle, se réjouir de la voir, la récompense de leurs efforts inhumains!!! Le Dʳ Marsolais était tout fier d'expliquer à sa petite gang de résidents, qui le suivent comme un chien de poche, quel CAS avait été Élianne et d'où elle revenait. Et les infirmières aussi, et les préposés, et les Italos, et les brancardiers, etc., tout le monde s'arrêtait, même dans les corridors! Elle a été bien gentille avec tout le monde, souriante, et leur a montré comment elle marche maintenant et comment elle réussit à lever son bras gauche de plus en plus haut. Elle leur a aussi dit « MERCI DE M'AVOIR SAUVÉ LA VIE ». On y retournera une autre fois pour le bec promis, et j'essaierai alors de savoir quelle était la promesse que se sont faite les Drs Verdant et Bernard si Élianne s'en tirait bien.
Je vous redonne des nouvelles d'ici quelques semaines, d'ici là on devrait avoir revu l'équipe de thérapeutes pour les objectifs des trois prochains mois. Élianne a un party de filles à la maison samedi, beaucoup de fun en perspective!!!
Jusqu'où ira-t-elle?
6 février 2008
Nous avons eu la réunion avec les thérapeutes pour fixer les objectifs pour les trois prochains mois. Elles trouvent Élianne pas mal bonne et motivée, ses progrès sont lents, mais constants et l’on espère qu'elle continuera de progresser. La neuropsychologue m'a dit : « Je ne sais pas jusqu'où elle pourra récupérer, jusqu'où elle pourra aller, mais je suis certaine d'une chose, elle ira au maximum, elle a tout, elle est motivée, persévérante et elle a tout autour d'elle pour aller chercher tout ce qu'elle peut ». Élianne veut travailler son bras gauche, car comme elle ne peut pas encore contrôler sa main elle se trouve pas mal dépendante des autres pour des choses comme s'habiller et se coiffer, et cela la dérange beaucoup. Cela l'attriste aussi parfois, mais généralement elle a un assez bon moral. Pour l'instant, elle poursuit ses progrès avec la marchette, elle ne peut pas encore l'utiliser seule donc on essaie de la faire marcher quand on lui rend visite. Avec son fauteuil, elle est capable d'aller seule à la toilette au centre, mais doit encore le faire sous supervision. Elle a commencé à monter des escaliers avec de l'aide et elle pratique cela en physiothérapie. On fera installer une rampe à la maison afin de l'aider. Elle devra porter une orthèse au pied droit pour commencer et par la suite au pied gauche, et cela pendant un certain temps, non encore déterminé.
On a eu toute une série de rendez-vous médicaux en janvier, le dernier en date étant le suivi en cardiologie à l'Institut. Elle devra passer une échographie la semaine prochaine pour déterminer si oui ou non elle a effectivement une malformation. On espère que non, car cela signifie du Coumadin à vie et éventuellement une insuffisance cardiaque à moyen ou à long terme. Le jeune résident qui nous a reçus en cardiologie était bouche bée devant elle quand il l'a reconnu, il était présent à l’Hôpital du Sacré-Cœur durant les premières semaines d'Élianne aux soins intensifs et ne l'avait jamais revu depuis. En fait, il ne s'attendait pas à ce qu'elle soit tout simplement... vivante... et il lui posait plein de questions. Il nous a dit avoir été très marqué par elle, il se souvenait des photos sur son mur, il était présent lors de ses arrêts cardiaques et de toutes les complications, et cela l'avait bien impressionné.
Élianne a gardé son sens de l'humour, lors de son scan cérébral dernièrement, elle est sortie de là en demandant au technicien si elle avait encore un cerveau!!! Et elle a bien ri de son père quand il lui a dit (redit en fait), en passant devant le mont Gabriel, qu'il avait déjà skié là avec elle, et qu'elle lui a répondu qu'elle le savait puisqu'il lui avait dit la même chose la semaine précédente en passant devant! On ne peut même plus radoter!!!
Elle vient toujours passer les week-ends à la maison, c'est bien occupant, mais bien agréable aussi. Des amis nous ont prêté une luge finlandaise et nous l'avons utilisée pour l'amener voir les chevaux chez la voisine, elle était bien impressionnée par leur gabarit, et l’on est allés patiner au lac Masson. Le prochain week-end, Paule viendra m'aider, car Gilbert part en refuge en ski de fond.
Samedi dernier, il y a eu une grande fête au village de Tabitongo (pays Dogon, au Mali). Yves, mon frère, et Issa, notre ange gardien, ont apporté au village des photos d'Élianne DEBOUT, du riz, un mouton et des noix de kola pour le chef, afin de célébrer et de les remercier pour toutes les prières pour Élianne. Yves rentre pour de bon au Québec bientôt et il tenait à faire ce petit pèlerinage avant.
Parlant de pèlerinage, nous avons fait notre petite cérémonie-souvenir habituelle pour souligner les trois ans du décès de Claire, notre mère, le 31 janvier. Nous avons fait un bon souper dans un resto de Saint-Sauveur, mes deux sœurs et moi, et Julie, la femme de mon neveu Victor. Maman nous accompagnait, sa photo et ses cendres étaient bien disposées sur la table. Comme c'était un souper de filles, nous avons appelé Élianne pour lui dire qu'elle devra être présente avec nous l'an prochain! Toute la journée je me suis dit que c'était une vraie bénédiction que Claire soit partie avant tout cela...
J'ai reçu une assignation à comparaître au tribunal, Sandra Diotte, la conductrice, connaîtra sa sentence le 14 mai et le juge veut m'entendre avant. Je vais essayer de bien me préparer afin de bien faire comprendre au juge toutes les conséquences de cet accident, et surtout les implications à long terme.
Renaud viendra nous visiter prochainement, il s'est trouvé un emploi au Quiznos Sub de Rimouski, mais il a ses week-ends de congé et il manque pas mal à sa sœur.
En attendant, je vais essayer de suivre les recommandations de mon médecin, et comme écrire des messages de groupe n'en fait pas partie (!) je vais vous laisser pour aller m'occuper de ma vaisselle et des comptes à payer!!!
Je vous embrasse et vous remercie pour votre fidélité,
à bientôt, xxx Jocelyne

En janvier, ses amies de fille ont organisé une petite soirée à la maison, elles ont soupé, jasé et joué à Cranium, ça semblait assez drôle, car je les entendais rire et crier. Élianne aime beaucoup se retrouver avec ses amies et ça lui manque de ne pas pouvoir les voir davantage. Elle s'ennuie aussi de Sherbrooke et l’on va y retourner en février afin qu'elle voie son monde de là-bas. Moi, je suis toujours aussi bouleversée quand je suis confrontée à la vie « normale » des autres jeunes, comme lundi soir dernier aux résidences de Bois-de-Boulogne où l’on était allé chercher Vivi pour aller magasiner.
La mémoire est longue à revenir
6 février 2008 (suite)
Eh oui, c'est aujourd'hui l'anniversaire de Nico et les jeunes ont fait une petite fête ici samedi soir. Ce soir, Élianne amène Nico manger au resto, un beau gros steak comme il aime! Tout cela donne peut-être l'impression que tout est normal, dans le meilleur des mondes, mais ce n'est pas tout à fait cela... Élianne poursuit ses progrès, mais la mémoire est longue à revenir! Je dois me parler pas mal pour ne pas trop m'inquiéter ou m'impatienter à ce sujet. Pour l'instant, elle arrive à se rappeler, parfois avec des indices, de qui elle a vu la veille ou de ce qu'elle a fait. Et elle reconnaît encore difficilement les gens, sauf ceux qu'elle voit dans son quotidien, ce qui est déjà quelque chose de bon en soi.

Moi, j'essaie de reprendre une certaine routine à la maison, c'est d'ailleurs la prescription de ma médecin qui a prolongé mon congé jusqu'à la fin mars. C'est un fait que j'ai un peu de difficulté à assumer même le petit quotidien, et parfois je me sens bien fatiguée, on se demande pourquoi!!! Aussi, je crois que cela m'a tellement manqué d'être à la maison que quand je peux, je ne sors pas du tout (sauf pour aller faire de la raquette) pendant plusieurs jours, même pas pour aller au village. Gilbert et moi avons tous deux la vague impression que l'on devrait reprendre une vie « normale », comme si tout nous faisait des pressions en ce sens, mais nous savons pertinemment que jamais notre vie ne sera comme avant...
Parlant de routine, beaucoup de changements dans celle d'Élianne au centre. Premièrement, elle a changé de chambre, elle a quitté le « solarium » pour une chambre régulière munie de deux lits, et depuis une semaine elle partage cette chambre avec un jeune de 17 ans. De plus, le jour, on ne va généralement plus au centre, elle fait ses thérapies et s'occupe en écoutant de la musique surtout, car c'est, pour l'instant, sa seule activité de « loisir ». Presque chaque midi, quelqu'un (famille ou amis) va dîner avec elle et lui tient compagnie, et lui donne de l'eau et l'aide à s'organiser, etc. Serge, son coach, y va régulièrement et l'amène jouer au hockey sur table ou faire du vélo stationnaire. Pour les soirées, on se relaie pour la visiter et l'accompagner dans sa petite routine du soir. Aussi, elle va souvent souper à Transacc, il y a maintenant des éducateurs le soir et ils viennent la chercher régulièrement, j'ai même dû leur demander de faire attention à ce qu'elle mange là-bas, car ce n'est pas trop santé et ils sont très (trop) généreux dans les portions, surtout pour le dessert, et Élianne commence à prendre trop de poids! À Transacc, elle a même organisé, avec l'aide des éducatrices, un souper pour son ami Guillaume qui a aussi subi un traumatisme crânien, il est sorti du centre en novembre. Elle a eu ben du fun, elle lui parle aussi régulièrement au téléphone.
Adaptation du domicile
6 mars 2008
Bon lendemain de tempête!!!
Décidément, cet hiver ne nous aura pas laissé de répit côté neige, Gilbert est bien décidé, l'hiver prochain il s'achète une souffleuse dès le début de l'hiver!!!! C'est ben beau tout ça, mais je commence à être tannée.
D'ailleurs, dans peu de temps, on va laisser tout cela derrière nous pour nous envoler vers des cieux plus cléments. Vacances bien méritées, vous en conviendrez. En effet, on part pour deux semaines avec Élianne et Nico. Renaud et Cynthia viendront nous rejoindre pour une semaine. On sera à Varadero et il sera bon de changer de rythme, et de ne plus voir la couleur des murs de l'hôpital ni les portes automatiques s'ouvrir devant moi. Et juste d'avoir du temps tous ensemble et, bien sûr, de profiter de la mer, de la plage et du soleil. Ne vous en faites pas, j'ai apporté de la crème solaire avec un FPS élevé pour protéger les cicatrices d'Élianne, selon les bons conseils de mon amie Martine, la mère de Marie-Christine. La mince couche de peau qui recouvre le site de la trachéotomie est en effet bien fragile. En plus, on part l'esprit bien tranquille quant à la maison, le chien et le chat. Un ami sera là, la première semaine, pour construire les rampes d'escalier et d'autres amis, la deuxième semaine, pour le ski. Ils ne manqueront certainement pas de neige.
On est rendu à la phase « adaptation du domicile » et la SAAQ a approuvé les recommandations de Brigitte, l'ergothérapeute du centre. On commence par construire une rampe du sous-sol au deuxième étage et par installer des barres dans la salle de bain. Pour le reste, on verra. En tout cas, au grand désespoir de Brigitte, je ne ferai pas enlever MON petit mur de la salle de bain, il a pris avec le temps une valeur symbolique : celui du refus de baisser les bras dès maintenant et de tout adapter comme si Élianne serait à jamais invalide.
Depuis mon dernier message, beaucoup d'évolution pour Élianne. Elle fait encore et toujours de grands progrès. Les thérapeutes sont encore et toujours émerveillées par sa grande détermination, sa force et sa motivation. Je crois qu'elles n'ont pas vu cela souvent... L'autre jour, conversation très intéressante avec la conseillère en réadaptation de la SAAQ, celle qui s'occupe de son dossier à Saint-Jérôme. Elle m'a dit avoir rencontré Élianne en janvier au centre et être très encouragée par ses progrès. Elle m'a dit que j'avais une fille exceptionnelle et que nous étions aussi des parents exceptionnels, ça fait du bien!!! Comme cette dame n'est pas de la première jeunesse, elle en a vu des traumatisés crâniens dans sa carrière, a eu à dealer avec bien des familles, et elle m'a assuré d'une chose : Élianne sera autonome. Elle ne sait pas si elle pourra un jour reprendre des études et/ou travailler, mais elle est au moins certaine de cela.
Je dois dire que depuis quelques semaines, je me sens moins inquiète... un peu... Élianne prend de l'assurance pour s'occuper d'elle et faire ses petites activités quotidiennes. Les thérapeutes ont beaucoup travaillé son orientation au centre et maintenant elle va elle-même au frigo se chercher ses laits de soya, et elle a même commencé à se rendre seule à sa physiothérapie. Cela peut paraître banal, mais pour elle c'est très gros d'avoir à y penser par elle-même que c'est l'heure et de s'y rendre. Le but est d'en arriver à ce qu'elle puisse le faire pour toutes ses thérapies.

Comme toute bonne jeune fille qui prend de l'autonomie, elle commence à trouver sa mère fatigante! Comme j'y vais moins souvent, je l'appelle, trop à son goût, mais je lui ai dit que c'était ma job de mère d'être fatigante au point qu'elle veuille me quitter au plus vite!!! On a changé pas mal de rythme en ce qui concerne nos présences auprès d'elle. Elle continue de venir à la maison tous les week-ends et durant la semaine on alterne chaque soir, Gilbert, Nico, Claudine et Michel, Yves et/ou Charlotte et moi. En plus, Élianne va de plus en plus souvent, même le jour, à Tansacc, la maison de transition. Elle y soupe presque tous les soirs et aide à la préparation des repas, plie du linge, joue à des jeux, jase avec les éducateurs.
Au niveau santé : le test d'échographie cardiaque n'a pas montré de malformations (vous vous souvenez peut-être du fameux ventricule gauche non compacté). Il semblerait que ce diagnostic était faussé par les circonstances, et le Dr Basmadjan de l'Insitut de Cardiologie de Montréal a suggéré de faire seulement un contrôle dans trois ans. Donc, Élianne pourra cesser le Coumadin dès avril. Et sinon, sa santé est bonne, elle a eu jusqu’à maintenant seulement un petit rhume cet hiver.
Au niveau physique : elle marche de mieux en mieux avec sa marchette. Elle ne peut pas encore l'utiliser seule au centre, ce qui la limite dans ses déplacements, elle doit alors utiliser son fauteuil. À la maison, elle se déplace seule en marchette et va seule à la salle de bain pour se laver les mains ou les dents. Elle a encore besoin d'être accompagnée pour la toilette, même si on ne fait rien, c'est par mesure de sécurité. Cela sera encore mieux quand les barres seront installées. Elle a commencé à monter et à descendre les escaliers, avec de l'aide bien sûr, car c'est loin d'être au point. Elle a aussi commencé l'apprentissage de la marche avec une canne, d'ailleurs on l'apportera en voyage. Son bras gauche demeure peu fonctionnel, mais il bouge de mieux en mieux au niveau de l'épaule, reste à obtenir le contrôle du coude, du poignet et des doigts. Cela chagrine pas mal Élianne qu'il soit si « poche » puisque cela la limite pas mal dans son autonomie. Elle a beaucoup travaillé en ergothérapie pour réussir à s'habiller et à se déshabiller seule, du moins le haut du corps, et elle s'est grandement améliorée. Elle a besoin d'être accompagnée pour la douche au centre ou le bain à la maison, mais sinon elle peut maintenant se laver seule. On a fait un essai dans la piscine dernièrement et elle a nagé un peu, elle pourra pratiquer cela à Cuba! C'était assez bien pour un premier essai, elle mettait sa tête dans l'eau et nageait. J'étais étonnée par sa capacité à retenir son souffle, il faut dire qu'avant l'accident Élianne pouvait rester très longtemps sous l'eau. Là aussi le bras gauche limite pas mal sa compétence pour nager, mais on a trouvé une sorte de ceinture qui l'aidera à flotter. Au centre, Louise, la physiothérapeute, l'a inscrite aux activités du défi sportif, elle y fait, un jeudi sur deux, des activités telles que le tai-chi, le soccer, le badminton et le volley-ball avec d'autres personnes en fauteuil roulant. Et elle continue de pratiquer, de temps à autre, son vélo avec Serge. Elle n'a toujours pas beaucoup d'équilibre, mais cela s'améliore aussi, Louise la fait marcher sur un tapis mou pour imiter le sable! Elle a maintenant une orthèse au pied droit et les chaussures qui vont avec, finalement, ce n’est pas si pire, elle a eu des chaussures de sport, et non des horreurs noires!
Élianne prend conscience de ses pertes
6 mars 2008 (suite)
Au niveau cognitif : elle est de plus en plus orientée au centre et très bien orientée à la maison. Elle a beaucoup plus d'initiative et va elle-même se chercher ses affaires. Elle veut aussi beaucoup aider à la maison pour la popote ou autre, elle n'aime pas tellement se sentir inutile. Elle reconnaît de mieux en mieux les gens qu'elle voit régulièrement et sa mémoire s'améliore… un peu… tranquillement. Elle peut maintenant se rappeler qui elle a vu la veille, qui a appelé, etc. même si elle n'est pas toujours certaine. C'est toujours difficile pour elle de distinguer certaines choses : animaux, fruits, etc., mais elle continue de travailler cela.
Ce qui lui manque le plus, je crois, c'est d'avoir une vie de fille de son âge, de voir ses amies. On est retourné à Sherbrooke dernièrement et elle a vu sa gang et tout particulièrement Roxanne, sa grande amie. C'était toute une première pour nous, elle a passé la soirée et la nuit chez Roxanne sans que nous ou Nico ne soyons présents, et c'était ses amies qui devaient s'occuper d'elle, l'aider pour la toilette et se mettre en pyjama. Tout a bien été et Gilbert et moi en avons profité pour aller prendre un bon souper. Aussi, l'autre soir, ses amies qui sont à Lionel Groulx sont venues souper avec elle et passer la soirée au centre, elle apprécie beaucoup ces occasions qui sont encore trop rares à son goût. Nous sommes aussi allées souper au resto avec Marie-Christine et ses parents, chose que nous nous sommes promis de répéter bientôt, car c'était bien agréable.
Pour nous, c'est assurément très exigeant quand Élianne est à la maison, car il doit encore y avoir toujours quelqu'un avec elle, ce qui nous limite pas mal pour ce qui est de nos activités. Comme Gilbert reprendra bientôt son rythme d'été, j'appréhende un peu tout ce que cela exigera de moi en termes de présence, peut-être que je chercherai des amis pour assurer, ici et là, pendant une petite heure, avis aux intéressé(e)s!!!
J'ai reçu un subpoena pour comparaître le 14 mai devant le juge. J'aurai alors l'occasion de lui exprimer tout ce que cette aventure a représenté et continue de représenter pour nous et pour Élianne. Comme Élianne tient à être présente, elle veut voir QUI est la madame, j'ai convenu avec le procureur que je lui ferai parvenir un document écrit qui indique quelles sont les séquelles présentes et possibles pour Élianne, car il est hors de question qu'elle se fasse « garrocher » cela tout d'un coup. Elle prend tranquillement conscience de ses pertes, et c'est bien qu'elle le fasse à son rythme à elle, et non de recevoir le paquet tout d'un coup. Il est cependant bien important, avant le prononcé de la sentence que le juge soit bien conscient des séquelles possibles à long terme, et sur lesquelles personne ne peut encore se prononcer. J'appréhende beaucoup ce moment, d'autant plus qu'il est fort probable que le juge nous entende et qu'il remette le prononcé de la sentence à une date ultérieure. Cela fera déjà un an à ce moment-là!
En prévision de me préparer pour parler au juge, j'ai fait venir les dossiers d'admission d'Élianne à Saint-Jérôme de l’Hôpital du Sacré-Cœur, et laissez-moi vous dire que sa survie tient vraiment du miracle. Le mot « décérébration » écrit partout, c'est assez frappant… Le rapport des ambulanciers est assez dérangeant… et je ne peux qu'imaginer toute cette horreur.
En faisant du ménage dans les affaires d'Élianne, j'ai trouvé les derniers relevés des achats qu'elle a faits avec sa carte de débit, juste la veille de l'accident, juste avant que sa vie ne soit changée à jamais, c'est plutôt bouleversant de revoir les vêtements qu'elle a portés dans une autre vie… Aussi, Gilbert et moi avons regardé dernièrement nos photos de la Californie, c'était à Pâques, l'an dernier, aussi dans notre ancienne vie… à l'époque où l'on pouvait laisser notre fille seule pour quelques jours, où on l'appelait et qu'elle sacrait parce qu'elle et Nico ont pelleté sans arrêt pendant que nous étions bien au chaud sur la côte californienne! Plus j'y pense, plus je pense que ce qui me manque le plus de l'ancienne Élianne est son… mauvais caractère!!! C'est un peu fou, mais c'est de même!
À part ça, mon frère Yves est revenu définitivement du Mali, Issa, notre ange gardien, a commencé à bâtir le toit de sa maison avec l’argent que je lui ai donné, et il m'a écrit une belle lettre et m'a envoyé un beau tissu pour me remercier.
Je continue à penser à vous tous, et j'espère bien vous voir le 1er juin et que nous serons nombreux, les détails de la fête suivront en avril. On pourra sans doute fêter la sortie d'Élianne du centre, je crois que cela se fera autour de mai ou de juin.
En attendant, la vie continue, Martine nous a surnommées elle et moi « petit trot » et « grand galop », et contrairement à ce que certains d'entre vous seraient portés à croire : grand galop, c'est elle!
Je vous redonne des nouvelles en avril, finalement, le temps passe très très vite maintenant, et c'est aussi ce qu'Élianne pense.
xxx Jocelyne
Vacances bien méritées
12 mars 2008
BUENAS TARDES A TODOS,
C’est le paradis après l’enfer.
Eh oui, nous étions dans le fameux vol de CanJet pour Varadero (Il paraît qu’ils ont parlé de nous aux nouvelles de TV5.), le départ d’abord fixé à 6 h 45 samedi a été retardé à plusieurs reprises en raison d’une pièce manquante en route de Toronto, et finalement, de délai en délai, le temps que la pièce arrive et que tout soit réparé, la deuxième tempête est arrivée et nous a cloués au sol. Nous avons su seulement à 22 h que le vol était remis au dimanche matin 5 h 50. Comme nous voulions absolument allonger Élianne (Elle a été d’ailleurs la plus patiente de la gang.), nous avions réservé un motel tôt en soirée au cas où... Finalement, le pire ne fut pas la longue attente à l’aéroport, mais bien la peur le lendemain de manquer notre avion. C’était assez épique!!! Élianne se sert de cette image maintenant quand elle est triste (cela remplace les caleçons boxeurs de Richard). La navette pour l’aéroport n’arrivant pas, j’ai été reconduit par un gentil couple de Saint-Bruno et j’ai fait une folle de moi à l’aéroport quand j’ai réalisé que personne ne pouvait rejoindre quelqu’un de CanJet, il était 5 h 50, l’heure de notre vol, et que tous les autres passagers de notre vol avaient passé la nuit à l’aéroport, il se pouvait que notre avion décolle SANS NOUS!!! La navette étant finalement arrivée pour amener Gilbert, Nico et Élianne, on s’est rejoint et j’ai COURU jusqu’à la zone de sécurité. C’est l’image qui fait tellement rire Élianne et Nico. De l’autre côté, heureusement, j’ai retrouvé des visages connus, nos compagnons d’infortune. On a fini par embarquer vers 9 h, pour se mettre en piste et.... retourner à l’aéroport pour un autre bris??? Heureusement vite réglé celui-là, et on a décollé exactement à 11 h 20.
Inutile de vous dire que j’étais au lit à 20 h 30 dimanche soir et que malgré la grosse disco, j’ai dormi comme une bûche après trois nuits de deux heures de sommeil.
Il fait beau, il fait chaud, on prend notre rythme, on a trouvé la place idéale pour nous, je réserve nos palapas[1] préférées tous les matins, on déjeune et dîne « on the beach », on dort, tout va bien. Élianne est parfois un peu triste, elle réalise parfois qu’il y a des choses qu’elle aimerait faire, mais ne le peut pas, elle a écrit une page sur sa colère envers la conductrice. Elle se baigne dans la piscine et dans la mer, elle est quand même pas mal bonne et aujourd’hui, Gilbert l’amènera en pédalo. Sûr qu’elle aurait préféré le kayak avec Nico, mais... c’est de même.
Renaud : on vous attend avec impatience samedi, on a déjà réservé le restaurant italien pour ce soir-là. Et Élianne a aussi bien hâte de vous voir, toi et Cynthia.
Alors hasta la proxima vez!!!
Gros becs tout le monde et donnez-moi des nouvelles.
xoxoxo Jo




LUNES, 17 de Marzo
SALUT, SALUT,
Ça y est, maman oiseau a fait son nid ce matin, comme tous les autres matins. Le nid étant deux palapas pour la journée, coin d’ombre où se réfugier des chauds rayons du soleil. Il y a ici en masse de chaises pour tous, mais pour l’ombre il faut réserver tôt en mettant nos serviettes sur les chaises. Première levée, je le fais pour toute la gang, on est maintenant six depuis l’arrivée de Renaud et Cynthia.
Routine de vacances : 6 h 30 : réservation de chaises, ensuite douche, etc. puis 8 h ON THE BEACH. J’y reste jusqu’à 16 h-17 h et nous prenons généralement le déjeuner et le dîner au Mirador, super resto de la plage que nous préférons à celui style cafeteria du buffet de l’hôtel. Nos palapas sont juste à côté du Mirador, donc bouffe et boisson et toilettes à volonté!!! En fin de journée : piscine, relaxation avant le souper et spectacle de fin de soirée, je vous en reparle une autre fois, mais on vit littéralement AU-DESSUS de la scène. Cela ne m’empêche pas du tout de dormir, je tombe littéralement le soir!!! Même que l’autre soir lorsque j’ai dit VAMOS, Élianne a répliqué, oui, VAMOS A LA PLAYA DEL... DODO!!!
Ma carte Internet achève, donc je vous dis à une autre fois si l’occasion se présente, mais juste vous dire qu’Élianne fait de très très grands progrès. Elle nage avec et sans flotteur, pas pire à part ça malgré le bras gauche incompétent, elle retient son souffle dans l’eau assez longtemps (très longtemps en fait quand on pense à l’état de ses poumons, jadis, naguère...), elle fait de longues distances avec sa marchette, monte les escaliers seule (on se tient derrière elle au cas où), avance pas pire dans le sable, même que Renaud l’a fait marcher un bout toute seule jusqu’à la mer hier (vive les grands frères).
Petit incident en pédalo : elle s’est coincé le pied et Gilbert craignait que la cheville soit cassée, mais tout est beau. Elle a beaucoup apprécié son tour de bateau (JEEP AND BOAT SAFARI), heureusement qu’on a des gars forts pour la faire accéder à certaines places.
Demain, Renaud et Cynthia vont à La Havane, Gilbert et moi y serons mercredi. Nico suit son cours de plongée jeudi.
MARIA : si tu viens nous voir vendredi, on est toujours à gauche du resto de la beach (à gauche quand tu regardes la mer).
Je vous laisse, mon temps défile et se termine, ADIOS!!!
xxx Jo
[1] Palapa : Grand parasol fixe qui a du chaume
ou des feuilles de palmiers au lieu d’une toile.
(Source : Wiktionary)
Les voyages, une excellente thérapie
11 avril 2008
BONJOUR TOUT LE MONDE,
Il semble que le printemps se laisse désirer, quelques brins de soleil ici et là et voilà que la schnoute sera encore au rendez-vous ce soir. Chez nous, on sera enterrés jusqu'en juin, je crois bien. Heureusement, Gilbert a pelleté toute la galerie, je peux donc entretenir mon bronzage et étendre mon linge dehors!
Parlant de bronzage, on a fait un super beau voyage… qui a fait ben du bien à mon cœur de mère. Après un départ épique, 30 heures de retard et non pas à cause de la tempête, mais bien de l'incurie de CanJet, nous sommes finalement partis et immédiatement après le décollage, je me sentais en vacances.
La première journée, Élianne était un peu « perdue », on voyait bien qu'elle avait ben de la misère à interpréter son environnement, mais dès le deuxième jour tout était correct, même si elle n'a jamais réussi à s'orienter assez pour aller seule de la chambre à la plage. On avait trouvé un petit coin à notre goût sur la plage, avec palapas et tout, un peu plus loin de la partie « animée » et donc plus tranquille. Élianne a marché dans le sable avec de l'aide, et même des petits bouts sans aide, elle a nagé, avec l'aide d'une petite ceinture flottante, elle a fait de l'apnée, elle a monté et descendu des escaliers, fait de la marchette, pratiqué la canne, bref elle a bougé en masse. Elle était tellement fatiguée, elle a repris son beat normal pour elle (qu'elle n'avait pas repris depuis l'accident), c'est-à-dire se lever à 10 h – 11 h!!!
On en a profité pour faire une excursion « jeep safari » et Élianne a particulièrement apprécié cette journée-là, le tour en petit bateau sur une rivière, même si ce fut quelque peu « périlleux » de la faire monter « dans » le bateau! Gilbert et moi avons passé une belle journée aussi à découvrir La Havane, c'est vraiment une belle vieille ville coloniale, pendant que Nico, Renaud et Cynthia s'occupaient d'Éli. Élianne s'est fait chum avec les gars de l'orchestre du bar, ils la trouvaient pas mal à leur goût et lui ont même consacré une chanson intitulée Élianne!!!

Il a fait beau et chaud tout le long, on a vraiment profité de ces moments, bienvenus après tout ce qu'on a vécu ces derniers mois. Élianne dit qu'elle a fait tellement de progrès là-bas (et c'est vrai) que la SAAQ devrait lui payer des voyages puisque c'est aussi bon que ses thérapies au centre!!! Elle a toujours son bon sens de l'humour. Ce voyage a beaucoup influencé son moral, elle dit être encore plus consciente de sa chance d'être en vie, elle dit qu'elle est comme le Christ, « ressuscitée »!!! Et son nouveau slogan est celui du Che « HASTA LA VICTORIA SIEMPRE », je lui ai dit que finalement ça voulait dire : JUSQU'AU BOUTTE!!!
Depuis notre retour, on a repris notre petite routine, Élianne passe ses semaines au centre et ses week-ends avec nous. Elle passe même maintenant une soirée par semaine sans visiteurs afin de gagner encore en autonomie, ce qu'elle fait très bien. À son retour là-bas, elle s'est réorientée très vite, reconnaissait son monde et s'est très vite retrouvée dans sa routine. Le voyage, et probablement le fait d'être ballottée par la mer, a amené son cerveau dans une nouvelle étape de son développement, elle est redevenue capable de se tourner du dos au ventre. Cela peut sembler banal, mais c'est une grosse étape. Elle peut aussi se mettre à quatre pattes quand elle est sur le ventre, et toutes ces positions aideront son cerveau à se reprogrammer.
On a fait les suivis demandés à l’hôpital du Sacré-Cœur. En pneumologie, Dʳ Choinière était bien contente : quelques traces à peine visibles de cicatrices et son poumon gauche a repris du volume. En ophtalmologie, les yeux sont corrects et son champ visuel s'est bien amélioré, et devrait continuer de le faire. Comme d'habitude, Élianne a fait sensation parmi le personnel. On a rencontré les D Bernard, Rico, Marsolais et Bellemare et ils étaient tous ébahis par elle. Le Dʳ Bernard en avait les larmes aux yeux quand elle leur a dit combien elle était contente d'être en vie. Il faut dire qu'on avait volontairement abandonné le fauteuil roulant ce jour-là et qu'elle marchait juste avec sa marchette, ce qui les a pas mal impressionnés. On a convenu qu'on irait un bon jeudi, jour de réunion où ils sont tous présents. Le Dʳ Bellemare l'a même remercié, il lui a dit que cela lui faisait du bien de la voir, qu'il avait un cas difficile ce jour-là, avec oscillateur comme elle avait eu, et que de la voir l'aidait à se rappeler pourquoi il travaille!!!
Côté mémoire, elle en regagne tranquillement même si cela reste, à mon sens, le plus gros problème. Elle est de plus en plus consciente qu'elle a un gros manque à ce niveau, elle utilise maintenant régulièrement son agenda pour écrire ce qu'elle fait. Cela la dérange beaucoup de ne plus se rappeler ce qu'elle a dit ou ce qu'on lui a dit, tellement qu'elle commence à moins chercher les contacts avec les autres patients au centre, car elle est plus consciente de ses lacunes.
Dernièrement, elle a aidé Serge pour les inscriptions du club de vélo et comme j'étais présente avec elle, cela nous a donné l'occasion de rencontrer plein de monde. Entre autres, un père qui inscrivait ses petits s'est présenté à nous, il est médecin et était à l'urgence lors de l'admission d'Élianne à Saint-Jérôme. Ça m'a fait tout un choc de rencontrer quelqu'un qui l'avait vu dans ces premiers moments d'horreur!!!
Ces jours-ci d'ailleurs, je suis pas mal dans le « souvenir » puisque je commence à penser à ce que je vais dire au juge lors de la comparution du 14 mai. Je revis tous ces moments et même si ce n'est pas drôle, c'est une étape à franchir et on sera bien contents quand tout cela sera derrière nous. J'appréhende bien sûr pas mal cette journée qui sera riche en émotions de toutes sortes.
Prochaine réunion avec les thérapeutes pour le plan d'intervention le 1 ͤ ʳ mai, on aura alors une idée de quand Élianne sortira de l’Hôpital général juif pour continuer sa réadaptation en externe au Bouclier.
Pour l'instant, ce qu'elle désire le plus c'est... sortir! On la retrouve bien là, toujours sur une patte et sur l'autre. Avec Nico et des amies, elle est retournée au cinéma pour la première fois cette semaine, elle a pu me raconter un peu l'histoire du film le lendemain! Elle aime bien aussi aller au resto et ira voir en mai les spectacles de ses amies qui font du théâtre à Lionel-Groulx, et on retournera aussi à Sherbrooke.
Je vous redonnerai des nouvelles en mai, mais vous recevrez prochainement l'invitation officielle pour la fête du 1er juin, à mettre à vos agendas si ce n'est pas déjà fait!!!
À bientôt,
xxx Jocelyne
rs
C'était il y a un an
16 mai 2008
BONJOUR TOUT LE MONDE,
Ce matin je ne peux m'empêcher de comparer ce 16 mai à celui de l'an dernier. Je me rappelle avoir été parfaitement heureuse, fière, ma grande aurait 18 ans le lendemain! Le 16 mai 2007, j'ai passé une belle journée avec ma sœur Francine, j'avais pris congé, on est allée au spa Le Bagni tout l'après-midi et on a pris un bon souper au Lezvos à Saint-Sauveur. Les derniers moments d'insouciance...
D'ailleurs, ce week-end, nous avons eu un rappel d'un certain soir de la nuit du 19 au 20 mai : en pleine nuit, Ginny, notre chienne, a jappé... cette fois c'était juste pour nous dire qu'effectivement Élianne revenait de sa sortie, elle est allée avec Nico voir les pièces de ses amies en théâtre à Lionel Groulx, mais ce fut suffisant pour me réveiller en sursaut avec la boule d'angoisse au creux du plexus et me précipiter à la fenêtre pour voir que c'était bien la bonne voiture dans notre stationnement!
Beaucoup de chemin parcouru depuis ce temps, beaucoup de choses remises en question, et quelques cheveux gris en plus.
Bonne nouvelle, après un an passé entre quatre murs d'hôpital, Élianne a pris hier le chemin de Transacc, maison de transition de l’Hôpital général juif. Elle y vivra pour quatre à cinq semaines avant son retour à la maison. Elle était bien contente, bien fière de pouvoir parfaire son cheminement vers plus d'autonomie. Ces jours-ci, elle apprécie particulièrement de sortir DEHORS, elle le dit souvent à haute voix : « Ça fait du bien de respirer du bon air frais » et dès qu'elle le peut, elle va dehors. Par contre, cela l'écœure pas mal de devoir aller respirer de l'air au milieu des... fumeurs, l'espace extérieur des institutions de santé étant pratiquement monopolisé par ceux et celles qui cherchent une place pour en griller une! Elle recommence à chialer, c'est bon signe!!!
Pour ceux et celles qui se demandent comment s'est passée la comparution du 14 mai : cause remise au 27 juin!!! Il paraît que le juge avait trop d'affaires sur son rôle et malgré le fait que plusieurs personnes avaient pris congé pour être présentes et nous soutenir, que Renaud est venu spécialement de Rimouski, il a décidé de remettre cela. Heureusement on l'a appris la veille et on a pu s'organiser autrement. Comme Élianne avait congé pour la journée afin d' assister à la comparution, on en a profité pour aller chez ma sœur Chantale et faire du spa, et prendre du soleil. Donc, c'est partie remise, j'espère que ce sera la bonne fois ce coup-là, j'ai bien hâte que tout cela soit derrière nous et je sais aussi que cela sera une journée difficile émotivement.
Depuis mon dernier courriel de nouvelles, bien des choses ont changé. Entre autres, on a retrouvé notre salon et Élianne le chemin de sa chambre. Avec les nouvelles rampes, elle peut monter au 2 ͤ étage, avec encore quelqu'un à côté d'elle, mais c'est un grand progrès et cela amène plus d'intimité à tout le monde. Elle continue de progresser, tranquillement. Sa mémoire s'améliore aussi, quoique parfois de façon assez subtile, mais toujours un peu. Dernièrement, elle a même eu un flash de vrais souvenirs d'avant l'accident : quand elle était à Sherbrooke avec ses amis Roxanne et Alexandre, elle a reconnu la côte de la rue King et s'est rappelé l'avoir monté en vélo avec Alexandre et aussi un autre souvenir de Sherbrooke, ses amis étaient bien contents et c'était vraiment la première fois (la seule aussi à ce jour, à ma connaissance) qu'elle avait un vrai souvenir de son passé.
Nous avons eu la réunion avec l'équipe de thérapeutes. Elles ont commencé par demander à Élianne quels étaient ses objectifs pour les prochaines semaines et elle leur a très bien répondu, a expliqué quelles étaient ses priorités, etc. Les thérapeutes ont tenu à lui dire combien elle est admirable d'être aussi travaillante et persévérante, d'après elles, c'est plutôt rare après tant de temps.
Pour nous, on se prépare à l'accueillir à la maison. Je sais que cela sera très exigeant, car elle nécessite une présence continuelle, elle ne peut pas être laissée seule à la maison pour l'instant, et elle a encore besoin de beaucoup d'aide pour à peu près tout. D'ailleurs, si quelqu'un connaît une bonne personne, à Val-David ou tout près, qui serait disponible quelques heures par semaine, on va chercher une dame pour cela, le tout étant payé par la SAAQ. Et Élianne étant égale à elle-même, elle aime toujours autant sortir et voir du monde et j'ai un peu peur qu'elle trouve cela ben plate la vie avec papa et maman!!! Heureusement, Renaud est ici et ce sera bien pour elle.
Aujourd'hui, comme tous les vendredis, je vais la chercher et j'ai bien hâte de voir sa nouvelle chambre à Transacc. Elle a déménagé hier avec juste l'aide des éducateurs et maman ne s'en est pas mêlée (quel progrès)! Demain, elle fêtera son anniversaire en faisant un party de filles et lundi, 19 mai, on se fera un souper avec Nico et ses parents. On mangera peut-être un peu de poisson si la pêche de Nico et Gilles (son père) est fructueuse ce week-end!!!
Alors, malgré le temps moche qu'ils nous annoncent, je vous souhaite à tous un bon week-end, profitez-en bien pour faire des choses avec ceux et celles que vous aimez...
Je vous refais un petit signe avant le grand party et vous attends nombreux pour ce grand événement.
xxx Jocelyne

Beaucoup de chemin à faire
4 juin 2008
Surlendemain du lendemain de la veille...
BONJOUR TOUT LE MONDE,
Le soleil brille davantage aujourd'hui que dimanche, mais finalement il ne nous a pas trop manqué, car la chaleur de tous nos cœurs (et de nos corps aussi!!!) réunis a suffi à réchauffer la fête.
Une belle fête et du beau monde (plus ou moins 170 personnes), merci pour votre présence, merci aussi à tous ceux et celles qui étaient avec nous en pensée en cette belle journée.
Élianne était contente, elle a bien profité de la présence de tout le monde et particulièrement de ses amis.
La fatigue étant au rendez-vous pour elle en fin de journée, j'ai gardé les cadeaux et les cartes pour le week-end prochain, elle pourra les ouvrir à tête reposée.
MERCI ENCORE, je vous envoie deux belles photos parmi les centaines prises par Cynthia, la photographe officielle de l'événement, à bientôt,
xxx Jocelyne

Frères et soeur

Une petite danse avec papa
28 juin 2008
SALUT... GALARNEAU...!
Non, il n'est pas vraiment là (Galarneau) ce matin, en fait il nous boude pas mal ces temps-ci, mais tout d'un coup que de le saluer il se sentirait... appelé!
Bonjour tout le monde,
J'espère que tout le monde va bien. Pour nous la vie a changé passablement depuis une semaine, Élianne est sortie de l’Hôpital général juif le 19 juin, soit exactement 13 mois après l'accident.
C'était bon de se débarrasser du bracelet d'hôpital et de commencer à enlever les étiquettes à son nom sur ses affaires.
Côté santé, tout va bien, elle ne prend plus de Coumadin depuis déjà deux mois. Il ne reste, comme médicament, que le Remeron, un antidépresseur dont le médecin a réduit le dosage et qu'on prévoit arrêter dans quelques mois.
Élianne a fêté ses 19 ans en mai, elle a fait un party de filles et elle s'est bien amusée. Un peu différent de l'an dernier à pareille date.
D'ailleurs, quand il m'arrive de ne pas trop filer, d'être inquiète pour l'avenir ou de trouver difficile de constater tous les deuils et les pertes d'Élianne, je suis le conseil de mon amie Martine et je me reporte un an en arrière à la même date en relisant le courriel du jour. Cela m'aide à remettre les choses en perspective.
Je ne vous cacherai pas que j'ai encore (j'aurai probablement toujours) parfois de la difficulté à vivre avec cette idée que rien ne sera jamais plus pareil pour Élianne, qu'elle a encore beaucoup, beaucoup de chemin à faire dans sa réadaptation, que je n'ai pas de boule de cristal (JoJo Médium ce n'est pas moi) pour connaître l'avenir, pour savoir quelles seront les séquelles à long terme. Je suis encore plus inquiète depuis une semaine, car Nico a mis fin à leur relation. On s'y attendait depuis déjà quelques semaines, je le comprends, mais c'est difficile quand même. En fait, Élianne le prend assez bien, ils demeurent de bons amis, c'est plus difficile pour Gilbert et moi, car on mesure bien l’importance qu’il avait et à quel point ce sera difficile pour elle, du moins avant un bon bout de temps, d'avoir une nouvelle relation amoureuse avec quelqu'un qui a de l'allure. Élianne comprend bien que Nico ne reconnaît plus en elle celle qu'il a aimée et je crois que tant qu'elle pourra le voir comme ami cela la satisfera, elle dit que cela lui manque quand même de ne plus l'avoir pour chum. Je crois que ce qui l'aidera, c'est si elle peut voir plus souvent ses amies et d'autres jeunes, mais cela aussi n'est pas nécessairement facile, Élianne réalise bien qu'elle n'est plus la même fille et que ses relations avec les autres ont changé, sans compter l'aide dont elle a besoin lors de ses sorties, ce qui la limite un peu.
Depuis son retour à la maison, Élianne tente de reprendre une vie normale. Finalement, on n’a pas encore eu de temps pour plein de choses que je désire faire avec elle, comme répondre à ses courriels, envoyer des petits mots de remerciements pour les cadeaux reçus le 1 ͤ ʳ juin, etc. Juste de faire sa petite routine du matin : lever, pipi, douche, habillage, préparer son déjeuner et manger. Cela prend entre deux et trois heures si elle fait seule le maximum avec juste quelques indications verbales et un peu d'aide physique, surtout pour l'habillage qui est encore problématique.
En relisant les notes remises par la neuropsychologue de l’Hôpital général juif sur la prosopagnosie (difficulté à reconnaître les visages), j'ai réalisé qu'effectivement, Élianne avait tous les signes cliniques associés à une lésion au carrefour occipito-temporal droit : prosopagnosie, apraxie de l'habillage, diminution du champ visuel gauche, problèmes d'orientation spatiale, etc. En fait, elle commence à reconnaître quand même certaines personnes et cela aussi est fluctuant, comme la mémoire.
La mémoire à court terme est toujours problématique, en constante amélioration cependant, toujours non fonctionnelle. Cette semaine elle a même fait, spontanément, un suivi de la veille, et à ma connaissance c'était la première fois. Élianne est allée fêter la Saint-Jean à Ste-Agathe avec Nico et d'autres amies, et elle est rentrée après tandis que les autres continuaient le party à Saint-Jovite. Le lendemain soir, elle a d'elle-même demandé à Vivi si le party avait été le fun!
Les thérapies au Bouclier sont commencées et jusqu'ici je suis très satisfaite des thérapeutes que j'ai rencontrées, Élianne aussi. Elles sont toutes jeunes. Il faut dire qu'elles attendaient Élianne, qu'elles avaient bien hâte de la connaître, car ses thérapeutes de l’Hôpital général juif avaient dit qu'elles leur envoyaient une de leur meilleure patiente et qu'elles auraient bien du plaisir avec elle. En parlant de l’Hôpital général juif, lors de la dernière réunion, elles ont toutes répété à Élianne à quel point elle pouvait être fière d'elle, à quel point elle est courageuse et persévérante. Louise, la physiothérapeute, lui a dit que jamais en septembre elle n'aurait pensé pouvoir écrire un jour comme objectif : autonomie avec la canne dans trois mois. Elle lui a dit : je sais maintenant que tu vas y arriver!
Organiser une routine
28 juin 2008 (suite)
Maintenant, on essaie de s'organiser une certaine « routine ». Je sens que je n'aurai pas beaucoup de moments pour être seule et tranquille à la maison (ce qui me manquera), car j'ai engagé Valérie, une auxiliaire familiale, à raison de deux à trois fois par semaine, pour être présente avec Élianne dans sa routine et faire d'autres petites choses aussi avec elle (jeudi, elles ont fait un sorbet à la rhubarbe) et Marilyn, l'ergothérapeute du Bouclier, viendra souvent travailler ici avec elle, et Serge viendra aussi pour l'entraîner, il a installé le vélo sur une base. Je vais essayer de me trouver un petit trou dans la maison pour me cacher!!! Élianne s'entend déjà très bien avec Valérie.
Notre première sortie après le départ de l’Hôpital général juif a été d'aller assister, le soir même, à une compétition de vélo sur le circuit régional. Élianne ira maintenant régulièrement et elle « aidera » Diane et Anne, les commissaires, ou fera une autre petite tâche que Serge lui trouvera. Comme Élianne a manifesté le désir de voir courir Marie-Hélène Prémont, une championne olympique, nous irons assister au Championnat canadien du Mont-Saint-Anne en juillet. Cela la remettra un peu dans le bain « vélo ». Jeudi soir dernier, à la compétition, elle m'a dit « Je suis jalouse. » et aussi « Est-ce que tu crois que je pourrai refaire du vélo? » En fait, quand je vois tous ces jeunes en vélo, je réalise tout ce que cela demande à un cerveau pour arriver à tenir là-dessus et j'ai bien peur que cela demeure toujours difficile pour elle, elle a de très gros problèmes d'équilibre.
Je crois que l'été passera très vite finalement, Gilbert et moi devant normalement aller passer huit ou neuf jours à Cape Cod, ces premières vraies vacances devraient nous faire du bien et seront bienvenues. Et les journées seront bien occupées avec juste le train-train quotidien et les thérapies, et les multiples rendez-vous chez l’acupuncteur, l’ostéopathe, etc. En parlant de thérapies, j'ai assisté, avec ma sœur Francine, à une conférence sur la méthode Padovan, qui me semble bien intéressant et approprié pour Élianne, je vais explorer les choses de ce côté et vous en reparlerez, mais en gros c'est une méthode qui vise la réorganisation neuro-fonctionnelle et qui se fait en pratiquant toute une série d'exercices bien précis. C'est beaucoup utilisé au Québec pour l'autisme, les déficits d'attention, les dyslexies, mais cela s'applique, semble-t-il, très bien au traumatisme crânien.
Hier, grosse journée, c'était la comparution de Sandra Diotte. J'avais préparé mon témoignage au juge (cela avait brassé pas mal d'émotions de tout reviser le fil des événements), et j'ai fait brailler tout le monde, y compris le gardien de sécurité de la salle et la policière (mais pas moi, car je l'avais déjà fait en le préparant), Élianne aussi avait écrit une lettre au juge et la Procureure l'a lu. Finalement, on a passé toute la journée au tribunal. On a entendu aussi les témoignages de madame, de son conjoint et d'une amie. On a entendu les observations de la Procureure et de l'avocat de la défense au sujet de la peine. Finalement, le juge a pris la chose en délibéré et reviendra devant nous pour le prononcé de la sentence le 24 juillet. J'avoue ne pas savoir moi-même ce qui est le mieux, l'emprisonnement ferme ou un sursis. Il est vrai que la madame a fait neuf mois à Portage et je sais pertinemment que leur thérapie est très difficile et pas mal le top en la matière au Québec. Et c'est vrai que peut-être la société sera mieux protégée si madame peut poursuivre cette démarche et retourner à l'école, et réapprendre à travailler et demeurer sous la coupe de la justice, plutôt que de faire du temps et de sortir finalement assez vite, et de ne plus avoir de compte à rendre à personne. D'un autre côté, la Procureure a fait valoir que ce n'est pas la première fois que madame a des périodes de probation, que jusqu'ici, après ses thérapies elle a toujours rechuté, qu'elle vit encore avec le même conjoint violent, que ses chances de changer son mode de vie lui paraissent minces et que le juge doit envoyer un message clair que la conduite avec facultés affaiblies n'est plus acceptable dans notre société. Je sais que fondamentalement je crois que si VRAIMENT la madame profite de cet événement pour changer, cela servira à réparer un peu de ce qui a été fait, et surtout, à éviter que cela se reproduise. Finalement maintenant, quelle que soit la sentence, je m'en fous un peu, cela ne changera pas notre vie. Moi, ce que j'ai dit au juge c'est qu'Élianne était morte le 19 mai 2007, du moins la Élianne d'avant et que pour elle, c'est une sentence à vie qu'elle a reçue. En fait, mon impression est qu'il penchera pour le sursis et comme je le disais, cela ne me dérange pas du tout. Vous surveillerez L'Écho du Nord du 2 ou du 9 juillet, car les journalistes étaient présents.
Aujourd'hui, c'est jour de marché au village, je vais y aller tôt avec Élianne, ce sera un gros défi pour elle de nommer tous les fruits et légumes, on s'amusera sûrement avec cela. J'essaierai ensuite de me relaxer un peu durant le reste de la journée, car j'ai eu une bien grosse semaine.
Je vous souhaite à tous (donc à moi aussi par le fait même) un bel été, un peu plus de chaleur et de soleil, et surtout, d'avoir l'occasion de profiter de bons moments avec ceux et celles que vous aimez.
Je vous redonne des nouvelles, un jour...
xxx Jocelyne

L'entraîneur et son athlète
16 juillet 2008
Un tout petit message.
UN SOURIRE VAUT MILLE MOTS!!!
Je n'ai pu me retenir de vous faire partager ce sourire. Je vous reviens une autre fois avec plus de nouvelles, juste vous dire que l'adaptation au retour à la maison se poursuit, Élianne fait toujours de bons progrès, mais c'est une grosse adaptation pour nous tous et surtout pour elle. Retour à la réalité qui la confronte pas mal avec ses pertes, elle est beaucoup plus consciente de ce qu'elle manque, mais garde toujours une grande volonté à progresser. Elle recommence à se « pomper » à l'occasion... c’est bon signe!
Bon été,
xxx Jocelyne
Derniers développements
29 juillet 2008
Bonjour tout le monde,
Comme vous êtes fidèles au poste depuis déjà 14 mois, je tenais à vous faire connaître les derniers développements côté... justice.
Comme je vous l'ai déjà dit, nous avons comparu le 27 juin pour les observations sur la peine (je m'en viens pas mal bonne côté termes juridiques!). Tout le monde a dit ce qu'il avait à dire. Et jeudi dernier, c'était le prononcé de la sentence. Le juge Chevalier nous a lu son jugement (là c'est vraiment long et plein de termes très juridiques tels que... selon l'arrêt un tel....) et il a conclu qu'une peine de 48 mois de prison serait appropriée. Il a soustrait de cette peine 6 mois, pour les 3 mois de détention préventive qui compte en double (il est obligé de le faire), et 2 mois pour les 9 mois qu'elle a passés en désintoxication. Donc cela nous donne une peine de 40 mois plus interdiction de conduire pendant 8 ans suite à cette peine ce qui nous mène en 2020. Le juge a clairement indiqué qu'il s'écartait des fourchettes normales de peine pour ce genre de cause (moyenne de 9 à 24 mois) étant donné les facteurs aggravants et l'objectif de dissuasion générale et de dénonciation du « fléau que constituent les infractions reliées à la conduite automobile » selon l'arrêt Paré.
Il faut ajouter qu'il a sans doute été influencé dans son jugement par un rapport présentenciel complémentaire acheminé par le service de probation le 22 juillet et qui démontre que l'accusée a rechuté dans la consommation de drogue et n'a pas respecté le suivi postcure du centre Le Portage. J'étais vraiment resté sur l'impression qu'il s'en allait vers une peine avec sursis afin de permettre à la madame de poursuivre sa thérapie, il a probablement déchanté devant cette nouvelle rechute.
Pour ceux qui désirent lire le jugement, je crois que vous pouvez le faire sur le site du ministère de la Justice. Le numéro de la cause est 700-01-071405-073.
Donc, comme on dit chez les Chinois : it's over!
Élianne continue de progresser malgré que le rythme des thérapies est très ralenti en raison des vacances de ses thérapeutes. Juste d'être à la maison est en soi une thérapie pour elle et elle travaille fort.
Elle a passé une semaine à son goût, car ce qu'elle désire le plus ces temps-ci c'est sortir, voir du monde, ses amis surtout. Et c'est ce qu'elle a fait. Au Mont-Sainte-Anne, elle est allée dans un bar avec son frère, elle a rencontré d'autres jeunes et a même dansé avec Renaud, elle n'arrête pas de dire comment son frère danse bien!!! Et elle est allée souper avec des chums de filles et elle a veillé avec Renaud et ses amis, etc. Elle s'est couchée tard, sa mère aussi puisque je dois quand même l'aider un peu pour faire ses petites choses, en fait, surtout pour monter l'escalier. Alors je m'endors avec mon livre et j'attends qu'elle me réclame!
Depuis son retour à la maison, elle avait régressé côté habiletés physiques, sans doute à cause de la grande fatigue que toute cette adaptation lui causait, mais là elle se reprend. Elle s'amuse à marcher sans aide, ni

Juste avant la course - 19 juillet 2008
marchette ni canne, sur de courtes distances dans la maison, elle a beaucoup moins peur. Elle ne perd pas de vue son but qui est de refaire du vélo un jour...
Parlant de vélo, je ne peux passer sous silence la grande surprise qu'elle a eue au Mont-Sainte-Anne : avant le Championnat canadien de vélo, Élianne a pu, grâce à Serge, rencontrer la championne Marie-Hélène Prémont et jaser avec elle. Marie-Hélène a remporté l’or de justesse et le lendemain, elle nous a cherchés pour remettre cette médaille à Élianne. Elle lui a dit que de penser à elle l'avait aidée dans sa course, elle a inscrit sur le ruban « cette victoire est aussi la tienne » et elle lui a dit qu'elle penserait à elle à Pékin!!!!!!!!!!!!!! Élianne a déjà demandé à son amie Virginie d'écouter cette course avec elle, il paraît que c'est le 22 août. Alors, en tant que groupe très très pro en ce qui a trait à la force de vos pensées, je vous demande d’encourager Marie-Hélène Prémont vers une victoire olympique! J’ai joint les deux photos prises avec Marie-Hélène.

Remise de la médaille d'or - 20 juillet 2008
Hier soir, mon cœur de mère s'est (un peu) serré. On regardait un documentaire sur la faune marine. Élianne m'a dit en voyant les biologistes sur leur bateau, comment ce devait être le fun comme job!!! Et pourtant, elle ne se rappelait pas que c'est ce qu'elle voulait faire. Elle a encore en elle ce désir, je lui ai dit que cela demandait de longues études, et d'elle-même elle a dit : « on verra » consciente de plus en plus qu'il y a des choses qui lui seront désormais difficiles.
Là, j'en suis plutôt à m'organiser pour mes... vacances.... Est-ce vrai? Je rushe pas mal pour tout faire, mais on part, Gilbert et moi, pour neuf jours à Cape Cod. Élianne est organisée, plusieurs personnes se relaieront ici pour être avec elle : Nico, Yves et Charlotte, Julie, mais je dois leur laisser ma longue liste d'instructions et c'est long à préparer!!! En fait, je crois qu'ils n'auront pas le temps de tout lire avant que je revienne!!!!!!!!!!!!! Et pour moi au programme : plage et lecture, et pour Gilbert : cigares et hamac!
Alors je vous souhaite à tous une belle fin (je devrais plutôt dire commencement, étant donné la température) d'été et je vous reviens à l'automne avec d'autres nouvelles sur les progrès de ma merveilleuse et courageuse fille.
xxx Jocelyne
Élianne prend de l'assurance avec sa canne
26 octobre 2008
Après que toute la pluie soit tombée sur nous hier... BON MATIN QUAND MÊME TOUT LE MONDE!
Ici la revenante du fond de la Montée Gagnon. Je ne vous ai pas oublié, mais les choses évoluant tranquillement, les nouvelles se font plus rares. Et, comme j'ai de petits problèmes avec mon compte Hotmail depuis qu'ils ont « reconfiguré » le site Internet (mon ordi est trop vieux et trop poche pour prendre tous ces changements), je ne peux pas relire ce que je vous ai écrit en juillet, donc pardonnez-moi d'avance si je me répète.
L'été 2008 a passé finalement assez vite et malgré le temps plus ou moins poche, nous en avons profité aussi. Disons que j'étais mieux chez-moi, sur le bord de ma nouvelle piscine que sur les trottoirs du boulevard Gouin! Et parlant de piscine, Élianne y a quand même passé pas mal de temps à s'exercer à plonger. Elle y arrive bien à partir des marches, mais elle est absolument incapable de se maintenir au fond de l'eau et d'y nager, et ce n'est pas faute d'avoir essayé!!!
Gilbert et moi avons pu prendre neuf grandes journées de vacances à Cape Cod, Élianne était bien pendant ce temps-là avec tous ceux qui se sont relayés pour lui tenir compagnie. On était tellement déconcertés de n'avoir que nous-mêmes à s'occuper qu'on faisait rusher notre amie Paule en étant, dès 9 h 30, bien prêts à partir pour la plage... J'ai lu à peu près 12 romans, cela vous en dit long sur mon niveau d'activité durant ces vacances!!! Élianne nous a fait promettre de l'amener l'an prochain, elle veut revoir ces belles dunes dont elle ne se rappelle rien, sauf sans doute une vague sensation de plaisir. Comme elle peut marcher maintenant de bonnes distances, elle pourra sûrement nous y accompagner, mais probablement pas refaire du « boogie board », elle qui passait normalement ses journées à jouer dans les vagues. Maintenant, la plus petite vaguelette la déstabilise totalement.
Renaud a passé une bonne partie de l'été avec nous, un été qu'il a terminé en beauté par un voyage d'un mois au Mexique avec Cynthia. Ils sont partis à l'aventure et ont bien aimé ça. Ils sont revenus en pleine nuit, juste la veille de notre départ à Élianne et moi pour les Îles de la Madeleine, juste à temps finalement pour déguster quelques verres d'une excellente téquila en nous racontant quelques-unes de leurs péripéties. Ils sont maintenant bien installés à Québec, Renaud étudie à l'Université Laval en géographie et Cynthia travaille dans les bibliothèques de la ville. Renaud viendra faire un tour cette semaine, il est en relâche et présentement en randonnée dans les Chic Chocs (chanceux a dit sa sœur).
Élianne, égale en cela à elle-même, aime toujours être dehors, faire des activités de plein air lui manque. Depuis qu'elle est plus autonome avec sa canne, elle sort souvent faire un tour dehors, marche dans l'entrée et sur le terrain. Elle a fait aussi plusieurs marches en forêt avec Gilbert ou Renaud, et elle se débrouille pas mal bien sur différents terrains. D'après son ergothérapeute, elle devrait pouvoir faire de la raquette cet hiver avec des bâtons de randonnée.
Élianne a beaucoup profité de nos vacances aux Îles pour prendre de l'assurance avec sa canne, elle se pratiquait pour son fameux marathon. Le 21 septembre, elle a marché 1 km en 18 min pour la Fondation du Bouclier. Elle était la seule vraie handicapée du groupe à marcher et ce fut toute une journée pour elle. Elle était bien fière et nous aussi. On était une dizaine à l'accompagner et nous avons aussi fait notre « marathon ». Quand on sait d'où elle part, on réalise à quel point c'était tout un exploit. Elle a pris beaucoup de force et d'endurance, au retour des Îles, on a remisé la marchette, elle, elle dit qu'elle l'a mise au recyclage!!! En passant, les vacances aux Îles c'était super, quand on aime la mer on est vraiment choyés là-bas.

Au marathon pour la Fondation du Bouclier : 1 km en 18 minutes
Élianne poursuit sa réadaptation au Bouclier de Saint-Jérôme, elle a maintenant un rythme de thérapies assez soutenu (c'est toute la gang de filles que vous voyez sur la photo). En août, lors du premier plan d'intervention, on a fixé les objectifs pour les trois prochains mois, et tout est en bonne voie de réalisation. Juste vous dire que l’objectif « autonomie avec la canne pour tous ses déplacements intérieurs » a été non seulement atteint en trois semaines, au lieu de trois mois, mais en plus, cela a été amplement dépassé puisqu'elle est généralement aussi autonome pour se déplacer à l'extérieur. Elle a besoin d'aide s'il y a un obstacle (genre chaîne de trottoir), mais même dans ce cas-là elle a commencé à apprendre comment faire. Quand elle est fatiguée, elle est moins sûre d'elle et demande une présence à ses côtés pour marcher, mais c'est rare ou juste par petites périodes. On a même fait une randonnée de près de 2 km l'autre jour dans des sentiers près de Sherbrooke, elle a bien suivi et avait juste un peu mal aux pieds après.
Avec ses thérapeutes du Bouclier, elle travaille beaucoup en physiothérapie pour l'équilibre, elle en a regagné quand même pas mal, c'est à poursuivre. Elle apprend à se faire un déjeuner toute seule, de façon efficace (genre 15 min), elle travaille beaucoup son bras gauche et il y a toujours un peu d'amélioration de ce côté. Elle travaille vraiment fort à identifier différentes choses, à les décrire, les nommer (ustensiles de cuisine, animaux, etc.), ce qui reste tout un défi pendant pour elle. Elle va au Bouclier trois à quatre fois par semaine pour quelques heures, et son éducatrice et son ergothérapeute viennent aussi à la maison. Avec tout cela, plus ses multiples autres rendez-vous (ostéopathe, massage, acupuncteur, entraînement de vélo, Padovan, ergothérapie en privé avec Laurence), elle a un horaire de ministre!!! Elle dort 10 à 12 heures par nuit pour récupérer et retrouver de l'énergie pour le lendemain!!!
Tranquillement, tout s'améliore. Elle reconnaît plus facilement les gens, du moins ceux qu'elle voit régulièrement. Elle apprend à s'orienter un peu plus, donc à observer, car l'orientation spatiale demeure un gros problème pour elle. Elle apprend à compenser sa mémoire défaillante (très défaillante, malgré l’amélioration) en notant tout, en se servant de son agenda. Elle travaille très fort pour maintenir les contacts avec ses amis, ce qui n'est pas évident. Nous sommes allés à Sherbrooke en octobre et y retournons en novembre, c'est vraiment important pour elle et nous nous arrangeons aussi à l'occasion pour qu'elle puisse passer une soirée à Montréal où sont tous ses amis.
Reprogrammer le cerveau
26 octobre 2008 (suite)
Bref, elle persévère, a un bon moral, travaille encore et toujours très fort, avec encore autant de détermination. Elle a bien mérité la plaque remise lors du party de fin de saison du club de vélo : COURAGE ET TÉNACITÉ!!! Parlant de vélo, une autre belle surprise concoctée par Serge : il est venu faire l'entraînement d'Élianne avec Jean Quevillon, médaillé d'or en cyclisme paralympique à Pékin! C'était bien et très encourageant pour nous et pour Élianne de jaser avec lui, de voir d'où il est parti (traumatisme crânien sévère il y a 25 ans) et où il est rendu maintenant. Élianne a toujours comme rêve de remonter un jour sur son vélo, même si pour l'instant elle se contente de pédaler sur sa base, elle n'oublie pas son objectif.
D'ailleurs, l'équilibre étant une chose très importante pour pouvoir justement un jour remonter sur un vélo, elle a fait de grands progrès grâce à une nouvelle thérapie : la méthode Padovan. Je vous en ai déjà parlé, je crois, mais je peux vous dire maintenant, après cinq semaines de thérapie, que c'est vraiment spécial, extraordinaire et incroyable!!! Dès la première séance, nous avons vu une différence dans l'équilibre. Cela s'appelle de la « réorganisation neuro-fonctionnelle » et c'est une série d'exercices qui vise à « reprogrammer » le cerveau. Elle refait des mouvements que font tous les bébés du monde : rouler, ramper, marcher à quatre pattes, sucer une suce, claquer la langue, etc. On va à Blainville, c'est une ergothérapeute qui a une clinique privée et je me considère très chanceuse d'être tombée sur quelqu'un de très compétent, car certaines personnes « s'improvisent » thérapeutes Padovan après avoir suivi seulement quelques cours. Isabelle, elle, est en train de se certifier pour justement certifier d'autres thérapeutes et mettre fin à l'improvisation par n'importe qui. Je vous en reparlerai certainement, mais déjà, sans m'attendre à des miracles, je peux constater les progrès. Cette thérapie est bonne pour tous les problèmes neurologiques et c'est dommage que cela ne soit pas vraiment connu et surtout payé par la SAAQ¹!!!
En parlant de SAAQ, comme Élianne ne peut pas encore rester seule (à cause de sa mémoire), ils continuent de payer le maximum par jour, cela me permettra de rester à la maison avec elle. Je commence aujourd'hui mon congé sans solde, j'ai pris un an et j'ai bien l'intention de le mettre à profit pour poursuivre la réadaptation avec Élianne, croyez-moi, la SAAQ en a pour son argent (et le vôtre...), nous sommes loin de faire du simple « gardiennage ». Je m'occupe plus du côté « intellectuel » et cognitif de la chose et Gilbert, lui, assume, le côté « physique » avec les exercices de Padovan à faire à la maison, les sorties en forêt, etc. Élianne fait presque toutes ces petites activités quotidiennes (on appelle cela des AVQ en langage professionnel) elle-même, elle a juste besoin parfois de certains rappels ou de coaching, mais de moins en moins, elle entre et sort maintenant du bain toute seule à l'aide d'une barre. Les nouvelles rampes à l'extérieur lui permettent aussi de sortir et d'aller marcher sur le terrain sans nous. Elle a même voté aux élections, elle y tenait et a fait quelques lectures sur les candidats avant de se décider, égale à elle-même là aussi, elle a spontanément opté pour le Parti vert, d'autant plus que c'était un de ces anciens profs qui était candidat.
En septembre, nous avons organisé un dîner avec ses thérapeutes de l’Hôpital juif de réadaptation de Laval, elles sont toutes venues, y compris le Dʳ Steverman, (nous avons fait cela à Transacc) et Élianne était bien fière de pouvoir leur montrer comment elle marche. Elle a reconnu tout le monde.

Comme nous ne lâchons pas, nous entreprenons une autre thérapie prochainement : la chambre hyperbare, je vous en reparlerai. Un des prochains objectifs d'Élianne sera de pouvoir rester seule pour une heure, elle travaillera cela avec son ergothérapeute et nous espérons bien que cela mènera éventuellement à une plus grande autonomie pour elle. Je ne vous cache pas que tout cela est très exigeant pour nous à tous les niveaux, mais rassurez-vous, j'ai pris de bonnes résolutions, j'ai recommencé à sortir un peu et à voir mes amies sans la présence d'Élianne, et pour les prochains mois, mon plus grand défi sera de me remettre un peu en forme, n'ayant pratiquement pas bougé depuis maintenant (déjà?) presque 18 mois. Dès que la saison de Gilbert sera terminée, je profiterai de sa présence pour me dégager un peu.
La semaine prochaine, Élianne a rendez-vous à l’Hôpital du Sacré-Cœur pour le suivi en pneumologie, je pense bien que la Dʳ Choinière lui donnera son congé. Nous en profiterons pour aller saluer nos bons médecins.
Finalement, le temps passe assez vite malgré tout. J'ai moins de périodes de découragement, j'ai souvent même pas mal d'espoir quand je la vois aller et travailler si fort. Mon amie Martine (la mère de Marie-Christine, une traumatisée crânienne elle aussi) a consulté une voyante dernièrement. Elle lui a dit qu'il y avait sa fille d'avant, sa fille de maintenant et sa fille d'après. Et... que c'est son amour qui l'a gardée en vie... Je crois sincèrement que cela s'applique à Élianne aussi, et je l'entoure de tout cet amour qui m'a permis de la garder près de nous (eh oui, je m'attribue une bonne part du mérite). Je vous mentirais si je disais que je ne m'ennuie pas de l'ancienne Élianne à l'occasion, mais je peux dealer avec cela et surtout très bien vivre avec la nouvelle. J'ai eu un petit rush la semaine dernière : j'ai lavé les draps qui venaient de sa résidence étudiante à Sherbrooke et juste avant de les mettre dans la laveuse je me suis mis le nez dedans dans l'espoir de « sentir » ma fille, celle d'avant. Malheureusement, cela sentait juste l'humidité du fond de la cave!
Je vous ai mis quelques photos, entre autres celle prise avec Céline Dion lors du spectacle au Centre Bell en août.
Alors, chers et fidèles amis, je vous embrasse tous et vous reviendrai sûrement un jour avec... la suite.

¹ SAAQ: Société de l'assurance automobile du Québec
De plus en plus autonome
2 février 2009
Bonjour, bonjour tout le monde,
Et même si c'est avec un peu de retard : BONNE ANNÉE 2009 à vous tous et toutes, chers fidèles lecteurs et lectrices.
Depuis quelques semaines, je rencontre du monde qui me fait, gentiment, remarquer que cela fait pas mal longtemps que je ne vous ai pas donné de nouvelles de ma poupoune et je m'empresse d'y remédier. Juste pour me déculpabiliser un peu, je peux vous dire que je n'ai JAMAIS été si occupée que maintenant. Pas qu'Élianne demande beaucoup d'aide pour ses petites affaires ou ses soins, mais plutôt parce que c'est toute sa vie et sa réadaptation en général qui me demandent une organisation et une attention de tous les instants afin de maximiser les résultats. Elle, au contraire, est de plus en plus autonome pour tout.
Élianne a cependant encore besoin de la présence de quelqu'un avec elle, sa mémoire et ses problèmes d'interprétation de son environnement font qu'elle ne peut pas, pour l'instant, être seule. Nous travaillons présentement à ce qu'elle puisse le faire, de façon sécuritaire, pour une heure à la fois, c'est un des objectifs du dernier plan d'intervention avec ses thérapeutes. MAIS : malgré l'avis de toute l'équipe de thérapeutes et du neuropsychologue qui a fait une évaluation de sa mémoire, la SAAQ refuse de payer la « surveillance continuelle » depuis le 2 novembre, je dois donc aller en révision de sa décision, comme si je n'avais que cela à faire, et cela peut prendre plusieurs mois avant qu’elle rende une décision. Le gars, dans son bureau de Québec, a décidé!!! D'après l'ergothérapeute, il a une job de bras à faire et elle est d'avis que je fais bien de contester. En attendant, la SAAQ donne un gros 46 $/jour pour l'aide personnelle dont Élianne a besoin (attacher ses cheveux, faire ses repas, etc.) et ce montant diminuera probablement encore à partir de février, car Élianne se débrouille de plus en plus seule pour effectuer sa routine quotidienne.
Élianne a atteint jusqu'ici tous les objectifs fixés dans les plans d'intervention : elle fait son lit, prépare son déjeuner, s'habille, prépare ses choses (genre sacoche), appelle son taxi, etc. elle-même; elle est maintenant autonome pour tous ses déplacements à la maison et pour la majorité de ceux à l'extérieur, marche avec sa canne sans problème, franchit les chaînes de trottoirs et autres obstacles avec juste de la surveillance, monte les escaliers facilement s'il y a une rampe à droite (avec surveillance et/ou aide si non), prend son bain ou sa douche complètement seule, s'occupe de nourrir ses animaux; elle a réappris à faire des boucles, a de plus en plus de vocabulaire. Depuis une semaine, sa physiothérapeute lui a demandé de se déplacer sans canne dans la maison, ce qu'elle fait même si elle a un peu peur. Son score pour l'équilibre est passé de 24/56 à son arrivée au Bouclier à 43 maintenant, ce qui est une bonne évolution et cela devrait progresser encore même si les points manquants pour arriver à 56 seront plus difficiles à avoir, puisque ça implique des choses plus complexes. Elle a besoin de coaching pour accomplir tout cela, surtout en fait de rappel quant aux notions de temps et d'organisation de ses journées. Elle se sert bien de son agenda, apprend à compenser sa mémoire défaillante (par exemple, en se mettant des rappels sur des post-it), tient méticuleusement son journal et son « cahier de contacts » (outil qui lui sert à se rappeler qui elle a vu, à qui elle a parlé, écrit, etc.) et se sert aussi maintenant d'une petite enregistreuse quand elle n'a pas le temps de noter les choses afin de le faire plus tard.
Elle est très occupée aussi, en plus des thérapies au Bouclier : elle y va toujours une fois par semaine pour faire du Padovan (et d'ailleurs, je suis toujours aussi enchantée par les résultats) et elle fait ses exercices quelques fois par la suite. Elle fait des entraînements de vélo quelques fois par semaine aussi, Serge a montré à Gilbert comment l'aider et je peux vous dire que maintenant, en montant sur un petit banc de deux marches, elle monte seule sur son vélo (avec quelqu’un à côté d'elle quand même). D'après certaines lectures que j'ai faites, l'exercice de type aérobique, donc qui fait monter les pulsations cardiaques, est très bénéfique pour la mémoire puisqu'il est prouvé maintenant qu'il amène une meilleure irrigation au cerveau, amenant ainsi des facteurs de croissance et la formation de nouveaux vaisseaux sanguins, et je peux vous dire que ses pulsations augmentent en masse (jusqu'à 170) et qu'elle finit sa séance en sueur, toujours bien contente.

Elle fait aussi de la raquette avec nous, elle adore être dehors et même si elle se trouve ben « poche » de ne pas aller plus vite, elle apprécie cette activité qui la ramène à ce qu'elle est, une fille qui aime le sport et le plein air! Ces jours-ci par contre, elle est un peu « handicapée » par des maux de dos et de cou qui sont assez pénibles, et elle a fait un peu moins d'exercices qu'à l'habitude. Elle voit l'acupuncteur cet après-midi et on espère que cela va l'aider. Comme elle a des sous (compensations pour ses sessions manquées), elle s'est acheté un spa, du moins, en a payé une bonne partie et elle en profite, et nous aussi bien sûr ainsi que Renaud, ses amis, nos amis, etc. Ce sont de bons moments de détente.
Il faut stimuler le cerveau
2 février 2009 (suite)
Côté mémoire, le problème majeur, elle a eu une évaluation par un neuropsychologue. Nous l'avons rencontré la semaine dernière pour qu'il lui fasse part des résultats et comme elle a bien compris, c'est assez « pourri »... mais... avec, comme il dit, un côté positif : Élianne « encode » l'information, donc possibilités d'améliorer sa mémoire, autant rétrospective que prospective par des exercices appropriés. Il dit qu'elle pourra s'y consacrer après la fin de sa réadaptation au Bouclier (probablement quelque part entre mai et octobre 2009) parce que pour l'instant son cerveau est trop occupé à TOUT réapprendre. Il dit que ce que l'on fait est adéquat et suffisant pour l'instant, qu'il est bon de stimuler comme on le fait par toutes sortes de jeux, le cerveau ayant une certaine plasticité, il faut le stimuler pour qu'il s'améliore et développe de nouvelles connexions, mais qu'il y a une limite et qu'il doit aussi y avoir des périodes de repos, exactement comme nous le faisons. Donc, c'est rassurant de savoir qu'on est dans la bonne voie et que l'on fait les bonnes choses!!! Il dit que la mémoire peut s'améliorer sur cinq ans si elle y met suffisamment d'efforts, mais qu'il est peu probable qu'elle puisse reprendre des études ou même exercer un emploi rémunérateur, du moins dans un contexte de « performance », ce qui ne l'empêchera pas non plus de faire plein de choses qu'elle aime et qui lui apportera de grandes satisfactions.
Parlant de mémoire, Élianne a fait, comme je l'ai déjà mentionné, des séances d'hyperbare (40) dans une chambre gentiment prêtée par Annabelle et Philippe. Pendant toute la durée des séances, elle avait effectivement beaucoup plus de mémoire pour se rappeler des choses récentes, ce qui était bien encourageant. Cependant, les effets ont semblé s'estomper dès l'arrêt des traitements et c'était un peu décourageant de la voir revenir à des niveaux de mémoire assez minimes. Sauf que depuis ce temps, j'ai remarqué une légère, mais significative amélioration, et je suis à chercher d'autres traitements pouvant aider, mais un peu moins compliqués et plus accessibles que l'hyperbare. J'ai fait quelques lectures sur passeportsanté.net et autres sites Web sur la méthode de « synchronisation des ondes cérébrales » et j'irai avec Élianne chez l'acupuncteur de Marie-Christine qui a, pour sa propre fille traumatisée crânienne, un appareil « mind machine » qui émet des ondes (alpha, bêta, thêta, selon les résultats désirés) ainsi que des lunettes avec de petites lumières stroboscopiques. Après une longue conversation téléphonique avec Steve, le kinésithérapeute de Marie-Christine, cette méthode utilisée pendant au moins trois mois, à raison de quatre à cinq séances de 30 min par semaine, pourrait avoir des résultats intéressants. Cet appareil ne coûte pas trop cher, il est facile à utiliser et on peut en acheter sur des sites Web américains et l'avoir à la maison. C'est à suivre...
Autre possibilité à suivre : nous rencontrons la semaine prochaine à Québec, un chercheur du CHUL qui fait une recherche en neuromodulation et qui voudrait inclure Élianne dans son protocole. Comme on devait de toute façon aller voir Renaud et Cynthia, nous joindrons l'utile à l'agréable et M. Schneider nous fera visiter son labo, et nous verrons comment il sera possible, pratiquement parlant, d'y inclure Élianne. Ils font cette étude depuis déjà assez longtemps pour savoir de façon certaine que ça apporte des améliorations côté moteur, donc Élianne pourrait améliorer le contrôle de son bras gauche et de son pied droit, et aussi possiblement (c'est à voir) avoir des gains côté mémoire. Selon lui, il est évident que les problèmes d'Élianne (orientation spatiale, interprétation de son environnement, reconnaissance des visages) sont effectivement des séquelles du choc occipito-temporal droit. Leur processus de traitement implique une résonance pour déterminer les zones atteintes et par la suite, de stimuler ces zones par des ondes magnétiques. À court terme, il ne semble pas y avoir d'effets secondaires, je veux juste aussi m'informer des risques à long terme et nous déciderons alors s'il y a lieu ou pas d'aller en ce sens. Je lui parlerai probablement aussi de Marie-Christine, car s'il peut l'inclure, cela nous ferait à Élianne et moi, des voyages à Québec plutôt agréables et plaisants en sa compagnie et celle de Martine, sa mère et mon amie et une nouvelle sœur! On pourrait possiblement commencer en mai, à raison d’une fois par semaine.
Élianne continue d'avoir un bon moral, mais elle a parfois des périodes de grande tristesse. Elle trouve difficile de penser à ce qu'elle perd, au fait qu'elle ne vit pas la même vie que les autres de son âge : sorties, études, chum, liberté, etc., et d'être isolée chez papa-maman. Elle a parfois de grands moments de conscience de sa réalité, je trouve ces moments assez souffrants, mais en même temps je me dis qu'ils sont nécessaires pour amener une certaine guérison. Elle travaille très fort pour maintenir les contacts avec ses amis et même si ce n'est pas pareil, elle arrive à voir du monde de façon régulière. Ce qui sera bon pour son moral prochainement : elle part à Cuba avec sa grande amie Roxane de Sherbrooke, celle-ci a reçu ma longue liste d'instructions (j'exagère un peu) dont celle-ci : « regarder, mais ne pas toucher », en parlant des beaux Cubains!!! Pendant ce temps : repos total pour Gilbert et moi, même Renaud sera persona non grata à la maison!!!
Élianne est toujours aussi drôle et aime toujours autant rire de sa mère (et de son père aussi). Ces temps-ci, je me laisse pousser les cheveux et comme je dois me résoudre à passer par une période où ma tignasse est totalement folle et bizarre, j'ai averti tout le monde que c'était un sujet tabou. Bien sûr, Élianne s'amuse comme une folle en me faisant des blagues à double sens ou en riant juste à me regarder parfois. Elle a toujours un bon sens de la répartie et elle est de plus en plus « baveuse », et j'avoue que cela me plaît pas mal. Il y a encore de la terrible poupoune là-dedans!!!
On ne lâche pas, nous travaillons toujours aussi fort avec Élianne et, malgré des périodes de nostalgie ou de découragement, je demeure positive même si ma patience (légendaire...) est mise à rude épreuve, et j'apprends (un peu) à laisser au temps... le temps justement...
À la prochaine, merci de garder Élianne dans vos pensées.

Un anniversaire émotif
20 mai 2009
BONJOUR TOUT LE MONDE, et bon printemps,
Il y a deux ans, Élianne commençait son long séjour aux soins intensifs, et Sylvain était en route pour Rimouski pour nous ramener Renaud...
C'est bien sûr que « l'anniversaire » du jour qui a changé toute notre vie est un moment assez émotif et j'avoue que cet hiver j'ai trouvé certaines périodes difficiles, le temps qui passe me pèse pas mal par bouts, parfois je ne peux m'empêcher de comparer la vie d'Élie (c'est sa nouvelle façon d'écrire son nom avec le « e », sa nouvelle personnalité!) avec celle des autres, avec sa vie d’avant et de me désoler devant tous ses rêves envolés, et les miens aussi. L'inquiétude pour le futur est parfois assez envahissante. Par contre, je vois tous les progrès qu'elle fait, toute la détermination qu'elle a encore pour atteindre ses buts, je compare avec il y a un an et je vois tout le chemin parcouru et je me dis qu'elle va y arriver. Non pas à redevenir comme avant, c'est vraiment un grand deuil à faire, mais du moins à obtenir son autonomie et à trouver sa place dans la vie, avoir des buts, des activités qui la nourrissent.
La semaine dernière j'ai accompli un véritable pèlerinage : Élianne et moi avons rencontré une partie de l'équipe de médecins à l’Hôpital du Sacré-Cœur, ils l'ont présentée à leur gang de résidents avec qui ils avaient étudié son « cas », le Dʳ Verdant a redit clairement que finalement, elle avait été leur pire TOUTTTTE!!! Je sais qu'ils sont toujours pris dans leur dilemme éthique : « Est-ce que ça vaut la peine? Est-ce qu'on fait bien de continuer? Quelle qualité de vie aura cette personne? », et que la réponse à ces questions n'est pas évidente et que chaque jour leur travail les amène à se les poser. Un étudiant a demandé à Élie si elle était contente qu'ils aient fait tout cela pour elle... elle a dit oui. Après cette visite, suite du pèlerinage, nous avons été dormir chez... les Sœurs de la Providence, histoire de rester à Montréal puisque nous allions à Sherbrooke le lendemain (elle y a fêté ses 20 ans avec Roxou et Alexou pendant que moi je passais deux jours à me reposer au motel), et de revoir sœur Germaine avec qui nous avons pas mal jasé. En tout cas, c'était ce dont j'avais bien besoin à ce moment-là, une place tout près et très tranquille, mais là, franchement, je ne serais plus capable, Élianne a trouvé l'ambiance ben, ben plate!!! Mais elle a bien ri et parlé avec sœur Aline.
Élianne poursuit sa réadaptation à temps plein au Bouclier à Saint-Jérôme, normalement cela se serait terminé le 19 mai puisque la SAAQ considère que deux ans c'est le maximum, mais les thérapeutes ont recommandé une prolongation de trois mois, donc jusqu'en août, et probablement qu'ils vont en demander une autre jusqu'en novembre. C'est bien certain que la fin de la réadaptation « officielle » et active est un moment qui m'inquiète, car Élianne aime aussi être occupée et surtout faire des progrès, et je crains un peu qu'elle se décourage à ce moment-là. Par contre, pour l'instant, son horaire est tellement chargé qu'il y a peu de places pour des activités ou des exercices plus cognitifs ou pour améliorer sa mémoire, et nous verrons à lui faire un horaire de « thérapies-maison ». Finalement, la réadaptation se fera davantage à la maison, à notre façon, car plusieurs mois seront nécessaires aussi pour intégrer dans son quotidien tout ce qu'elle apprend, nous sommes déjà des thérapeutes, nous le serons juste encore davantage... J'ai l'impression qu'après, c'est un peu le grand trou noir, genre « débrouillez-vous avec vos problèmes »!!! Mon principal but est qu'elle puisse devenir assez autonome pour vivre en appartement, je crois qu'elle va y arriver, car pour elle, la Montée Gagnon ce n'est pas l'idéal, elle y est assez isolée et il faudrait qu'elle puisse emménager ailleurs, probablement en ville afin de se rapprocher des gens et des activités. Et pour ceux qui croient que le transport adapté est une solution, vous vous bercez d'illusions, du moins en région, je le sais, j'ai vérifié, elle est éligible, mais ils peuvent la transporter à... Sainte-Agathe et qu'y a-t-il à faire là???

Parlant de thérapies, Élianne a continué tout l'hiver ses séances de Padovan et j'en suis toujours aussi enchantée. Cela l'aide beaucoup, à tous les niveaux. Nous sommes présentement en pause de Padovan, elle fait quand même les exercices à la maison, mais nous n'allons plus voir Isabelle pour un bout, car Élie a commencé le protocole de recherche à l'Université Laval avec Cyril Schneider et son équipe, et cela implique que nous allions à Québec une fois par semaine pendant les mois de juin et juillet. C'est vraiment très intéressant et prometteur.

Il y a deux protocoles, un sur le contrôle moteur, l'autre sur la mémoire et cela consiste en de la stimulation, soit directement au niveau crânien, soit en périphérie (sur les membres supérieurs et inférieurs), à l'aide d'ondes électromagnétiques, soit en continu pour inhiber certains muscles, soit en intermittent pour en stimuler d'autres. Après une seule séance, Élianne a pu contrôler mieux son poignet gauche et sa cheville droite. Ils sont présentement à calibrer leur machine, selon les résultats de la résonance magnétique et des tests neuropsychologiques, pour commencer dès la semaine prochaine le protocole sur la mémoire. Ce protocole est vraiment nouveau, on ne sait pas s'il va donner des résultats, mais on espère que oui. En tout cas, nous avons beaucoup de plaisir à travailler avec cette équipe, ils sont tous très gentils avec les filles (Marie-Christine y participe aussi) et avec nous, les « mômans » et nous profitons de nos passages pour nous promener dans le Vieux-Québec puisque l'auberge de jeunesse (oui, oui, ils acceptent même les vieilles peaux!!!) y est située.
Explorer les sports adaptés
20 mai 2009 (suite)
Hier, Élianne était toute fière puisque Caroline, sa physiothérapeute avec qui elle a beaucoup de plaisir, d'ailleurs elle s'entend bien avec tous ses thérapeutes, lui a dit que maintenant, elle pouvait commencer à marcher sans canne à l'extérieur de la maison, mais avec, au début, une supervision. Naturellement, à nous de juger s'il n'y a pas trop d'obstacles et si la canne est nécessaire, mais c'est un gros plus pour elle. C'est bien certain qu'elle ne peut pas faire une longue distance comme cela, mais c'est une bonne amélioration. Aussi, elle commence à monter et descendre les escaliers en alternant, et non plus en mettant les deux pieds sur chaque marche. Ses derniers tests d'équilibre ont montré aussi une très bonne amélioration et d'après Cyril, à la vue de la résonance magnétique, comme le cervelet n'est pas touché, elle devrait retrouver un assez bon équilibre. D'après lui aussi, quand son cerveau sera moins « occupé » à travailler aussi fort pour que le corps soit en mouvement, il restera davantage d'espace pour le cognitif, car pour l'instant, toute l'énergie est dépensée à se mobiliser.
Par contre, la résonnance magnétique et les tests neuropsychologiques ont bien mis en relation les séquelles cognitives avec le portrait de son cerveau. La principale zone touchée est l'occipital droit, on voit très bien le ventricule droit très dilaté comparé au gauche, finalement, le liquide a pris la place des neurones morts. Ce qui explique les « gnosies visuelles » et les « praxies », donc difficulté à reconnaître certaines choses, à savoir comment « faire », à reconnaître les visages, à percevoir son environnement, à s'orienter dans l'espace, puisque toute la zone où normalement s'impriment les images est morte.
Ce qui influence aussi sa mémoire, car notre mémoire est aussi faite d'images lesquelles ne s’enregistrent pas dans son cas. C'est le temps et certains exercices qui aideront, jusqu'à un certain point, à ce que d'autres zones prennent, en partie, le relais. Disons que les résultats des tests neuropsychologiques démontrent d'assez graves problèmes cognitifs, mais... elle n'a pas dit son dernier mot et il y a encore place pour pas mal d'améliorations. Surtout que tous les rapports sont unanimes à dire qu'elle a un moral et une détermination exceptionnels, et aussi... une mémoire musicale phénoménale!!! Disons que cela compense pour les autres mémoires qui, même si elles s'améliorent, ne sont pas encore suffisantes pour être fonctionnelles et donc Élianne a encore besoin d'une présence continuelle pour sa sécurité et son organisation, ce que j'essaie encore de faire reconnaître par la SAAQ puisqu'elle n’a pas encore statué (je suis encore en révision de sa décision) si elle acceptait ou non de payer pour la « présence continuelle », et ce, malgré l'avis de tous ses thérapeutes.
Élianne est maintenant autonome pour pas mal d'affaires à la maison, elle se débrouille seule pour son bain ou sa douche, pour s'habiller (il lui reste à apprendre à choisir ses vêtements, ce qui n'est pas simple pour elle), elle fait son déjeuner, vient de réapprendre à se faire un sandwich. En fait, dès qu'elle intègre une nouvelle chose, on en rajoute une autre!!! Je l'aide beaucoup pour maintenir ses contacts, elle a un cahier dans lequel elle inscrit à qui elle écrit, elle parle, etc., et cela l'aide pour faire un suivi avec ses amies et elle le fait de plus en plus seule. Elle intègre de plus en plus de trucs pour compenser sa mémoire, se sert bien de son agenda et éventuellement, on verra pour un organisateur électronique avec sonneries de rappel, etc., elle tient toujours religieusement son journal, se sert de sa petite enregistreuse de poche quand elle n'a pas le temps ou la place pour écrire et elle le retranscrit par la suite. Là, elle doit apprendre à gérer un peu son budget puisqu'elle a commencé cette semaine à recevoir son revenu de compensation de la SAAQ. Au moins, côté financier, elle sera correcte, elle reçoit l'équivalent du salaire moyen au Québec puisqu'elle était étudiante au moment de l'accident, et cela lui permettra de vivre et même de mettre des sous de côté pour des projets, des voyages ou autres. De plus, l'an prochain, elle devrait recevoir un bon montant pour les séquelles permanentes, argent dont elle pourra se servir éventuellement pour s'acheter un petit chez elle.


Un des objectifs d'Élianne dans le dernier PI (plan d'intervention) était d'explorer les sports adaptés, elle a bien hâte de pouvoir bouger plus. Nous avons donc assisté au Défi sportif au début de mai, elle a pu voir le hockey-balle pour les traumatisés crâniens et a même discuté avec une fille qui joue dans l'équipe de Sherbrooke, je crois qu'éventuellement cela pourrait l'intéresser. Aussi, elle a essayé et beaucoup aimé l'équitation adaptée dans un ranch à Sainte-Anne-des-Plaines, elle veut en refaire. Elle s'est acheté un vélo adapté, c'est un vélo plus bas auquel ils rajouteront des roues stabilisatrices (un peu comme les petites roues des vélos d'enfants) pour l'instant, et que nous pourrons éventuellement enlever si son équilibre le permet. Attention, je vous mets en garde, Gilbert et Renaud lui ont offert un super clairon pour que tous s'écartent sur son passage dans le parc linéaire!!! Elle a vraiment hâte d'en faire, en attendant, elle continue de s'entraîner sur son vélo sur une base fixe, Serge la fouette de façon régulière et maintenant elle embarque, débarque (en montant sur un petit banc de deux marches) et clippe ses pédales seule.
Tout cela c'est bien beau, mais c'est taxi-maman et taxi-papa qui accompagnent fifille à ses activités, j'avoue que j'aimerais être un peu moins occupée, mais c'est pour la bonne cause! Gilbert s'est tapé pas mal les raccompagnements cet hiver et je viens de reprendre le flambeau, j'accompagne aussi Élianne à ses activités « sociales », elle a participé dernièrement à une activité de sensibilisation à la Polyvalente Deux-Montagnes visant la prévention des accidents de la route auprès des finissants. Élianne faisait partie des quatre jeunes, TCC, témoignant des séquelles sur leur vie et de tout ce qu'implique la réadaptation suite à un accident. Elle aime beaucoup participer à ce genre de rencontres et je pense que ce ne sera pas la dernière. De plus, elle s'exprime de mieux en mieux, ce qui est bien apprécié par les intervenants.

Mon témoignage de parent
20 mai 2009 (suite)
Élianne cherche de plus en plus, et ce n'est pas étonnant de sa part, à être plus autonome et moins dépendante de nous. Elle a passé une semaine à Cuba avec son amie Roxane en mars dernier et nous avons été, Gilbert et moi, dix jours à Barcelone, ce furent des occasions pour elle de se débrouiller sans nous, elle doit apprendre aussi à mieux exprimer et expliquer ses besoins d'aide aux autres. Et pour nous ce furent des vacances bien appréciées puisqu'il faut le dire, nous n'avons jamais autant travaillés ni été aussi occupés, et je n'ai toujours pas repris mon emploi, cela devrait se faire cet automne. Renaud est ici pour une partie de l'été, il travaille avec Gilbert et comme d'habitude, Élianne est bien contente de sa présence, comme elle dit toujours « cela rajeunit la moyenne d'âge de la maison ».

Élianne est vraiment agréable à vivre, elle est de bonne humeur, rit facilement, fait des blagues, a beaucoup de répartie et a l'esprit assez vif pour se moquer de nous. Elle a beaucoup de reconnaissance pour ce que l'on fait pour elle et le manifeste, et cela fait vraiment une différence et nous aide à accepter plus facilement tout ce grand bouleversement dans nos vies. Je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve, j'essaie encore et toujours de prendre une journée à la fois et de mettre les pensées sombres de côté, mais je n'ai pas grand contrôle là-dessus non plus. En juin, il y aura comparution de Madame Diotte pour sa libération conditionnelle, j'ai été invitée par la Commission des libérations conditionnelles à assister à l'audience et à partager un témoignage aux commissaires, texte que j'ai dû soumettre cette semaine et dont je vous mets ici des petits bouts :
« Comme tout parent d’enfant handicapé, je vis maintenant avec l’angoisse de « l’après » : qui s’occupera d’Élianne quand je ne serai plus là? Le plus difficile est de devoir faire le deuil de ses rêves à elle et de mes rêves pour elle. Je ne peux m’empêcher souvent de penser à tout ce qu’elle aurait fait et qu’elle ne fera pas, à m’inquiéter pour le futur, à me demander si un jour elle pourra retrouver une certaine autonomie, trouver un amoureux, avoir des activités qui la rendent heureuse. Quand je vois ses amis ou d’autres jeunes de 20 ans, je ressens toujours un pincement au cœur à constater tout le monde de différence entre leur vie et la sienne, surtout la liberté qu’elle n’a plus, elle qui l’avait désiré si fort. Élianne avait cinq ou six ans quand elle m’a dit : « maman, je n’aurai pas assez de toute ma vie pour faire ce que je veux faire », c’était vrai…
Je ne suis pas quelqu’un qui croit que la prison est toujours la solution aux problèmes de délinquance. En fait, je n’étais pas certaine au moment du procès que c’était la meilleure solution. Dans ma grande naïveté, je croyais sincèrement qu’il était encore possible pour Madame Diotte de se désintoxiquer, que cette épreuve pouvait lui servir pour changer et donc ne plus reproduire les comportements qui ont causé l’accident. J’ai déchanté pas mal quand nous avons pu constater le matin du procès que malgré neuf mois de thérapie au Portage, madame avait rechuté. Je travaille dans le milieu de la santé et les thérapies du Portage sont généralement reconnues comme les meilleures au Québec. Alors si même cela ne fonctionne pas, c’est peine perdue.
Pour Élianne, il est trop tard et quoi que vous décidiez, cela ne changera rien pour elle. Je considère maintenant que le plus important est que madame ne puisse plus se retrouver dans une situation où elle peut combiner consommation et conduite automobile. Et il est évident qu’à l’extérieur du pénitencier, ces deux conditions sont facilement réunies, car tout le monde sait que d’avoir ou non un permis de conduire n’est pas un obstacle pour prendre le volant quand une automobile est disponible et il semble que dans l’entourage de madame, personne n’est assez responsable pour l’empêcher de le faire, à preuve, les événements du 19 mai 2007 au soir et les premières pages des journaux qui de façon régulière nous témoignent de récidivistes sans permis, en état d’ébriété, ayant causé un accident.
Il se peut que la vie qu’a vécue madame depuis son enfance soit considérée comme une circonstance atténuante, pour moi, au contraire, elle est une garantie que probablement il est trop tard pour elle, que ses bases ne sont pas suffisamment solides pour permettre une « réadaptation ». D’ailleurs, j’ai encouragé tout mon entourage cette année à contribuer à la Fondation du Dʳ Julien, pédiatre social qui travaille avec les enfants des milieux défavorisés, en espérant que peut-être ces dons serviront à ce que l’un de ces enfants ne deviennent pas un jour un Monsieur ou une Madame Diotte qui un soir de mai, dans 40 ans, enlèvera à une belle jeune fille, ses rêves, ses espoirs, sa vie… »
Je vous remercie chers amis d'être toujours fidèles au poste même si je me fais plus rare et de rester touchés par Élianne et sa vie. Je suis très fière d'elle, elle est vraiment exceptionnelle.
Je vous souhaite à tous et à toutes un bel été, chaud et ensoleillé comme je me le souhaite finalement, car j'ai bien l'intention, entre mes escapades à Québec, de profiter de mon chez-nous.
À la prochaine,
xxx Jocelyne
Trois ans plus tard!
15 mai 2010
BONJOUR, BONJOUR, BONJOUR,
Ça fait déjà plusieurs semaines que je veux vous écrire, vous donner des nouvelles. En fait, j'avais pensé envoyer un message pour vous souhaiter la Bonne Année... je suis donc un peu en retard!!! Comme le temps me manque pas mal, j'ai décidé de faire un journal des points forts et de vous parler de notre année par petits bouts, par petites chroniques, que vous pourrez ainsi aussi lire dans vos vies de fous et de folles à vous.
Samedi 8 mai 2010, 7 heures : Élianne dort encore, Fabiola (5 ans) qui est ici pour le week-end joue sagement (!) au Lego et j'en profite pour vous parler un peu avant de « m'enligner » sur le reste de ma journée. Élie voulait voir un peu sa filleule et je dois dire que je suis pas mal fière de la façon dont elle s'en occupe, beaucoup plus d'initiative, beaucoup plus de présence. Je vois un gros changement depuis la dernière fois, une autre belle évolution donc. Et je la laisse dormir, car cela demande beaucoup d'énergie de s'occuper de notre Fablabla nationale, son surnom vous en dit long sur la place qu'elle occupe dans une maison, on l'adore!
ÉTÉ 2009
Le mois de mai 2009 a marqué le début de la recherche à Québec. Je crois bien vous avoir parlé de cette recherche. Elle est effectuée par le Dʳ Cyril Schneider, neurophysiologue, professeur au département de réadaptation de l'Université Laval. Son protocole de recherche consiste en des stimulations électromagnétiques effectuées au niveau crânien ou en périphérique. Élianne participe à deux protocoles : sur la mémoire et sur le contrôle moteur. Après trois semaines de stimulations, grosses améliorations sur le plan de la mémoire épisodique (court terme), améliorations notables aussi du contrôle moteur du poignet gauche et de la cheville droite. Nous avons poursuivi nos allers-retours à Québec pendant tout l'été, sauf une pause de quelques semaines en août, et par la suite tout l'automne. Malgré la fatigue de la route, ces visites se sont transformées en petites virées entre filles puisque Martine et Marie-Christine (pour ceux qui sont nouveaux dans notre groupe, Marie-Christine, 23 ans, a eu un traumatisme crânien sévère en janvier 2007, elle et Martine, sa mère, sont devenues nos amies) étaient aussi présentes, Marie participant aussi à la recherche. Nous avons découvert Québec, je m'y oriente bien maintenant, on en a profité pour voir Renaud et Cynthia, mon amie Lucie, flâner dans le Vieux-Québec, etc. Finalement, joindre l’utile à l'agréable!!! De plus, même les séances au CHUL sont joyeuses, une belle équipe, Cyril est très sympathique et drôle, il est super avec les filles, il a une grosse influence sur elles et les jeunes qui travaillent avec lui (étudiants de maîtrise ou de doctorat en ergothérapie, physiothérapie et psychothérapie) sont tous très gentils et j'ai beaucoup appris sur le fonctionnement du cerveau.
Pour plus d'infos, voir l’article du Globe and Mail : « Chasing the elusive memories of Elianne Parent » par Anne McIlroy dans l'édition du 24 mars 2010. Elle a écrit cet article après une longue entrevue téléphonique avec Élianne et moi, suite à une présentation faite par Cyril à un congrès de neurosciences à Toronto.
14 h : un autre petit bout avant d'aller me ré-enfermer dans mon bureau, première paie des employés cette semaine, donc, pas mal de paperasse en perspective.
Juin 2009, un nouveau venu dans notre famille : Christophe, fils de Yves et Charlotte, et filleul de Renaud qui en est bien fier.
L'été 2009 a marqué aussi la fin de la canne. Sur les conseils de Cyril, Élianne l'a peu à peu délaissée et même si elle n'a pas retrouvé tout son équilibre, elle se débrouille très bien sans elle. On pensait qu'elle s'en resservirait l'hiver venu, ce ne fut pas le cas. Elle a parfois besoin d'un peu d'aide pour franchir certains obstacles. Sur terrains très accidentés, comme en forêt ou dans une grotte pendant nos vacances en République Dominicaine, elle ressort la canne, mais c'est très rare. De plus, elle prend maintenant sa douche debout au lieu d'assise sur son banc ce qui facilite beaucoup sa vie.
Grosse nouveauté : Élianne s'est procuré son vélo adapté et elle a adoré ses promenades sur le parc linéaire. Elle aime toujours autant être dehors et ce parc linéaire, qu'elle trouvait si plate avant (que voulez-vous, s'il n'y avait pas de côtes, de roches, de boues, ce n'était pas assez pour elle) est devenu son terrain de jeu préféré. Elle en a fait plusieurs fois, accompagnée bien sûr, soit par Gilbert, Serge, Ti-Gui, Vivi, et elle a pas mal d'endurance encore. Elle piaffe d'ailleurs d'impatience de s'y remettre. Et nous pensons pouvoir relever un peu les petites roues cette année.
Élianne et Renaud nous ont accompagnés dans notre périple annuel à Cape Cod, ce fut une belle occasion de se retrouver ensemble en camping, ainsi qu'avec nos amis et voisins de terrains. Pour Élianne, toutes ces sensations (vagues, costume de plongée, planche de surf) ont ramené quelques souvenirs fugaces à sa conscience, elle s'est d'ailleurs souvenue là-bas d'un incident survenu en 2006 pendant qu'on y était : le sable qui était très chaud et sur lequel elle s'était brûlée les pieds et que Nico l'avait porté sur son dos. Pour une fille sans souvenirs de son passé, c'est quelque chose de pas mal extraordinaire. Bien sûr elle ne pouvait pas courir pour se lancer dans les vagues, mais son sourire quand Renaud l'a promenée sur la planche de surf en disait long sur les sensations retrouvées. Je dois dire aussi que l'on a bien ri d'elle parce qu'elle retrouvait difficilement le chemin de notre terrain à la toilette (elle a failli aller pisser dans la tente de la voisine, une madame pas très sympa en plus) ou quand elle était perdue même dans sa tente, distinguant difficilement la porte de la fenêtre. Elle nous a tous bien impressionnés de pouvoir marcher aussi longtemps dans le sable mou de la plage, de pouvoir monter et descendre les dunes abruptes, et elle a redécouvert là-bas les joies du ping-pong de plage que nous devons maintenant pratiquer dans notre cour, elle ne bouge pas beaucoup ses jambes, mais est très habile avec la partie supérieure de son corps.
Malgré un été plus ou moins beau et chaud, Élianne a beaucoup pratiqué ses mouvements de nage dans la piscine et bien qu'elle soit toujours incapable de nager sur l'eau, elle s'est améliorée pas mal. Elle ne réussit pas à coordonner assez ses mouvements (bras-jambes) pour se maintenir à la surface, mais elle nage facilement en dessous de l'eau et peut encore profiter des joies de l'apnée, ce dont elle ne s'est pas privée en mars en République Dominicaine.
Un moment difficile pour moi en juin 2009 : la comparution de Sandra Diotte devant la Commission des libérations conditionnelles. J'avais été invitée à y présenter un texte dont je vous avais d'ailleurs mis un extrait dans mon courriel de mai 2009. Tout s'est bien passé, mais le plus impressionnant, ce fut à la prison de Joliette. Il y a eu quelques moments émouvants, tout cela faisait remonter des émotions que j'aurais aimé ne pas avoir à revivre, merci d'ailleurs à mes amis Francine, Chantal, Yves et Cécile qui étaient présents avec moi et qui m’ont donné du soutien. La libération conditionnelle a été acceptée, mais avec une condition de projet communautaire pour six mois et maintenant je suppose qu'elle est dans son six mois de libération conditionnelle ordinaire avant d'être définitivement libérée. Moment particulier : elle s'est tournée vers moi et m'a regardé en disant combien elle était désolée, ce qu'elle n'avait jamais été capable de faire au procès, me regarder! Paraîtrait-il qu'elle a beaucoup (!) cheminé et cessé toute consommation, je demeure sceptique et pourrai le croire seulement dans quelques années si cela se maintient.
Juillet 2009 : un bon spectacle, une belle rencontre, Melody Gardot, jeune chanteuse américaine, victime aussi d'un traumatisme crânien suite à un accident de vélo il y a quelques années. Elle a serré Élie très fort dans ses bras et lui a dit de ne pas lâcher, je vous mets la photo de cette rencontre même si Élianne fait dur!!!

Avec Melody Gardot - juillet 2009
On ne peut sortir le vélo de la fille
Dimanche 9 mai, 6 h : Je me souhaite une bonne fête des Mères, vous serez d'accord que je le mérite (!) et même si vous lirez ceci plus tard je vous la souhaite bonne à vous aussi, toutes celles pour qui vos enfants prennent une si grande place dans vos vies et dans vos cœurs de mamans. Tout est blanc dehors ce matin, quel contraste avec dimanche dernier où je me suis « saucée » dans la piscine (à 14 °C) après le spa et suis restée dehors à siroter un petit rosé!!! Brunch prévu ce midi chez ma sœur Francine, on retournera Fabi à ses parents. Mot d'enfant : « Ben non Gilbert, tu peux pas écouter un film, tu vas t'endormir DEVANT le salon », par Fabi à Gilbert hier soir!!! Autre petite finesse qui nous montre toute la subtilité de cette enfant : « Tu sais Jojo, Élianne et moi ON NE T'A PAS FAIT de carte pour la fête des Mères »!!!

AUTOMNE 2009
Nous avons bien profité de cet automne si doux pour prolonger la baignade et Élianne a repris ses thérapies en externe au Bouclier de Saint-Jérôme, thérapies que nous avions interrompues pour juillet-août, histoire de faire une petite pause dans un horaire très chargé. Les thérapeutes ont trouvé qu'Élie avait fait beaucoup de progrès durant cette pause.

En septembre nous avons eu la chance de vivre une belle expérience, nous avons enregistré une émission avec Josélito Michaud, « On prend toujours un train pour la vie ». J'avais été approchée durant l'été par Yannick, la recherchiste (qui est depuis devenue mon amie, une belle rencontre), et nous avons accepté. Ce fut vraiment très agréable, toute l'équipe était très attentionnée, très respectueuse. Nous avons été reçues à Sherbrooke, souper (Élianne en a profité pour aller manger avec son amie Roxou), nuit à l'hôtel, séance de « ponponnage » le matin, trajet de train, dîner à bord, etc. Je vous avertis tout de suite, ceux qui me connaissent bien vont probablement me trouver fort tranquille, mais c'était très volontaire, Élianne et moi, on s'était dit que l'on devait faire attention à ne pas se couper la parole et à ne pas « s'obstiner », donc, vous verrez bien le résultat. De toute façon, je n'ai aucune idée de ce qu'ils auront gardé ou pas au montage, ce sera une surprise pour nous aussi. Un des caméramans a dit à Élie que ses yeux ressortaient tellement bien à l'écran qu'elle serait inondée d’appels téléphoniques de jeunes hommes!!! L'émission est programmée pour le dimanche 15 août, ce sera à vérifier.
En septembre aussi, Élianne a « participé » à deux petites courses de vélo!!! Mettons que c'était un peu arrangé avec le gars des vues. En effet, Serge lui avait fait un petit circuit pour un contre-la-montre contre... elle-même. Ce fut un très beau moment quand elle roulait et que tout le monde l'encourageait. Quelques larmes dans tous ces visages émus, tous ceux qui savent d'où elle est partie... Élianne a bien aimé malgré une chute qui a plongé tout le monde (moi y compris) dans quelques moments d'angoisse, surtout après avoir vu que le casque était cassé!

En octobre, nous avons souligné les 10 ans du Club de vélo avec tout le groupe et rendu hommage à Serge. Élie a tenu à lui faire graver une plaque « Le meilleur coach au monde », petit rappel d'une blague entre eux quand elle était à l’Hôpital général juif. Il l'a bien mérité, il lui donne tellement d’encouragement. Elle a encore fait pleurer quelques personnes en récitant un petit texte que nous avons écrit ensemble, un texte pour dire qu'elle ne lâchera pas!!!
Sur ma route, un soir de mai.
Je t’ai rencontré, toi, la femme qui boit.
J’ai perdu ma tête, j’ai perdu mon amour… et ma vie.
Comme le roseau, je plie et je me couche au sol.
Mais je me relève, la tête haute.
Et je défie tous les oiseaux de malheur qui me disent :
« Tu es une TCC, tu es condamnée! »
Je marche et je marcherai.
Je roule et je roulerai.
Je retrouverai ma vie et ma liberté.
Et un jour, mes pas me conduiront de nouveau sur le chemin des écoliers.
Par Élianne et Jocelyne Parent – octobre 2009
Pendant l'automne, j'ai aussi eu à faire quelques démarches moins intéressantes. En prévision du fait qu'Élianne recevra cette année un bon montant de la SAAQ en « compensation » des séquelles, on devait demander à quelqu'un de faire une évaluation pour une éventuelle tutelle ou curatelle, c'est maintenant une exigence de la SAAQ, car certaines personnes se sont fait littéralement dépouiller par leur famille. Finalement, tout s'est déroulé comme je le désirais, nous avons eu un conseil de famille (famille élargie) avec Élianne et la notaire. Le conseil de tutelle et la tutrice (moi) ont été nommés. Nous avons fait nos recommandations pour le juge et je suis bien contente qu'il ait approuvé nos choix. Je désirais que tout cela soit le moins contraignant pour Élianne et lui laisse le pouvoir de décider tout en la protégeant. Comme la travailleuse sociale avait aussi fait une évaluation en ce sens, Élianne se retrouve avec une tutelle (et non une curatelle qui ne laisse aucun pouvoir) modulée qui lui laisse la possibilité de faire certaines choses seules et d'autres avec l'aide de sa tutrice.
Lundi 10 mai, 6 h : On a eu un bon brunch, Sylvain en visite de Rivière-du-Loup, avait apporté quelques pattes de crabe et Marianne, 13 ans, fille de Chantal, a fait pleurer ses tantes en nous interprétant une chanson qui nous rappelait notre maman partie depuis maintenant cinq ans. Elle chante très bien Marianne, elle vient même de gagner un concours, c'est à suivre!!! Et vous vous doutez sûrement que finalement, Élianne et Fabiola AVAIENT fait une carte pour moi!
L'automne 2009 s'est terminé avec un grand changement dans ma vie, j'ai repris le travail après deux ans et demi d'interruption! Le « timing » était bon puisque je suis arrivée en pleine vaccination contre le virus H1N1, ce qui m'a permis de me réhabituer tranquillement à un horaire sans avoir à me casser la tête avec des notions oubliées ou du moins bien loin dans ma mémoire. Un vaccin c'est facile à faire et tu fais la même chose toute la journée. En tout cas, je peux vous dire qu'Élianne a été une des premières vaccinées sur notre territoire, même avant... Claude Dubois! Et je n'avais même pas repris le travail à ce moment là! Dès que j'ai vu que l'une des complications du H1N1 était le syndrome de détresse respiratoire aiguë, que cette complication pouvait justement survenir chez des jeunes en santé avec un système immunitaire qui se défend trop fort, j'ai revécu certains moments difficiles des premières semaines d'Élianne à l’Hôpital du Sacré Cœur puisqu'elle avait fait ce syndrome. Elle y avait survécu, difficilement, une première fois, mais je craignais cela par-dessus tout et n'avais de toute façon pas le goût de prendre ce risque. Ne vous en faites pas, elle n'a pas eu de passe-droit puisqu'elle faisait partie des personnes à risques. D'ailleurs, petite réflexion, j'ai été sidérée de voir le comportement de certains dans les débuts de la vaccination : à Saint-Sauveur il y a beaucoup de personnes âgées, retraitées, qui étaient prêtes à marcher sur la tête des femmes enceintes et des bébés pour avoir leur vaccin à temps pour partir... en Floride, une gang de vieux égoïstes!!! Certaines situations font vraiment ressortir ce qu'il y a de pire chez les gens.
Mercredi 12 mai, 6 h : Nous avons assisté à la Coupe Merrell au Far Hills hier soir, Élianne trouve que ça a l'air ben, ben l'fun les courses de vélo; « difficile, mais c'est ça qui est le fun, quand c'est dur »!!! Comme quoi on peut sortir la fille du vélo, mais pas le vélo de la fille!
Pas question qu'elle se berce en écoutant la télé
HIVER 2009-2010
Petit hiver tranquille, fin des thérapies au Bouclier en décembre, Élianne a reçu son « diplôme » bien mérité. Elle a profité de l'hiver pour faire pas mal de raquette (nous aussi) et a même fait quelques essais en ski de fond, qu'elle devrait reprendre l'hiver prochain. Disons que pour l'instant sa cheville droite manque de stabilité et qu'elle risque de se blesser, mais avec une orthèse cela devrait aider. Comme les thérapies à Québec ont été interrompues tout l'hiver pour cause de locaux inadéquats, Élianne a repris la thérapie Padovan avec Isabelle à Blainville et on peut en constater les effets positifs à tous les niveaux. Je me rappelle encore que lors de la première séance, en septembre 2008, Isabelle faisait faire un exercice à Élianne en lui disant que l’objectif qu’elle voulait atteindre un jour c'était à la marche en position de « l'ours ». Et bien, elle y est : c'est comme marcher à quatre pattes, mais avec les jambes droites en arrière et les orteils bien ancrés au sol, tout un défi, moi je ne suis pas capable!!!
Gilbert étant moins occupé, il en a profité pour faire plusieurs sorties « scientifiques » avec Élianne : Musée de la Nature à Ottawa, Biodôme, Insectarium, Jardin botanique. Élianne peine toujours à reconnaître et à identifier les différents animaux, mais elle aime beaucoup ce genre de sorties. Comme elle y prend bien son temps pour tout lire, le fauteuil roulant fait son office et est très pratique dans ces situations ou pour les longues distances.
Plusieurs activités aussi avec le CAPTCHPL (Centre d’aide personnes traumatisées crâniennes et handicapées physiques Laurentides - l'association locale pour les traumatisés crâniens), mais Élianne est limitée pour ce genre de sorties puisqu'elle est sans véritable moyen de transport sauf un gentil bénévole, monsieur Émile. C'est une des raisons pour lesquelles elle désire aller s'établir à Montréal l'an prochain, se rapprocher des services et de ses amis qu'elle voit encore à l'occasion. À ce sujet, nous avons fait une demande auprès du Centre de réadaptation Lucie Bruneau et Élianne a été accepté sur leur liste d'attente pour une ressource d'hébergement. Nous aurions souhaité, elle aussi, un genre d'appartement supervisé, mais il n'y en a pas vraiment sauf pour des personnes qui ont besoin « d'heures-soins », par exemple un quadriplégique qui a besoin d'être aidé pour se laver, s'habiller, etc. Pour l'instant, ce qui sera possible, ce sera une maison avec 6 à 9 chambres, occupées chacune par des adultes (de 18 à 65 ans) ayant tous une déficience physique quelconque (traumatisme crânien, paralysie cérébrale, tétraplégie, sclérose en plaques, dystrophie, etc.) et avec des espaces communs et la présence de responsables en tout temps. Les intervenantes de L. Bruneau semblent avoir bien compris quel genre de personne est Élianne et chercheront une ressource où les gens sont actifs. Comme nous avons bien spécifié, nous ne sommes pas prêts (elle non plus) à ce qu'elle s'installe dans la chronicité et fasse du macramé et autres activités « occupationnelles » toute la journée en se berçant et en écoutant la télé!!! Ce sera une première étape, une première introduction à la grande ville avant un éventuel saut vers plus d'autonomie, ce dont je ne doute plus.
Petite visite à l’Hôpital du Sacré‑Cœur pour un suivi en ophtalmologie, son champ visuel est revenu à 100 %, comme quoi il faut laisser le temps faire son œuvre. Nous en avons bien sûr profité pour voir nos bons médecins. Quand Élianne a demandé au Dr Colin Verdant si elle le connaissait, il lui a répondu avec beaucoup d'humour : « Ben oui Élianne, on se connaît très, très, bien. Nous avons passé plusieurs nuits ensemble!!! », elle l'a trouvé ben drôle.
Aussi, nous avons profité de l'hiver pour qu'Élianne commence à prendre quelques petites leçons avec Pénélope (16 ans, fille d'un ami). Elles se voient une à deux fois par semaine et font du français, des maths du primaire, des exercices de clavier, des jeux cognitifs (genre happyneuron), etc. Pénélope donne des devoirs à Élie, ce qu'elle aime beaucoup, encore une fois, on reconnaît bien notre fille, elle aime travailler.
Jeudi 13 mai, 11 h : Élianne participe ce matin à une activité d'expression corporelle à Saint-Jérôme, elle s'entend très bien avec sa partenaire, une jeune fille atteinte de paralysie cérébrale et qui est en fauteuil roulant. Elles doivent, sans parler, suivre les mouvements de chacune et il paraît qu'elles s'accordent très bien, qu'elles ont une belle complicité et elles préparent un « spectacle ». Et moi, je procrastine en attendant d'aller faire un peu de bureau!
PRINTEMPS 2010
Nous avons bien débuté notre printemps par de belles vacances en République Dominicaine, genre de « pèlerinage » puisque nous étions près de Las Terrenas (péninsule de Samana) où notre fiston fut conçu!!! Le coin a bien changé, c'est toujours très beau, mais appelé à changer encore plus puisque de nouvelles routes sont en construction. Élianne nous a accompagnés et elle nous a suivis dans les excursions, entre autres la visite des grottes où s'étaient réfugiés les Indiens Taïnos pour se sauver des envahisseurs espagnols. Nous avons profité de ces vacances pour prendre des forces avant un été qui s'annonce chargé à tous les niveaux. Comme j'étais seule sur la plage tous les matins dès 6 h 15, j'ai profité de ces moments de solitude pour me plonger dans un ouvrage que je vous recommande fortement si le sujet vous intéresse : Les étonnants pouvoirs de transformation du cerveau, guérir grâce à la neuroplasticité par Norman Doidge, éd. Belfond ou Presses Pocket pour le format poche. L'auteur y parle de plusieurs recherches qui touchent différents aspects des problèmes neurologiques, des AVC aux troubles d'apprentissage et qui ont donné de bons résultats même parfois après de longues années suite à des lésions. Une vraie source d'espoir, la confirmation que depuis le début mes intuitions étaient bonnes.

Deux belles rencontres faites durant ces vacances : Christine, mère d'Alexandrine, jeune TCC de 25 ans (septembre 2008), et qui doit composer elle aussi avec une nouvelle réalité. Elles ont d'ailleurs séjourné pendant deux semaines à la clinique du Dr Taub en Alabama, celui-ci utilise une thérapie différente pour aider les gens à retrouver l'usage de leurs membres et il en était question justement dans le livre du Dr Doidge, et il paraît que cela l'a beaucoup aidée à retrouver un certain contrôle moteur. Une nouvelle amie, une autre « mère courage » pour notre club à Martine et moi!!! La dernière journée sur la plage, Gilbert et Élianne sont revenus de dîner en compagnie d'une dame... elle s'appelle Andrée et dès qu'elle s'est présentée j'ai su QUI elle était. Quand Élie était aux soins intensifs, les médecins se posaient naturellement bien des questions dans le genre « Est-ce qu'on fait bien de tout faire pour la sauver sans savoir quelle sera sa qualité de vie par la suite, quelles seront les séquelles, combien ce sera difficile pour elle et sa famille, etc., etc.??? » Le Dr Verdant m'avait justement donné en exemple une infirmière dont le conjoint avait eu un TCC quelques années auparavant, elle les avait suppliés de le sauver malgré les graves complications, et elle le regrettait à présent puisque les séquelles et sa nouvelle personnalité étaient très difficiles à vivre pour toute sa famille. Et bien, vous l'aurez deviné... C'ÉTAIT ELLE! Tout un hasard! Nous avons bien discuté et nous en sommes arrivées à la conclusion que sa réponse et la mienne aux questions des bons médecins étaient bien différentes l'une de l'autre. Elle a dû se résigner, après 5 ans, à « placer » son conjoint, il est maintenant à la Maison Martin Matte. Elle nous a dit avoir observé Élianne toute la semaine, sachant très bien QUI elle était puisqu'elle l'avait vue à l’Hôpital du Sacré‑Cœur même si elle travaille dans un autre département, et elle lui a dit qu'elle était très bonne, très courageuse et qu'il ne fallait pas qu'elle lâche. Elle nous a aussi conseillé de nous inscrire à l'AQTC de Laval/Montréal en prévision du futur déménagement d'Élianne et parce qu'il y a plus d'activités et plus de jeunes qui y participent.
La vie... à quel prix?
Samedi 15 mai, 5 h 30 : Élianne a un nouveau petit chat, il s'est caché sous le congélateur, j'espère être capable de le faire sortir!!! Une petite chatte toute mignonne, on lui cherche encore un nom. Elle a le poil long, gris et blanc, si c'était un petit gars on l'appellerait « Bandit », on cherche des suggestions!
Élianne continue son chemin, chaque jour, chaque activité est pour elle des occasions d'apprendre, elle est toujours en mode travail, en mode « réadaptation ». Nous sommes à perfectionner les outils qui l'aident, elle s'est procuré un iPhone, s'en sert comme agenda, y écrit son journal, ses contacts, etc. J'en suis encore à en apprendre les différentes fonctions pour les lui montrer, mais nous progressons. Et cela, combiné avec mon nouveau portable, devrait lui fournir suffisamment de moyens pour compenser sa mémoire déficiente et lui permettre de mieux s'organiser. Nous continuons toujours à perfectionner et à améliorer ce qui doit l'être. Je lui dis souvent à la blague : « On a manqué notre coup la première fois, donc... on recommence! »
Depuis que Gilbert a recommencé sa saison, Élianne reste seule les jours où je travaille et finalement, malgré notre inquiétude du début, cela se passe très bien. Nous demandons parfois à nos voisins de venir faire un tour, mais ce n'est pas vraiment nécessaire et Élie est bien occupée. Elle a quelques consignes à respecter pour assurer sa sécurité et nous sommes bien sûr joignables en cas de besoin. Il faut dire que généralement Élianne sait quoi faire si une certaine situation surgit, le seul problème c'est que sa réponse ou sa solution risquent de n'être pas assez rapides pour une situation d'urgence. Mais bon, je me contrôle aussi en me disant que cela n'arrive pas tous les jours.
Elle développe aussi son côté artistique, elle a fait quelques aquarelles cet hiver avec l'aide de Gilbert pour s'installer. Elle a parfois de grands élans « d'écriture », elle a commencé la rédaction d'une pièce de théâtre, a écrit un petit poème sur l'eau en vacances. Elle aime beaucoup lire même si, comme elle dit, elle ne se souvient plus trop par la suite de ce qu'elle vient de lire.

La grande artiste et ses œuvres
Nous reprenons le chemin de Québec dans deux semaines, Cyril a réussi à obtenir de nouveaux locaux et il nous y attend. Élianne doit participer à un nouveau protocole sur les fonctions exécutives avec une spécialiste en ce domaine, donc pour augmenter sa capacité à s'organiser, à planifier une tâche, etc. Cyril dit à ses étudiants que la réadaptation se termine le jour où la personne décide que c'est fini, pas avant, et c'est une des raisons pourquoi on l'aime autant, il n'est pas axé sur des pronostics pessimistes, mais plutôt sur les possibilités. Je vais lui demander que dans une prochaine étape il travaille sur tout ce qui est « gnosies », c'est-à-dire la difficulté à reconnaître et à se remémorer les images. Cela nuit beaucoup à Élianne dans sa vie de n'avoir aucune mémoire visuelle, et donc aucun sens de l'orientation. Elle ne peut pas se déplacer seule, car elle se perd partout!
Suite à la publication de l'article dans le Globe and Mail, Cyril a été inondé de demandes pour différents reportages. Pour l'instant, il est question de tourner un reportage pour le « Code Chastenay » à Télé-Québec et un topo pour le Téléjournal de Radio-Canada ainsi qu'à l'automne, une émission de « Une pilule, une petite granule ». Vous y apercevrez peut-être Élianne, je vous tiendrai au courant.
Cette fois-ci, nous ne pourrons pas profiter de nos visites à Québec pour voir fiston puisqu'il part pour plusieurs mois. Lui et Cynthia ont cumulé deux jobs chacun afin d'engranger des dollars pour leur grand projet de voyage. Ils partent le 9 juin pour l'Ouest canadien, première étape où ils iront faire la cueillette des fruits, puis direction l'Amérique du Sud à partir d'août jusqu'à quelque part en février-mars 2011. Ils nous manqueront, mais c'est un très beau projet, ils sont jeunes, c'est le temps d'en profiter et je dois dire que je trouve qu'ils sont bien organisés, je suis bien fière de mon grand gars et je l'avoue, un peu inquiète, mais... je me contrôle.
Moi, je me suis réhabituée tranquillement à mon travail. Au début j'étais littéralement morte le soir, j'avais l'impression de ne plus me souvenir de rien, mais maintenant ça va, j'ai repris la route pour visiter les nouvelles mamans et leurs bébés et je dois dire que c'est devenu une sorte de ressourcement de faire autre chose, de ne plus être juste centrée sur Élianne et sa réadaptation.
C'est l'anniversaire d'Élianne lundi (le 17), elle aura 21 ans. Il y a quelques semaines j'ai réalisé qu'à l'approche de cette date j'étais incapable de me réjouir, ce jour étant maintenant trop associé à l'accident et je n'avais vraiment pas le goût de penser à organiser quelque chose. Virginie, l'amie d'Élianne, m'a aidé à changer un peu mon point de vue, elle m'a dit de voir plutôt cela comme l'anniversaire de la SURVIE d'Élianne et c'est ce que j'essaie de faire. Donc, afin de ne pas déprimer chez moi, je nous ai organisé quelques jours en ville : Élianne fêtera le 17 au soir avec Vivi et son chum Thomas et nous resterons à Montréal quelques jours, histoire qu'elle s'inscrive à l'AQTC de Laval, de dîner à l’Hôpital général juif avec Josée, travailleuse sociale, de souper avec des amis, de faire des courses, etc. Et mercredi, le 19, il y a toute une journée d'activités à l'AQTC de Montréal puisque c'est la semaine des traumatisés crâniens (je dis à Élianne qu'elle a bien choisi son moment pour son accident). M. Guy Latraverse est parrain de l'événement (sa fille Rose, 20 ans, a eu un TCC en novembre 2007), il y fera un petit discours lors de la conférence de presse à 11 h, Élianne y participera aussi en récitant son petit texte, exactement trois ans plus tard...
Dernièrement, j'ai questionné Élianne sur ce qu'elle aurait aimé que l'on fasse si elle était demeurée végétative, elle m'a dit que pour elle la vie c'était d'avoir des buts, qu'elle n'avait certes plus les mêmes buts qu'avant, mais qu'elle en a quand même et elle sait qu'elle pourra aider les autres. Donc, que sa vie vaut la peine d'être vécue. Mais aussi que oui, si elle n'avait pu avoir de buts, il aurait fallu la laisser partir... ou même, l'aider à le faire... Je sais aussi que mon « ancienne » fille n'aurait pas aimé ce qu'elle est devenue, mais je crois qu'elle n'a plus voix au chapitre... Dans un échange courriel avec le Dʳ Bernard il y a environ un mois (nous sommes restés en contact, il apprécie avoir des nouvelles d'Élianne et de la… suite), je lui disais que certes ma vie serait aujourd'hui beaucoup plus simple sans ma fille, mais... à quel prix???
Parfois je regarde en arrière, tout ce chemin parcouru depuis mai 2007. Je peux voir ce chemin et en mesurer la longueur. Je ne peux pas voir celui qui est encore devant nous. Je sais juste qu'il est long, que le sommet de la montagne n'est pas atteint, et qu'il y aura encore des plateaux, des moments de pause qui nous permettront de reprendre notre souffle et... de continuer. Élianne est très, très bonne, courageuse, persévérante, tenace.
Je vous remercie tous et toutes d'être encore dans nos vies, de nous aider de près ou de loin par vos pensées, votre compréhension, je vous reviens... l'an prochain? Prenez bien soin de vous et de tous ceux que vous aimez.
xxx Jocelyne
19 mai 2007 - 19 mai 2012 / 5 ans plus tard
Hier, 18 mai, j’ai eu un « flash », j’ai réalisé que c’était ce soir-là que j’ai vu, pour la dernière fois, Élianne, ma fille qui venait d’avoir 18 ans. Elle était passée à la maison, était assise sur les genoux de Nico, son chum depuis près de deux ans, elle portait des jeans et un chandail long brun. Cette image est très claire dans ma tête, je la trouvais si belle, je me réjouissais du fait que sept jours plus tard elle serait de retour à la maison pour l’été, je me réjouissais de la retrouver après une année scolaire passée loin de nous.
Vous connaissez la suite…
En ce jour « anniversaire » de l’accident d’Élianne, je tenais à vous écrire, vous, nos ANGES comme dirait mon amie Martine, qui nous avez soutenus depuis le début ou en cours de route, vous qui étiez déjà nos amis ou l’êtes devenus depuis, vous qui êtes peut-être de simples connaissances et mêmes des connaissances d’amis, mais dont les pensées nous ont accompagnés tout au long de ce parcours, vous, tous les thérapeutes impliqués à un degré ou à un autre en cours de route. Vous êtes nombreux et je vous dis tout de suite MERCI. Je suis et je demeurerai toujours persuadée que toute cette « énergie » partagée a contribué à maintenir Élianne (et nous) en vie.
Votre soutien nous a permis d’affronter ce qui nous attendait, et il continue de nous porter dans notre quotidien.
Jeudi 17 mai, anniversaire d’Élianne, nous sommes allées rencontrer une partie de son équipe de médecins des soins intensifs de l’Hôpital du Sacré-Cœur. Nous en avons profité pour faire un petit tour sur les étages, saluer ceux et celles qui sont chers à nos cœurs. Nous n’y retournerons plus, c’était la fin d’une histoire, ce sera le début d’une autre.
Dans le regard de nos bons médecins, je sens, davantage chez certains, un doute, une interrogation toujours présente… « Est-ce que nous avons fait la bonne chose? Est-ce que nous avons sauvé une vie qui ne vaut pas la peine d’être vécue? Est-ce que nous avons fait les bons choix? Quel est le prix à payer pour elle, pour sa famille? Quelle qualité de vie a-t-elle? »
Je n’ai pas LA réponse à leurs questions, j’ai juste MA réponse : JE N’AI AUCUN REGRET ET… POUR ELLE, ET POUR NOUS, VOUS AVEZ FAIT LA BONNE CHOSE…
Et la réponse d’Élianne : « MA VIE MÉRITE D’ÊTRE VÉCUE PUISQUE MÊME SI JE N’AI PLUS LES MÊMES BUTS QU’AVANT, J’EN AI DE NOUVEAUX ET POUR MOI, LA VIE C’EST D’AVOIR DES BUTS ».
Pour d’autres, la réponse serait différente pour toutes sortes de raisons.
J’ai envie de dire certaines choses à nos médecins et aussi à ceux et celles dans le milieu médical, de la recherche ou de la réadaptation qui se questionnent sur la pertinence des soins intensifs et avancés pour les traumatisés crâniens.
Voici quelques questions et réponses :
Est-ce qu'elle pourra retourner aux études : NON (Sauf éventuellement quelques petits cours.)
Est-ce qu'elle pourra occuper un emploi rémunéré : probablement que NON (Par contre, elle pourra faire du bénévolat dans des domaines qui l'intéressent.)
Est-ce que l'ancienne Élianne aurait aimé ce qu'elle est devenue : NON (Par contre, elle n'a plus voix au chapitre et la nouvelle Élianne apprécie sa vie.)
Est-ce qu'Élianne aurait pu aller aussi loin sans le soutien constant depuis cinq ans de sa famille et de notre réseau : NON
Est-ce que notre vie serait plus simple si elle était décédée : OUI
Est-ce que maintenant nous regrettons : NON (Malgré que oui, effectivement, nous sommes fatigués.)
Est-ce que nous sommes inquiets pour son futur : OUI
Est-ce qu’elle garde des séquelles importantes : OUI
Est-ce que je crois qu'elle pourra un jour être totalement autonome : NON (Par contre, avec un minimum d'aide et d'organisation elle pourra se débrouiller.)
Est-ce qu'elle peut être heureuse : OUI
Est-ce que nous regretterions notre décision de lui donner la chance de nous montrer ce qu'elle peut faire si elle était restée dans un état neuro-végétatif : OUI (Par contre, j'étais fortement décidée à lui donner la « jambette » nécessaire pour trébucher si cela avait été le cas, je dois dire que c'est ce qui m'a permis de continuer et je pense que l'on devrait avoir le choix de pouvoir revenir en arrière si la survie mène à une vie « inacceptable ».)
Est-ce qu’elle et nous avons dû faire des deuils : OUI
Est-ce qu’elle et nous aurons d’autres deuils à faire : OUI
(Je précise ici que contrairement à ce que certains pourraient croire, nous avons toujours fait nos deuils, mais seulement au moment approprié et non pas d’avance, sans savoir si vraiment il y avait un deuil à faire, et je dois préciser aussi que nous n’avons pas eu à en faire certains qui semblaient pourtant inévitables, par exemple, pour Élianne, de marcher.)
Je sais que pour les équipes médicales, il est extrêmement difficile de prendre des décisions. Les médecins en voient beaucoup, ils voient des histoires qui finissent bien, d’autres mal et tout un éventail entre les deux. Ils ne peuvent pas savoir d’avance et je crois que c’est ce qui les rend si ambivalents. Ils craignent que les décisions qu’ils prennent aient de grandes répercussions sur le futur de leurs patients et de leurs familles. De plus, ils n’ont aucune idée, ou si peu, de comment se passe le « après », sur les services offerts, sur les possibilités, sur les différentes thérapies de réadaptation, autant traditionnelles qu’alternatives. Je n’ai pas de solutions toutes faites pour eux. Pour Élianne, il n’y a rien à regretter. (Sauf que ce soit arrivé…)

Huaca Arco de Iris - Pérou, janvier 2011

Huaca de la Luna - Pérou, janvier 2011

Parc national du Mont-Tremblant, été 2011

Déjeuner en famille, juillet 2011

Élianne et Martin Matte (humoriste, acteur, auteur, scénariste et producteur), mai 2011
Le mot de la fin
20 mai 2012
J’ai ressorti tous les courriels que j’ai écrits pour donner des nouvelles, tout ce que je vous ai écrit, je vais le relire, ce que je n’ai jamais fait depuis. J’ai décidé de lire mes textes au fur et à mesure, les jours mêmes où ils ont été écrits.
Le 20 mai 2007, j’écrivais, dans la nuit, juste après la visite des policiers :
« Il est 2 h. Nous partons pour l'Hôpital du Sacré-Cœur, Élianne est dans le coma, accident d’auto en face du Bourbon à Sainte-Adèle, on n'en sait pas plus. Pensez à nous ».
J’ai trois grosses boîtes de notes, de courriels envoyés et reçus, de coupures de journaux, de parties de dossiers médicaux ou de plans d’intervention et de réadaptation, rapports divers. Tant qu’à les sortir, je vais classer le tout et mettre cela derrière moi. Je fais un genre de pèlerinage dans ce passé, non pas pour l’enterrer, mais bien pour passer à autre chose.
6 juin 2012
Élianne est partie faire…. du RAFTING!!!!!!!
(avec le groupe de l’AQTC et son frère qui est chargé de la récupérer si elle tombe à l’eau…!!!)
Comme vous pouvez le constater, pas mal de temps entre le 20 mai et aujourd’hui, que voulez-vous, je suis toujours aussi occupée.
Hier soir j’ai participé à un souper organisé pour les proches par l’AQTC (Association québécoise des traumatisés crâniens) et cela m’a permis de réaliser encore plus combien vous m’avez été précieux et précieuses. Beaucoup de proches sont seuls, n’ont personne avec qui parler, échanger, pleurer, rire. MERCI encore!
Je vais terminer ce « long » courriel par des nouvelles d’Élianne, beaucoup de choses depuis deux ans.
Élianne continue sa thérapie Padovan, toujours de l’évolution, des progrès. La recherche à Québec est en pause, sera reprise éventuellement, là aussi, on reste ouvert aux possibilités. Elle voit aussi une dame chaque semaine pour continuer d’apprendre des choses (par exemple à faire son lavage), jaser et faire des jeux cognitifs. Elle continue d’apprendre. Elle continue de travailler fort.
Elle participe à beaucoup d’activités avec l’AQTC, maman/papa font le taxi naturellement puisque c’est souvent à Montréal ou à Laval. Depuis cet hiver elle s’entraîne en gym à Sainte-Adèle et le fera de façon plus sérieuse à partir de cette semaine puisqu’après neuf mois (!) de discussions avec la SAAQ, ils ont finalement accepté de payer un entraîneur pour l’accompagner. Elle suit aussi des cours de paranatation à Blainville.
Elle a fini ses traitements d’orthodontie, arbore maintenant un grand sourire sans broches, a également eu une chirurgie au laser pour ses yeux, adieux lunettes et lentilles, ce qui facilitera sa vie.
Elle continue d’évoluer, tant sur le plan cognitif que physique, tranquillement par bouts, de façon plus soutenue à d’autres moments. Elle a abandonné la canne et essaie même parfois de « courir ». Elle apprend de plus en plus à s’organiser. Depuis un an elle a retrouvé la dimension « émotive » de sa personnalité, c'est-à-dire l’accès à ses émotions. Elle n’avait pas pleuré depuis quatre ans et maintenant elle est de nouveau capable d’être touchée par les événements, les gens, une belle chanson, etc. Sa principale séquelle cognitive est sur le plan de « l’enregistrement des images », donc aucune mémoire visuelle, donc difficulté d’orientation, de reconnaissance des visages, et naturellement cela joue sur sa mémoire à court terme puisqu’une partie de nos souvenirs (par exemple la soirée d’hier) tient au fait que nous conservons des images d’un événement et elle non.
Elle a les mêmes valeurs, les mêmes goûts qu’avant malgré son absence toujours presque totale de souvenirs de sa vie antérieure.
Elle a eu l’honneur d’être nommée ambassadrice des Coups de cœur Jeunesse et a représenté les Laurentides à l’Assemblée nationale. Elle fait aussi des présentations, soit à des étudiants en réadaptation ou en soins infirmiers, soit à des jeunes en réinsertion dans des carrefours jeunesse-emploi. Elle est une source d’inspiration pour plusieurs. Depuis l’été dernier, elle fait du bénévolat une journée par semaine au centre de location du lac Monroe dans le parc du Mont-Tremblant, elle reprendra cet été cette activité qu’elle apprécie beaucoup.
Elle voit un peu ses amies, a gardé de bons contacts avec certaines, elle est cependant limitée par l’éloignement. Depuis juillet 2011 elle a un amoureux, Christian, lui aussi TCC en 2007, ils ont une belle relation.
Elle dit elle-même que c’est une bonne année pour elle, elle envisage l’avenir avec un certain optimiste même si maintenant elle a davantage de craintes ou de moments d’anxiété au sujet du futur. Nous avons le projet qu’elle puisse aller vivre à Montréal dans un avenir assez rapproché, en attendant, elle ira probablement dès cet automne y passer deux jours par semaine, petite intégration partielle à la grande ville qui lui permettra de participer aux ateliers d’impro de l’AQTC.
Bien sûr, je ne peux m’empêcher de penser que « normalement » elle aurait terminé cette année son bac en biologie marine… sauf que… notre cher premier ministre Stephen Harper venant de faire de grosses coupes dans la recherche dans ce domaine (il ne faudrait surtout pas connaître les effets des hydrocarbures sur la faune et la flore marine), elle aurait été… chômeuse… à un salaire de 70 % de… et aurait travaillé de nuit dans un Tim Horton en voyageant l’hiver, sur des routes verglacées pour se rendre à 100 km de chez elle!!!!!!!!!! (pardonnez-moi ce petit défoulement).
En terminant, je tiens à saluer particulièrement toutes mes « mères-courage » (les conjoints et pères aussi, mais je les connais moins) : Martine, Denyse, Monique, Christine, Isabel, Julie, France. Vous qui chaque jour, par votre engagement, aidez votre enfant à dépasser les limites d’un TCC.
5 ans… et… le besoin de boucler une boucle.
5 ans… et… un nouveau cycle qui commence.
5 ans… et… nous continuons…
À… une prochaine?
À… je ne sais pas quand…
xoxo Jocelyne

Premier jogging d'Élianne – Promenade Champlain, octobre 2011

En raquette, janvier 2012

Élianne et Fabiola, avril 2012
Depuis le tout début du magazine Le Nénuphar en mai 2017, Jocelyne, la maman d’Élianne, nous a tenus en haleine avec la bouleversante histoire de la survie de sa fille suite à son accident d'automobile en 2007 et tout le travail de réhabilitation qui s’en est suivi.
À travers les yeux de Jocelyne, nous avons appris à connaître Élianne et ses efforts pour réapprendre à vivre avec sa nouvelle condition de traumatisée crânienne¹. Nous passons maintenant la parole à Élianne elle-même en vous présentant quelques-uns de ses propres écrits publiés entre 2012 et 2020 dans Le Phoenix, une revue de l’AQTC, l’Association québécoise des traumatisés crâniens pour et par les personnes ayant subi un traumatisme crânien. Ces textes ne vous seront pas présentés nécessairement en ordre chronologique.
À titre d’introduction aux textes d’Élianne, voici d’abord un extrait de l’éditorial du N° 9 Janvier/Avril 2013 de L’approche (le journal exclusif destiné aux proches – AQTC) :
Faire le deuil de la personne qu’elle était avant
Il n’est pas chose facile de faire face à la perte, de se rendre compte que les choses ne sont plus pareilles ou tout simplement différentes. Combien de fois nous sommes-nous dit que nous voudrions retourner en arrière juste pour profiter pleinement de ce que nous avions? […] Le deuil est presque toujours associé à la mort. Ceci dit, suite à un traumatisme crânien on parle plutôt de faire le deuil de l’ancienne vie, de ce que la personne était avant, de faire face aux changements drastiquement imposés dans leur vie.
La renaissance... ou la vie après la presque mort²
Je commence en me souvenant du premier décès, en quelque sorte, de chacune et chacun d’entre nous. Nous nous sommes réveillés un jour et nous avions à nous rebâtir d’une certaine manière, avec nos nouvelles limitations puisque notre cerveau avait été endommagé.
Je suis partie de très loin, en termes de dommages cérébraux, capacités cognitives, physiques, connaissances, mémoire, etc. J’ai dû retourner vivre chez mes parents dans le fond des bois à Val David.
Après de longs mois de réadaptation, après m’être suffisamment reconstruite, j’ai eu la chance que ma mère me trouve un duplex à acheter avec mon oncle. Nos besoins à tous sont différents en termes d’autonomie et de désir d’accomplissement. Pour moi, aucun logement social n’était adéquat pour me permettre de continuer à me dépasser, à me développer sans être trop encadrée, tel que je le souhaitais.
Même si je reçois une rente de la SAAQ, j’ai la chance d’avoir une famille qui m’aide financièrement, sinon, je n’aurais sans doute pas les finances nécessaires pour me permettre de survivre et de réaliser mon rêve d’avoir un chez-moi, à moi.
Dans cet appartement que j’habite depuis novembre 2014, je dois poursuivre mes efforts de concentration et d’aides stratégiques pour ma mémoire afin de m’adapter et d’accomplir mes différentes tâches. Habiter à Montréal me permet d’avoir une vie active, près de tout, près de mes ami·e·s, d’avoir accès aux loisirs, au transport adapté, au bénévolat. Je suis beaucoup mieux placée pour m’épanouir dans ma deuxième vie.
L’aide reçue de ma mère et de ma famille en général m’a aidé à découvrir plusieurs outils pour être plus autonome et m’a ouvert les portes de ma vie à Montréal, m’a facilité l’accès à de multiples facettes de l’indépendance et du bonheur. Et ma vie continue, d’une belle manière, jour après jour. J’ai accepté qu’elle sera plus difficile à cause de mes problèmes de mémoire, de concentration, d’équilibre, de motricité et de tout le reste. Je travaille encore et encore afin de diminuer leur importance et leurs effets.
Élianne Parent
Deuxième partie : La renaissance d’Élianne ou… sa nouvelle autonomie
par Jocelyne Parent, mère d’Élianne
Autonomie… voilà le mot magique pour Élianne qui l’a cherchée toute sa vie. Toute petite, elle avait 2 ans et son leitmotiv était « m’ai capat » (lire je suis capable). À 6 ans, elle me disait « maman, je n’aurai pas assez de toute ma vie pour faire ce que je veux faire », quelle prémonition… À 18 ans, la vie lui a coupé les ailes qu’elle commençait à déployer dans une vie autonome, elle vivait et étudiait à quelques heures de route de chez nous, ses parents. Et, elle appréciait cette vie.
Après son accident et tous ces longs mois de survie et ensuite de réadaptation, il est devenu évident pour moi qu’elle ne pourrait pas apprécier sa nouvelle vie sans un minimum d’autonomie. La solution qui est vite devenue évidente, un déménagement à Montréal, où elle participait déjà aux activités de l’AQTC et où elle y avait trouvé une nouvelle famille. À Montréal, elle se rapprochait aussi des amitiés qu’elle a conservées de son passé et qui sont si importantes.
Elle a longtemps été sur une liste d’attente du Centre Lucie-Bruneau pour un logement adapté, sans résultats après plusieurs années. Et ses séquelles ne sont pas assez importantes pour justifier un hébergement dans un centre de soins ou dans une maison comme celles de Martin Matte.
Comme mon frère habitait déjà à Rosemont avec ses enfants et qu’il voulait s’y établir, nous avons cherché ensemble un duplex qui pouvait répondre aux besoins de tout le monde. Cette entente assure à Élianne d’avoir quelqu’un de proche qui peut l’aider pour différentes petites choses qu’elle ne peut faire seule, comme pelleter ses escaliers, sortir les bacs de poubelles et de récupération, entretenir la cour, etc., et pour être présent en cas d’urgence. Une copropriété était aussi la solution financière pour tous.
En 2013, nous avons trouvé la perle rare, un vieux duplex. Nous avons refait entièrement le logement du haut, celui d’Élianne, afin qu’il soit adapté pour elle, c’est-à-dire, entre autres, bien éclairé, car elle a besoin de beaucoup de lumière. Ensuite, j’ai contacté la SAAQ afin que soit défrayés certains coûts inhérents à l’adaptation de son logement, par exemple un escalier droit au lieu d’en colimaçon, des barres pour la salle de bain, etc. La SAAQ a aussi fourni des services d’éducation spécialisée pendant près de 18 mois afin d’aider Élianne à bien s’intégrer à son nouvel environnement, à assurer une certaine sécurité et à avoir le maximum d’autonomie possible dans son quotidien. Il y a aussi un grand avantage à avoir choisi ce quartier, il y a un comité de ruelle verte, les gens se connaissent et connaissent Élianne et sa différence.
De mon côté, j’ai passé beaucoup de temps au début avec elle, chez elle, pour compenser tout ce qu’elle ne peut pas faire. Avec le temps, j’en fais moins et j’y vais moins souvent. Elle a une femme de ménage et nous continuons, son père, son frère, son oncle et moi à faire les tâches qui seraient trop pour elle, et ce, chaque semaine. Avec un peu d’organisation, elle peut ensuite se débrouiller. Nous l’aidons aussi un peu financièrement, les premières années d’une hypothèque étant souvent les plus difficiles. Je reste persuadée que c’était la meilleure chose à faire, ce déménagement, pour son autonomie.
¹ Le traumatisme cranio-cérébral (T.C.C.) est une atteinte au cerveau à la suite d’un contact brusque entre le tissu cérébral et la boîte crânienne. Ce contact peut survenir lors d’un accident de la route, au travail, au jeu ou à la suite d’une agression. Une telle blessure au cerveau peut entraîner de graves conséquences aux plans physique, cognitif, affectif, comportemental et de la personnalité. atccmonteregie.qc.ca
² Collaboration spéciale avec Jocelyne Parent, mère d’Élianne
Intelligences suite à un TCC ¹
Je trouve très important de vous parler d’un sujet vous concernant, mais qui est peu souvent abordé. Et puis, je crois que cette question est malheureusement peu reconnue en général. Alors que je sais maintenant à quel point cette connaissance peut vous aider à mieux faire comprendre vos forces.
Je vous explique : je parle ici des intelligences qui se développent suite à un trauma.
Pour commencer, disons qu’on a toutes et tous à faire preuve d’une grande débrouillardise pour franchir les premiers pas… et pour poursuivre notre vie! Et je veux dire : lorsque l’on comprend (en partie) ce qui nous arrive et comment on pourrait agir pour faire face à cette situation.

C’est simple, mais tout en étant compliqué, car on ne peut prendre d’exemple concret sur personne afin de le généraliser puisque chaque cas est unique.
Beaucoup de personnes associent nos difficultés cognitives (baisse de la mémoire, difficultés d’orientation, difficultés à gérer notre temps, etc.) à un manque d’intelligence, il n’en est rien.
Nos neurones doivent se poser des questions et travailler très fort… et parfois même, pour certains, tout simplement afin de distinguer une pomme d’une banane! Et bien sûr, ce n’est qu’un exemple, car ce que je veux dire par là c’est que
notre cerveau abîmé doit, dès qu’il en est capable, faire un travail colossal et de tous les jours pour réussir à nous faire effectuer quelque chose qui parfois peut paraître si simple pour d’autres.
À force de devoir faire ces efforts continuels, nous arrivons à comprendre des choses qu’il n’est pas donné à tous de comprendre. Et je parle ici de la santé neurologique, dont l’importance est trop peu connue. Mais suite à notre trauma, nous réalisons celle-ci justement. En général, nous apprenons également à devoir profiter au maximum de chaque seconde afin de profiter de la vie! Il faut comprendre aussi qu’il est souvent plus difficile pour nous d’apprendre de nouvelles choses et de les mémoriser. Cela fait en sorte que nous devons utiliser une autre forme d’intelligence pour continuer à avancer.
Ainsi l'écriture (agenda, journal personnel, etc.) est souvent un moyen nécessaire. Ces autres formes d’intelligence diffèrent possiblement d’une personne à l’autre. Même si cela peut nous laisser croire que nous sommes « poches », c’est tout le contraire!!!
En effet, il n’y a rien de plus exigeant pour la personne elle-même que d’être prête à s’adapter à des compensations telles que celles-ci, ainsi que de penser à le faire en tout temps. On appelle cela la résilience.
En finissant, je tiens à préciser que, selon ce que j’observe, certaines intelligences plus fines ou plus subtiles se développent, par exemple, le talent musical ou poétique, l’intelligence émotionnelle aussi. Et le sens de l’humour!
Élianne Parent
¹ Le traumatisme cranio-cérébral (TCC) est une atteinte au cerveau à la suite d’un contact brusque entre le tissu cérébral et la boîte crânienne. Ce contact peut survenir lors d’un accident de la route, au travail, au jeu ou à la suite d’une agression. Une telle blessure au cerveau peut entraîner de graves conséquences aux plans physique, cognitif, affectif, comportemental et de la personnalité. atccmonteregie.qc.ca
La méthode Padovan, qu’est-ce que c’est?
Padovan n’est qu’un petit mot de trois syllabes, mais en réalité, c’est beaucoup plus que ça… C’est une thérapie qui a changé ma vie!
Après mon trauma, comme pour vous aussi, mon cerveau a dû, d’une certaine façon, réussir à rebâtir les circuits de connexions qui alimentent les capacités cognitives. En priorité, celle de bouger, car c’est la base. Suite à ça, on apprend à parler, à prendre des décisions, à penser… Eh bien, Padovan est une thérapie qui encourage à faire les mêmes mouvements qu’un enfant : rouler, marcher à quatre pattes, ramper, etc.
De recommencer à faire ces choses-là amène, et m’a amenée, à beaucoup d’améliorations. Et dès que j’ai débuté, j’ai retrouvé l’espoir que ces améliorations étaient loin d’être terminées! Dès la première fois où j’ai fait cette thérapie, j’ai remarqué que ma mémoire en gagnait puisqu’il y a aussi des exercices pour celle-ci. En fait, je dirais que la méthode Padovan, qui a été créée par Madame Padovan dans les années 1970, bien qu’elle paraisse très singulière, peut offrir, à n’importe qui vivant avec des problèmes neurologiques, et ce à n’importe quel âge, des résultats extraordinaires.
Et voici un résumé de l’histoire de cette thérapie. Dans les années 1970, Béatriz Padovan, enseignante brésilienne devenue orthophoniste, est interpellée par les travaux de Rudolf Steiner, philosophe et pédagogue autrichien du début du XXe siècle sur les interrelations entre trois activités exclusivement humaines : marcher, parler et penser.
Elle s’intéresse aussi aux travaux de Temple Fay, neurochirurgien américain qui avait fait le tour du monde avec une caméra afin d’observer les phases de l’apprentissage de la marche chez les enfants de diverses origines et qui avait conclu que tous passaient par les mêmes étapes.
Du départ de l’horizontale au berceau pour se rendre à la verticale de la marche adulte, tous passent par les mêmes étapes : rouler, ramper, quatre pattes. C’est leur répétition qui encode de manière durable une grande partie des connexions entre les neurones qui seront utilisées toute la vie. Le système nerveux n’est pas achevé à la naissance même si les neurones sont presque tous présents, leur « câblage » (synapse) est incomplet et sera lié aux stimulations sensorielles, motrices et affectives des premières années de vie.
Après 20 ans de recherches et d’expérimentations et l’ajout d’une importante composante, le rythme, Béatriz Padovan met au point son approche thérapeutique, la Méthode Padovan, méthode de Réorganisation Neuro-Fonctionnelle.
Chaque séance qui dure entre 45 et 60 minutes consiste donc en une séquence précise de mouvements corporels. Les bienfaits de ces exercices sont en fonction de trois facteurs : le rythme, la répétition et la régularité.
Cette thérapie s’adresse à différents problèmes d’origine neurologique comme les problèmes de langage, la dyslexie, la dysphasie, la dyspraxie, les troubles de l’attention, l’autisme et la paralysie cérébrale. Elle peut aussi être bénéfique pour des maladies dégénératives du système nerveux ainsi que pour les victimes d’AVC ou de TCC.
Cette méthode est, entre autres, testée actuellement pour mieux aider les enfants aux prises avec la paralysie cérébrale, et au Québec, il y a des expérimentations sérieuses visant à aider les enfants de milieux scolaires adaptés.
Intégration et bonheurs partagés : c’est possible!
Aimes-tu ça manger du chocolat? Aimes-tu ça vivre des moments de fou rire? Aimes-tu ça pratiquer un loisir qui te passionne? Aimes-tu ça voir des personnes avec qui tu te sens bien?
Et surtout, aimes-tu ça te souvenir clairement de ces beaux moments malgré le fait d'avoir une mémoire affectée, te les rappeler pour toi-même, ou pour les raconter à tes proches, ou à n’importe qui avec qui tu as une conversation? Tout le monde aime ça! D’après mon expérience personnelle et vivant avec un TCC, j’imagine que : oui, oui, oui, oui et oui… en tout cas, fort possiblement.
Quand après mon choc à la tête, j’ai repris contact avec la réalité, sous tous ses angles, je cherchais la recette pour me sentir quelque peu parmi les autres et avoir accès au bonheur. Poursuivre mon cheminement en ressentant que je ne suis pas et ne serai pas toujours seule.
L’humour
L’humour est, je crois, un des premiers morceaux de plaisir unanimement partagé et ce n’est pas un TCC qui m’empêche d’en avoir, au contraire. Même si je n’ai pas une bonne mémoire, mes blagues, les trucs drôles que je raconte pour faire rire sont possibles et mes proches aiment ça. Par exemple, moi qui adore chanter, mais qui chante comme une porte rouillée!
Résilience
Parlant d’humour et de mémoire, des problèmes de mobilité, d’équilibre, de concentration… on peut jumeler tout ça et en tirer du positif pour notre intégration sociale. Comme ce fut hors de ma volonté d’avoir subi un traumatisme crânien, je m’en suis toujours servi en y puisant des trucs de bonheur avec les gens que j’aime comme pour me moquer gentiment de mes difficultés comme mon bras gauche réduit à zéro côté mobilité, mais que je travaillais chaque jour, au début, en disant qu’il n’était pas au chômage! Et quand tout le monde me parlait en même temps, je disais : « Wow minute, je suis rendue comme un gars, juste une chose à la fois! » Penser ainsi me motivait à aller au-delà de mes limites.
Bonté de mes proches
Puis parlons maintenant de passion, comme celle que j’avais avant mon accident, le vélo de montagne. Mon premier chocolat, quel bonheur! Même sans aucune mémoire, je me rappelais que je l’appréciais beaucoup. Les gens qui venaient me voir m’en apportaient pour récompenser mes efforts en réadaptation, tel mon coach de vélo de montagne qui me visitait hebdomadairement à l’hôpital pour m’encourager et me permettre de faire un peu de vélo stationnaire. Il m’offrait un chocolat après mon petit pédalage sur le vélo, alors je me régalais, pas juste avec le chocolat, mais avec le fait de voir que je pouvais encore bouger un peu, et ce, de mieux en mieux. L’amélioration, c’est toujours ça qui m’a motivée.
Nous parler, chanter et rire ensemble
Seulement à parler, même après beaucoup d’effort, à rire et à faire rire, j’arrivais à ressentir un immense réconfort, puis les gens près de moi pouvaient se joindre à moi et nous chantions des chansons connues de tous. Cela me donna confiance, j’ai au moins une bonne mémoire musicale! Ces moments me faisaient me sentir intégrée parmi les gens qui m’entouraient. Puis pour me sentir en interaction sociale, amenant du bonheur sans faire ni tort ni travers, me sentir en union par rapport à un goût musical, par rapport à un loisir commun, à un film ou à un livre aimé… ça m’a toujours aidée à me sentir réellement intégrée.
Je ne veux pas parler à ta place, mais je crois sincèrement que ces éléments de bonheur sont à peu près similaires pour tout le monde, vivant avec des limites neurologiques ou sans.
Bouger, me déplacer, m’orienter
Bonjour lectrices et lecteurs,
Quelle importance ont eu, et ont encore, l’activité physique et le sport en vivant avec mon handicap?
Consciente, je le suis : chacune et chacun d’entre nous a eu dès son réveil après le coma de très grands efforts à faire pour gagner tout ce qu’elle et il pouvait, et peut encore, atteindre comme capacité.
JE N’AI ACCÈS À AUCUNE IMAGE ET À AUCUNE COULEUR DANS MA TÊTE
Malgré les efforts continuels que je faisais pour me repérer dans ma chambre à l’hôpital, je ne comprenais pas pourquoi, après plusieurs semaines, je n’y arrivais pas. Et je ne reconnaissais même pas mes proches qui étaient pourtant présents chaque jour, dès le début.
Moi, je ne vois strictement rien dans ma tête, je n’ai accès à aucune image, à aucune couleur, mais je dois préciser que mes yeux « ouverts » voient les couleurs, le noir étant aussi en quelque sorte une couleur.
L’ENTRAÎNEMENT PHYSIQUE FAVORISE L’ENTRAÎNEMENT CÉRÉBRAL
Quand j’ai eu la permission, par miracle, de monter sur le vélo stationnaire avec l’aide d’environ trois personnes autour de moi pour m’éviter de chuter, le bonheur de bouger m’a envahi avec un inoubliable sentiment de libération. Alors ma route s’est poursuivie avec plus de joie jusqu’à la fin de ma réadaptation. Ma vitesse d’accès à l’information et ma mémorisation ont été de mieux en mieux.
M’ORIENTER DANS MON QUARTIER
Depuis mon accident, il y a neuf ans et demi, tous les moyens ont été déployés pour m’améliorer à tous les niveaux. Mais j’ai encore besoin d’aide pour m’orienter dans mon quartier dans lequel je vis depuis environ trois ans.
Je vais marcher presque tous les jours et cela stimule mon cerveau, ça lui permet de mémoriser davantage de noms de rues, entre autres, pour me rendre aux destinations désirées.
Mon cerveau ne m’offre plus d’images, même pas celles des trucs vus mille et une fois, ce qui est une séquelle spécifique de l’agnosie (L’agnosie se caractérise par l'impossibilité de mémoriser des éléments de l’environnement immédiat.) qui me limite dans la reconnaissance des personnes et des lieux.
Actionner naturellement une amélioration continue de mes forces cognitives m’a d’ailleurs permis d’être capable, maintenant, de me rendre seule et sans l’aide technique d’un appareil GPS à la boulangerie Les Co’Pains d’abord, un lieu de réconfort, ainsi qu’à plusieurs autres endroits près de chez moi.
UNE MÉLODIE POUR ME SOUVENIR
Je me dicte des mots comme les noms des rues et aussi, de quel côté : la droite ou la gauche. Ainsi je retiens comment aller quelque part en créant ces mélodies que je me répète et je finis par les mémoriser. Par exemple, avec mon super vélo à quatre roues, chacun des coups de pédale me fait dire un mot pour rouler dans la bonne direction. De même, lorsque je nage, chacun de mes coups de bras et de pieds m’aide à améliorer ma concentration ainsi que ma mémoire du mouvement, plutôt que de rester à n’avoir aucune image mentale à cause de mon agnosie.
Vivre sans mémoire visuelle, c’est du sport. Continuons à bouger, à nous déplacer de n’importe quelle manière, c’est la santé. C’est toujours utile d’essayer des activités physiques selon nos capacités de base, et nous risquons de les voir s’améliorer par la suite. Tous ces sports, mouvements, déplacements, etc. me font plutôt voir les images d’une vie en rose.
Amitié et amour avant et après mon TCC
Je vais être honnête, cet article va vous en révéler beaucoup sur moi et je suis heureuse de le partager avec vous. Parler d’amour c’est le vivre davantage et je vous en souhaite beaucoup!
D’abord, mon premier regard m’a donné l’impression d’être comme dans un brouillard, que mon cœur et mon être tout au complet étaient en grande recherche de quelqu’un qui pouvait être là pour m’aider, car seule, j’étais inapte, sans que je le sache, bien sûr. Je n’avais aucune conscience, tant de ma condition, de qui étaient ces gens à mes côtés, de ce qu’était même un être humain.
Fidèle compagnie
J’avais donc continuellement besoin de quelqu’un et j’ai eu la chance énorme d’avoir un amoureux et des amis fidèles qui me tenaient compagnie de manière directe par leur présence ou simplement en pensée, sans oublier ma famille, des cadets aux aînés. Toutes et tous ont eu le courage de venir dans cette fameuse chambre, à l’hôpital, pleine de lumières agressantes et de machines bruyantes entourant mon corps inerte et branché de partout.
Mes yeux et ceux de mon cœur s’ouvrent
Mes yeux après six ou sept semaines, ont doucement commencé à voir toutes ces personnes qui avaient espoir de…? Je les ai ouverts, ces yeux, un peu plus, et graduellement, depuis ce temps, chaque jour où je travaille à m’améliorer, je sais qu’il y a encore des gens, des amours pour moi, mais qui ne sont peut-être plus toujours aussi essentiels. D’ailleurs, chaque semaine maintenant, je vise à voir ou à rejoindre un, deux ou plus de mes amis.
Mais parlant d’amour, mon amoureux d’avant l’accident a été pour moi et mes proches d’une aide précieuse lors de mon hospitalisation et de mes débuts en réadaptation. Il a, par la suite, cependant, continué sa vie à part, et moi, j’ai continué mes efforts au quotidien et ma vie personnelle. Et aujourd’hui, l’amour au sens propre est réapparu dans ma vie.
Je n’oublierai jamais le soutien empathique de toutes ces personnes qui sont mes amours, mes amis, ma famille et mes proches.
Ce n’est pas un TCC qui empêche l’amitié!
Maintenant, dans le moment présent
Commençons par le commencement. Nous avons en tant que membres de l’AQTC, toutes et tous deux points en commun de façon certaine : 1) nous avons subi un traumatisme crâniocérébral et 2) nous sommes encore vivantes, vivants.
Nous avons dû, suite à notre réveil d’un coma, nous adapter à une situation de vie complètement différente de celle d’avant notre accident crâniocérébral et cela, selon que nous avions ou pas de souvenirs d’avant notre impact à la tête. Et puisque tout notre passé s’est évaporé, c’est comme une seconde naissance.
Je peux alors dire que chaque seconde que nous vivons, nous les TCC, nous demande plus d’énergie, plus de concentration, et plus et plus et plus… Cette exigence, entre autres, de concentration amène à comprendre l’importance continuellement plus grande qu’a pour nous « d’être ici et maintenant » en tout temps! Autrement dit, la conscience du « qui », « quoi », « quand », « où » comme plusieurs d’entre nous l’ont appris dans l’atelier d’improvisation.
Puis, comme nous savons que nous ne pouvons retourner en arrière, ni même aller plus vite en avant, il est d’autant intéressant de voir que nous avons nos forces propres malgré tout. Les découvrir est une première étape. Et quand nous les connaissons, nous pouvons les utiliser pour réussir plein de choses qui amènent une belle fierté et une énergie de continuité. Par ailleurs, si nous méditons un instant, nous pouvons en venir à vouloir travailler aussi sur nos faiblesses afin d'améliorer notre capacité à dépasser petit à petit nos limites, mais cela nous demande une volonté particulière.
Mais comme il est encourageant de voir que chaque seconde peut nous apporter quelque chose de meilleur. Le meilleur tient par contre de la comparaison, donc se définit par rapport au passé… Alors, pourquoi ne pas juste dire « quelque chose de bon »?
Je me suis souvent demandé comment retrouver les souvenirs de ma vie de 0 à 18 ans et deux jours. Ces questionnements continuels ont occupé une grande place dans mon cheminement. En fait, ils prenaient toute la place, car je ne trouvais jamais les réponses. J’ai arrêté de chercher après un bout de temps en ayant des hauts et des bas émotifs, certes, face au fait que je vivais et vis toujours sans souvenirs de mon enfance, mais au moins à partir de ce moment, j’ai commencé à travailler encore plus fort pour me développer et réussir à atteindre mes objectifs. Le moment présent m’est devenu une sorte de bouée, j’ai arrêté de regarder en arrière et plus en avant. Depuis, je vis mes journées un jour à la fois et considère mes progrès et mes bonheurs au quotidien, puis j’ai compris que « le bonheur et le malheur ne font qu’un, seule l’illusion du temps les sépare. » (Eckhart Tolle)
Quand nous mettons le temps de notre côté, que nous prenons notre temps, nous arrivons à vivre les moments présents comme les parcelles qui composent notre vie… qui continue.
NDLR : Vous venez de lire le dernier texte de cette chronique. Nous disons adieu à Élianne et à Jocelyne, sa maman, dont l’expérience de vie a su nous garder en haleine dès sa première publication dans le numéro de mai 2017.
